Louis XIV, dit Louis le Grand ou le Roi-Soleil, né le 5 septembre 1638 au château Neuf de Saint-Germain-en-Laye et mort le 1er septembre 1715 à Versailles, est un roi de France et de Navarre. Son règne s’étend du 14 mai 1643 — sous la régence de sa mère Anne d’Autriche jusqu’au 7 septembre 1651 — à sa mort en 1715. Son règne de 72 ans est l’un des plus longs de l’histoire d’Europe et le plus long de l’histoire de France. Né Louis, surnommé Dieudonné, il monte sur le trône de France au décès de son père, Louis XIII, quelques mois avant son cinquième anniversaire. Il devient ainsi le 64e roi de France, le 44e roi de Navarre et le troisième roi de France issu de la dynastie des Bourbons. S’il n’aime guère que son principal ministre d’État, Colbert, fasse référence à Richelieu, ministre de Louis XIII et partisan intransigeant de l’autorité royale, il s’inscrit néanmoins dans son projet de construction séculaire d’un absolutisme de droit divin. Usuellement, son règne est divisé en trois parties : la période de sa minorité, troublée par la Fronde, de 1648 à 1653, durant laquelle sa mère et le cardinal Mazarin gouvernent ; la période allant de la mort de Mazarin, en 1661, au début des années 1680, pendant laquelle le roi gouverne en arbitrant entre les grands ministres ; la période allant du début des années 1680 à sa mort, où le roi gouverne de plus en plus seul, notamment après la mort de Colbert, en 1683, puis de Louvois, en 1691. Cette période est aussi marquée par un retour du roi à la religion, notamment sous l’influence de sa seconde femme, Madame de Maintenon. Son règne voit la fin des grandes révoltes nobiliaires, parlementaires, protestantes et paysannes qui avaient marqué les décennies précédentes. Le monarque impose l’obéissance à tous les ordres et contrôle les courants d’opinion (y compris littéraires ou religieux) de façon plus prudente que Richelieu. La France est, pendant son règne, le pays le plus peuplé d’Europe, ce qui lui confère une certaine puissance d’autant que, jusque dans les années 1670, l’économie se porte bien grâce notamment au dynamisme économique du pays et à des finances publiques en ordre. Par la diplomatie et la guerre, Louis XIV affirme sa puissance en particulier contre les Habsbourg. Sa politique du « pré carré » cherche à agrandir et rationaliser les frontières du pays, protégée par la « ceinture de fer » de Vauban, qui fortifie les villes conquises. Cette action lui permet de donner à la France des frontières approchant celles de l’ère contemporaine, avec l’annexion du Roussillon, de la Franche-Comté, de Lille, de l’Alsace et de Strasbourg. Toutefois, les guerres pèsent sur les finances publiques et Louis XIV s’attire la méfiance des autres pays européens, qui s’allient souvent à la fin de son règne pour contrer sa puissance. C’est aussi le moment où, après la Glorieuse Révolution, l’Angleterre commence à affirmer sa puissance, notamment maritime et économique, sous le règne d’un adversaire déterminé de Louis XIV, Guillaume d’Orange. D’un point de vue religieux, le xviie siècle est complexe et ne se limite pas à l’opposition entre catholiques et protestants. Parmi les catholiques, la question de la grâce suscite une forte opposition entre les jésuites et les jansénistes. Louis XIV doit trancher entre les divers courants de pensée religieuse en tenant compte non seulement de ses propres convictions, mais aussi de considérations politiques. Ainsi, s’il fait condamner les jansénistes, c’est aussi parce qu’il se méfie de leur anti-absolutisme. Concernant les protestants, si la révocation de l’édit de Nantes en 1685, est généralement bien accueillie en France, les réactions en Europe et à Rome sont plus défavorables. Les relations avec les papes sont en général mauvaises, particulièrement avec Innocent XI. En effet, le roi entend préserver son indépendance et celle de son clergé face à Rome, ce qui ne l’empêche pas de se méfier des gallicans, souvent imprégnés par le jansénisme. À la fin du règne, la querelle du quiétisme entraîne également des tensions avec Rome. À partir de 1682, Louis XIV dirige son royaume depuis le vaste château de Versailles, dont il a supervisé la construction et dont le style architectural a inspiré d’autres châteaux européens. Sa cour soumet la noblesse, étroitement surveillée, à une étiquette très élaborée. Le prestige culturel s’y affirme grâce au mécénat royal en faveur d’artistes tels que Molière, Racine, Boileau, Lully, Le Brun et Le Nôtre, ce qui favorise l’apogée du classicisme français, qualifié, dès son vivant, de « Grand Siècle », voire de « siècle de Louis XIV ». Sa fin de règne, difficile, est marquée par l’exode des protestants persécutés, par des revers militaires, par les famines de 1693 et de 1709, qui font près de deux millions de morts, par la révolte des Camisards et par les nombreux décès de ses héritiers royaux. Tous ses enfants et petits-enfants dynastes sont morts avant lui, et son successeur, son arrière-petit-fils Louis XV, n’a que cinq ans lorsqu’il meurt. Pourtant, même après la régence assez libérale de Philippe d’Orléans, l’absolutisme perdure, attestant ainsi de la solidité du régime construit. Après la disparition de Louis XIV, Voltaire s’inspire pour partie de lui pour élaborer le concept de despotisme éclairé. Bien plus tard, Louis XIV est considéré par Marc Fumaroli, comme le « saint patron » de la politique culturelle de la Cinquième République en France. Jules Michelet, au xixe siècle, lui est hostile et insiste sur le côté sombre de son règne (dragonnades, galères, disettes, etc.). Dans la seconde moitié du xixe siècle, Ernest Lavisse est plus modéré, même si ses manuels scolaires insistent sur son despotisme et sa cruauté. Dans les années 1970, Michel de Grèce pointe ses insuffisances, tandis que François Bluche le réhabilite.
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Historique des différents courants, pourquoi …
Liste des principaux courants
Art gothique :
L’art gothique ou art français (en latin francigenum opus) est une période artistique s’étendant sur environ quatre cents ans, qui s’est développée à partir de la seconde partie du Moyen Âge en France puis en Europe occidentale.
Apparu en région d’Île-de-France vers le xiie siècle, l’art gothique français se développe en Europe, évoluant au xive siècle vers le gothique international au caractère plus profane. L’art gothique est d’abord illustré par l’architecture, mais aussi par la sculpture, la peinture sur bois, le vitrail, et l’enluminure.
Initialement dénommé francigenum opus (art français) au Moyen Âge, le terme « gothique » n’apparaît qu’à partir de la renaissance. Cette expression péjorative est utilisée par les artistes italiens Antonio Averlino (Le Filarète) et Giorgio Vasari pour désigner un art du Moyen Âge qu’ils jugent barbare et grossier.
Le mouvement artistique gothique est précédé par l’art roman et suivi par la Renaissance.
La Sainte-Chapelle (1242-1248) à Paris, chef-d’œuvre de l’art gothique.
Origine du terme :
L’expression « art gothique » n’apparaît qu’à la Renaissance et est utilisée pour désigner un ensemble de production artistique médiévale avec une connotation péjorative car dévalorisée aux yeux des contemporains par rapport à l’Antiquité et à la Renaissance.
Architecture :
L’art gothique est plus présent dans les domaines religieux que profane ; des édifices architecturaux représentatifs de cet art sont de nombreuses cathédrales de l’époque. L’architecture gothique est née en France puis s’est diffusée en Grande-Bretagne (notamment pour la cathédrale de Canterbury), ainsi que dans toute l’Europe à la fin du XIIIe siècle.
Les cathédrales gothiques sont vastes et complexes. Une nouvelle technique architecturale est utilisée : celle de la voûte sur croisée d’ogives2 : une voûte formée de deux arcs qui se croisent en diagonales. Cette technique est une caractéristique de l’architecture gothique. Les cathédrales gothiques sont très élevées car les piliers et les croisées d’ogives en forment la structure porteuse, qui est ainsi moins lourde que dans le cas d’une structure faite de murs porteurs et de piliers travaillant par deux ; on peut donc monter plus haut avec moins de poids. Cette technique de construction permet aussi d’ouvrir plus largement ce qui était autrefois des murs porteurs2 et qui ne font plus maintenant office que de remplissage. Les arcs des ouvertures sont à présent en arc brisé.
Abbaye de Saint-Denis, abside et façade septentrionale, lithographie par Félix Benoist.
Pour soutenir le poids des voûtes sur croisée d’ogive, on a utilisé la technique des arcs-boutants. Un arc-boutant est l’élément d’appui en forme de demi-arc situé à l’extérieur de l’édifice ; il repose sur un contrefort et soutient le mur là où s’exercent les plus fortes poussées des voûtes sur croisées d’ogives. Les constructeurs ont cherché à annuler le poids des ogives par des arcs-boutants cachés dans la couverture de l’édifice, puis par un support extérieur sur un contrefort. Les arcs-boutants paraissent nécessaires dès la construction pour les édifices du premier art gothique qui ont adopté une élévation à trois niveaux.
Cette technique de construction permettant davantage d’ouvertures et de plus grande taille, les cathédrales ont alors pu comporter davantage de vitraux que les cathédrales romanes ; les vitraux de ces cathédrales gothiques sont colorés.
La cathédrale Saint-Étienne de Sens est l’un des premiers grands édifices de cet art.
La basilique Saint-Denis, dans la ville française du même nom, est devenue l’un des chefs-d’œuvre de l’art gothique à la suite d’une rénovation entre les xiie et xive siècles ; d’autres édifices marquants sont la cathédrale Notre-Dame de Reims et la cathédrale Notre-Dame de Chartres, ainsi que la Sainte-Chapelle de Paris et la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg en ce qui concerne le gothique flamboyant.
Infographie avec quelques termes de l’architecture gothique.
Sculpture :
L’art gothique touche également la sculpture, avec notamment l’apparition du style monumental, avec la Sainte-Chapelle, à Paris, entre la fin du XIIIe siècle et le début du XIVe. Au début du xive siècle, l’art gothique est à son apogée en Italie, mais il est bientôt suivi par les prémices de la Renaissance.
Cathédrale Notre-Dame d’Amiens, statue du Beau Dieu d’Amiens, (vers 1230).
Cathédrale Notre-Dame d’Amiens, statue de la Vierge dorée (vers 1240).
Ange du portail de la cathédrale de Reims (vers 1240).
Vierge à l’Enfant assise, ivoire, vers 1250 (Musée du Louvre).
Vierge d’Abbeville, en chêne, vers 1270 (Musée du Louvre).
Cathédrale Notre-Dame de Chartres, vitrail retraçant la parabole du Bon Samaritain (XIIIe siècle).
Paris, Musée de Cluny, châsse-reliquaire, décor en émail de Limoges (vers 1225-1250).
Chantilly, Musée Condé, miniature des Très Riches Heures du duc de Berry (XVe siècle).
Tenerife (Espagne), Sanctuaire royal du Santísimo Cristo de La Laguna, Cristo de La Laguna, art flamand (1510-1514).
Documentaire : le défi des bâtisseurs de la cathédrale de Strasbourg :
https://videotheque.cfrt.tv/video/le-defi-des-batisseurs-la-cathedrale-de-strasbourg/
Des panoramiques (images volumineuses) :
Initiation à l’architecture et à la sculpture gothiques à travers l’exemple de la Cathédrale Notre-Dame de Strasbourg.
Un glossaire des principaux termes de la sculpture et de l’architecture gothiques est proposé sur le site du Musée de l’oeuvre Notre Dame :
http://www.oeuvre-notre-dame.org/index2.htm
Une présentation synthétique des styles du Moyen Age à travers les églises et cathédrales connues et moins connues :
http://architecture.relig.free.fr/arch_ma.htm
Voir page sur la sculpture gothique :
https://lewebpedagogique.com/hida/2010/10/10/sculpture-gothique-xiiie-europe-dunord/
Évolution de la voûte gothique : de plus en plus spectaculaire !
Le Pilier des anges ou pilier du Jugement dernier.
Sur l’iconographie du Jugement dernier lire Dictionnaire la Bible et les saints de M. Pastoureau :
Louis XVI
Louis XVI, né le à Versailles sous le nom de Louis-Auguste de France et mort guillotiné le à Paris, est roi de France et de Navarre du au , puis roi des Français jusqu’au . Il est le dernier roi de France de la période dite de l’Ancien Régime.
Fils du dauphin Louis de France et de Marie-Josèphe de Saxe, il devient dauphin à la mort de son père. Marié en 1770 à Marie-Antoinette d’Autriche, il monte sur le trône en 1774, à dix-neuf ans, à la mort de son grand-père Louis XV.
Héritant d’un royaume au bord de la banqueroute, il lance plusieurs réformes financières, notamment portés par les ministres Turgot, Calonne et Necker, comme le projet d’un impôt direct égalitaire, mais qui échouent toutes face au blocage des parlements, du clergé, de la noblesse et de la cour. Il fait évoluer le droit des personnes (abolition de la torture, du servage, etc.) et remporte une grande victoire militaire face à l’Angleterre, à travers son soutien actif aux indépendantistes américains. Mais l’intervention française en Amérique achève de ruiner le royaume.
Louis XVI est principalement connu pour son rôle dans la Révolution française. Celle-ci commence en 1789 après la convocation des états généraux pour refinancer l’État. Les députés du Tiers, qui revendiquent le soutien du peuple, se proclament « Assemblée nationale » et mettent de facto un terme à la monarchie absolue de droit divin. Dans un premier temps, Louis XVI doit quitter le château de Versailles — il reste le dernier monarque à y avoir habité — pour Paris, et semble accepter de devenir un monarque constitutionnel. Mais avant la promulgation de la Constitution de 1791, la famille royale quitte la capitale et se voit arrêtée à Varennes. L’échec de cette fuite a un retentissement important dans l’opinion publique, jusque-là peu hostile au souverain, et marque une fracture entre conventionnels.
Devenu roi constitutionnel, Louis XVI nomme et gouverne avec plusieurs ministères, feuillant puis girondin. Il contribue activement au déclenchement d’une guerre entre les monarchies absolues et les révolutionnaires, en . La progression des armées étrangères et monarchistes vers Paris provoque, lors de la journée du 10 août 1792, son renversement par les sections républicaines, puis l’abolissement de la monarchie le mois suivant. Emprisonné puis jugé coupable d’intelligence avec l’ennemi, celui qui est appelé par les révolutionnaires « Louis Capet » est condamné à mort et guillotiné sur la place de la Révolution à Paris. La reine et la sœur du roi Élisabeth connaissent le même sort quelques mois plus tard.
Néanmoins, la royauté ne disparaît pas avec lui : après s’être exilés, ses deux frères cadets règnent sur la France sous les noms de Louis XVIII et Charles X, entre 1814 et 1830. Le fils de Louis XVI, emprisonné à la prison du Temple, avait été reconnu roi de France sous le nom de « Louis XVII » par les monarchistes, avant de mourir dans sa geôle en 1795, sans avoir jamais régné.
Après l’avoir d’abord considéré soit comme un traître à la patrie soit comme un martyr, les historiens français adoptent globalement une vue nuancée de la personnalité et du rôle de Louis XVI, en s’accordant généralement sur le fait que son caractère n’était pas à la hauteur des circonstances exceptionnelles de la période révolutionnaire.
Naissance, ondoiement et baptême
Louis-Augustec de France naît au château de Versailles le à 6 h 24 du matina 1.
Il est le cinquième enfant et troisième fils du dauphin Louis de France (1729-1765), le quatrième avec sa seconde épouse Marie-Josèphe de Saxe. De l’union de ce couple sont nés au total huit enfants :
- Marie-Zéphyrine de France (1750-1755) ;
- Louis de France (1751-1761), duc de Bourgogne ;
- Xavier de France (1753-1754), duc d’Aquitaine ;
- Louis-Auguste de France, duc de Berry, futur Louis XVI ;
- Louis Stanislas Xavier de France (1755-1824), comte de Provence, qui deviendra roi sous le nom de Louis XVIII en 1814 (reconnu comme tel dès la mort de Louis XVII en 1795 par certaines puissances européennes) ;
- Charles Philippe de France (1757-1836), comte d’Artois, qui deviendra roi sous le nom de Charles X à la mort du précédent ;
- Clotilde de France (1759-1802), reine de Sardaigne de 1796 à 1802 par son mariage avec le roi Charles-Emmanuel IV de Sardaigne ;
- Élisabeth de France (1764-1794), elle partage jusqu’aux derniers instants le sort de la famille royale. Elle est guillotinée.
D’un premier mariage avec Marie-Thérèse d’Espagne, Louis avait eu une fille Marie-Thérèse de France (1746-1748).
De nombreuses personnes sont là pour constater la venue du nouveau-né : l’accoucheur de la famille royale Jard ; le chancelier Guillaume de Lamoignon de Blancmesnil, le garde des sceaux Jean-Baptiste de Machault d’Arnouville et le contrôleur général des finances Jean Moreau de Séchelles, des porteurs, gardes du corps et la sentinelle. Le dauphin, en robe de chambre, accueille chacun en disant : « Entrez, mon ami, entrez vite, pour voir accoucher ma femme. »
Peu avant la naissance, Binet, le premier valet de chambre du dauphin, a dépêché auprès de Louis XV, le grand-père du futur bébé, un piqueur de la Petite Écurie pour lui annoncer la naissance imminente alors que le roi avait pris ses quartiers d’été au château de Choisy-le-Roi. Juste après la naissance, le dauphin envoya quant à lui l’un de ses écuyers M. de Montfaucon annoncer cette fois-ci la nouvelle de la naissance proprement dite. Sur la route, Montfaucon croisa le piqueur qui, tombé de cheval puis mort peu de temps aprèsb 1, n’avait pu porter le premier message. L’écuyer apporta donc au roi les deux messages simultanément : celui de la naissance à venir et celui de la naissance survenue. Ainsi averti, Louis XV donna 10 louis au piqueur et 1 000 livres à l’écuyer avant de se rendre immédiatement à Versailles.
Immédiatement après sa naissance, le bébé est ondoyéd à l’église Notre-Dame de Versailles7 par Sylvain-Léonard de Chabannes (1718-1812)8, aumônier du roi.
Quand le roi entre dans la chambre, il saisit le nouveau-né et le prénomme Louis-Auguste avant de le nommer immédiatement duc de Berry. Le bébé est aussitôt confié à la comtesse de Marsan, gouvernante des enfants de France, avant d’être conduit dans son appartement par Louis François Anne de Neufville de Villeroy, duc de Villeroy et capitaine des gardes du corps du roia 2
La nouvelle de la naissance est annoncée aux souverains d’Europe alliés de la couronne ainsi qu’au pape Benoît XIV. Vers 13 heures, le roi et la reine Marie Leszczyńska assistent à un Te Deum dans la chapelle du château. Les cloches des églises de Paris se mettent à sonner et, le soir, un feu d’artifice est tiré de la place d’armes et allumé de la main du roi au moyen d’une « fusée courante », de son balcon9.
Jeunesse et préparation au pouvoir (1754-1774)
Dans l’ombre du duc de Bourgogne
Le nouveau-né souffre d’une santé assez fragile durant les premiers mois de sa vie. On dit de lui qu’il a un « tempérament faible et valétudinaire »10. Sa nourrice, qui est aussi la maîtresse du marquis de La Vrillière, ne donne pas assez de lait. Sur l’insistance de la dauphine, elle est remplacée par Madame Mallarda 3. Du au , le duc de Berry et son frère aîné, le duc de Bourgogne, sont envoyés au château de Bellevue sur les conseils du médecin genevois Théodore Tronchin, afin d’y respirer un air plus sain qu’à Versaillesa 4.
À l’instar de ses frères, le duc de Berry a pour gouvernante la comtesse de Marsan, gouvernante des enfants royaux. Cette dernière favorise, d’une part, le duc de Bourgogne en tant qu’héritier du trône, et d’autre part le comte de Provence, qu’elle préfère à ses frères. Se sentant délaissé, le duc de Berry ne la portera jamais vraiment dans son cœur et, une fois sacré roi, il refusera toujours d’assister aux fêtes qu’elle organisait pour la famille royalea 5. La gouvernante est notamment chargée d’apprendre aux enfants la lecture, l’écriture et l’histoire sainte. Leurs parents surveillent de près cette éducation, la dauphine leur enseignant l’histoire des religions et le dauphin les langues et la morale. Il leur apprend notamment que « tous les hommes sont égaux par droit de nature et aux yeux de Dieu qui les a créés »11.
En tant que petit-fils du roi, le duc de Berry est tenu comme ses frères à un certain nombre d’obligations et de rituels : ils assistent tant aux enterrements royaux (qui ne manquent pas entre 1759 et 1768) qu’aux mariages des personnages importants de la cour et se doivent d’accueillir malgré leur jeune âge les souverains étrangers et les hommes d’Église notamment. C’est ainsi qu’en , trois nouveaux cardinaux leur rendent visite : « Bourgogne (âgé de 5 ans) les reçut, écouta leurs discours et les harangua, tandis que Berry (22 mois) et Provence (6 mois), gravement assis sur des fauteuils, avec leur robe et leur petit bonnet, imitaient les gestes de leurs aînés »12.
En grandissant, les petits-fils du roi doivent passer des jupons de leur gouvernante aux mains d’un gouverneur chargé de l’ensemble des activités éducatives. Après avoir pensé au comte de Mirabeau (père du futur révolutionnaire), le dauphin choisit pour ses enfants en 1758 un homme plus proche des idées monarchiques : le duc de La Vauguyon, prince de Carency et pair de France. Ce dernier appellera ses élèves les « Quatre F » : le Fin (duc de Bourgogne), le Faible (duc de Berry), le Faux (comte de Provence) et le Franc (comte d’Artois)13. La Vauguyon est assisté de quatre adjoints : Jean-Gilles du Coëtlosquet (précepteur), André-Louis-Esprit de Sinéty de Puylon (sous-gouverneur), Claude-François Lizarde de Radonvilliers (sous-précepteur) et Jean-Baptiste du Plessis d’Argentré (lecteur). Le dauphin demande à La Vauguyon de s’appuyer sur les Saintes Écritures et le modèle d’Idoménée, héros du Télémaque de Fénelon : « Vous y trouverez tout ce qui convient à la direction d’un roi qui veut remplir parfaitement tous les devoirs de la royauté »13. Ce dernier aspect est privilégié car le futur Louis XVI (et ses frères cadets), n’étant pas destiné à ceindre la couronne, est tenu à l’écart des affaires, on ne lui apprend pas à gouverner14.
L’usage de la cour était que les enfants royaux passassent de leur gouvernante au gouverneur à l’âge de 7 ans. C’est ainsi que le duc de Bourgogne est remis au duc de La Vauguyon le , peu avant son septième anniversaire, quittant ainsi les robes d’enfant pour les habits masculins. Cette séparation d’avec sa gouvernante est difficile pour elle comme pour lui, et le duc de Berry se trouve lui aussi attristé par ce déchirement soudain. Le duc de Bourgogne est admiré par ses parents et par la cour. Intelligent et sûr de lui, il n’en demeure pas moins capricieux et convaincu de sa supériorité. Il questionne un jour ses proches en leur disant « Pourquoi ne suis-je pas né Dieu15 ? » Tout semble montrer qu’il sera un grand roi.
Un événement anodin va pourtant changer la destinée de la famille royale : au printemps 1760, le duc de Bourgogne tombe du haut d’un cheval en carton qu’on lui avait offert quelque temps plus tôt. Il se met à boiter et les médecins lui découvrent une grosseur à la hanche. L’opération qu’il subit n’y fait rien. Le prince est alors condamné à rester dans sa chambre et ses études sont interrompues. Il souhaite pour être consolé retrouver son petit frère, le duc de Berry. C’est ainsi que dès 1760, le futur roi passe exceptionnellement aux mains du gouverneur avant d’atteindre l’âge de 7 ans. La Vauguyon recrute pour lui un second sous-précepteura 6. Les deux frères sont dès lors éduqués ensemble, le duc de Bourgogne se distrayant en collaborant à l’éducation de son jeune frère, et ce dernier s’intéressant davantage à la géographie et aux arts mécaniques. L’état de santé du duc de Bourgogne s’aggrave néanmoins et on lui diagnostique en une double tuberculose (pulmonaire et osseuse). La cour doit se rendre à l’évidence : la mort du prince est aussi imminente qu’inéluctable. Ses parents se trouvent dans « un accablement de douleur qu’on ne peut se représenter16. » Dans l’urgence, l’enfant est baptisé le , fait sa première communion le lendemain et reçoit l’extrême-onction le avant de mourir en odeur de sainteté le suivant, en l’absence de son petit-frère, alité lui aussi par une forte fièvre.
Héritier de la couronne de France
La mort du duc de Bourgogne est vécue comme un drame pour le dauphin et la dauphine. Cette dernière déclarera : « rien ne peut arracher de mon cœur la douleur qui y est gravée à jamais »17. On installe le duc de Berry dans les appartements de feu son grand frère.
Le , le même jour que son frère Louis Stanislas Xavier, Louis Auguste est baptisé par l’archevêque Charles Antoine de La Roche-Aymon dans la chapelle royale du château de Versailles, en présence de Jean-François Allart (1712-1775), curé de l’église Notre-Dame de Versailles. Son parrain est son grand-père Auguste III de Pologne, représenté par Louis-Philippe, duc d’Orléans, et sa marraine est Marie Adélaïde de France18.
Louis-Auguste se distingue déjà par une grande timidité ; certains y voient un manque de caractère, comme le duc de Croÿ en 1762 : « Nous remarquâmes que des trois Enfants de France, il n’y avait que Monsieur de Provence qui montrât de l’esprit et un ton résolu. Monsieur de Berry, qui était l’aîné et le seul entre les mains des hommes, paraissait bien engoncé19. » Il se montre néanmoins parfois à son aise devant les historiens et philosophes se présentant à la coure. Il fait également preuve d’humour et de repartie21. La Vauguyonf et le prédicateur Charles Frey de Neuville23 remarquent même chez le jeune homme d’assez grandes qualités pour en faire un bon roi.
Sur le plan intellectuel, Berry est un élève doué et consciencieux. Il excelle dans les matières suivantes : géographie, physique, écriture, morale, droit public, histoire, danse, dessin, escrime, religion et mathématiques. Il apprend plusieurs langues (latin, allemand, italien et anglais) et savoure quelques grands classiques de la littérature comme La Jérusalem délivrée, Robinson Crusoé ou encore Athalie de Jean Racinea 7. Son père se montre néanmoins intransigeant et le prive parfois de chasse au moindre relâchement24. Élève studieux, il se passionne pour plusieurs disciplines scientifiques. Selon l’historien français Ran Halévi25 : « Louis XVI a reçu l’éducation d’un « prince des Lumières » — C’était un monarque éclairé ». Les professeurs d’histoire Philippe Bleuzé et Muriel Rzeszutek précisent que : « Louis XVI connaissait le latin, l’allemand, l’espagnol, maîtrisait l’anglais parfaitement, pratiquait la logique, la grammaire, la rhétorique, la géométrie, l’astronomie. Il avait une culture historique et géographique incontestable et des compétences en économie ». Ils estiment qu’« il est très influencé par Montesquieu, qui lui inspire une conception moderne de la monarchie détachée du droit divin »26.
Le destin du duc de Berry allait encore être bouleversé par un événement anodin. Le , le dauphin son père fait une visite à l’abbaye de Royallieu et revient à Versailles sous la pluie. D’une santé déjà précaire et affublé d’un rhume, il est pris d’une violente fièvre. Il parvient à faire transporter la cour au château de Fontainebleau pour changer d’air, mais rien n’y fait et son état empire au fil des mois. Après une agonie de 35 jours, le dauphin meurt le à l’âge de 36 ans27.
À la mort de son père, le duc de Berry devient donc dauphin de France. Il a 11 ans et a vocation à succéder immédiatement au roi, son grand-père, qui en a 56.
Dauphin de France
Fin de l’éducation
Louis-Auguste est désormais dauphin, mais ce changement de statut ne l’exonère pas de poursuivre son éducation, bien au contraire. La Vauguyon recrute un adjoint supplémentaire pour enseigner au dauphin la morale et le droit public : le père Guillaume François Berthier. Le gouverneur incite le duc de Berry à penser de lui-même en lui appliquant la méthode du libre examen. Pour ce faire, il lui demande de rédiger dix-huit maximes morales et politiques ; le dauphin s’y emploie avec efficacité et parvient à y prôner notamment le libre commerce, la récompense des citoyens ou encore l’exemple moral que se doit d’afficher le roi (allusion à peine voilée aux frasques de Louis XV). L’ouvrage est récompensé par La Vauguyon, qui le fait même imprimer28. Le dauphin rédige même un ouvrage dans lequel sont relatées les idées inspirées par son gouverneur : Réflexions sur mes Entretiens avec M. le duc de La Vauguyon ; il y forge notamment sa vision de la monarchie en énonçant par exemple que les rois eux-mêmes « sont responsables de toutes les injustices qu’ils n’ont pas pu empêcher »29. Sa mère tempère cet élan libéral en lui inculquant plus encore les préceptes de la religion catholique ; c’est ainsi que le dauphin reçoit le sacrement de confirmation le et fait sa première communion le suivant. En grandissant, Berry commence à sortir davantage et pratique l’équitation. Il commence également à se passionner pour l’horlogerie et la serrurerie, deux loisirs qui ne le quitteront plus30. L’abbé Jacques-Antoine Soldini vient conforter l’éducation religieuse du jeune homme.
L’éducation proprement dite du dauphin s’arrêtera avec son « établissement », c’est-à-dire son mariage. Celui-ci sera célébré à Versailles le avec la jeune Marie-Antoinette d’Autriche. À cette occasion, l’abbé Soldini adresse au dauphin une longue lettre de conseils et recommandations pour sa vie à venir, et notamment sur les « mauvaises lectures » à éviter et sur l’attention à porter à son alimentation. Il l’exhorte enfin à toujours rester ponctuel, bon, affable, franc, ouvert mais prudent dans ses parolesa 8. Soldini deviendra plus tard le confesseur du dauphin devenu roi.
Mariage avec Marie-Antoinette d’Autriche
Le mariage du dauphin est envisagé dès l’année 1766 par Étienne-François de Choiseul alors que le futur roi n’a que 12 ans. Le royaume de France étant sorti fragilisé de la guerre de Sept Ans, le secrétaire d’État trouve judicieuse l’idée de s’allier avec l’Autriche face au puissant royaume de Grande-Bretagne. Le roi est convaincu du projet, et dès le , l’ambassadeur d’Autriche à Paris écrit à l’archiduchesse Marie-Thérèse qu’elle « peut de ce moment regarder comme décidé et assuré le mariage du dauphin et de l’archiduchesse Marie-Antoinette »31. La mère du dauphin fait néanmoins suspendre le projet dans le but de maintenir la cour de Vienne dans l’expectative, « entre la crainte et l’espérance »31. « Suspendre » est le terme approprié, puisqu’elle meurt quelques mois plus tard, le . Le projet de mariage est alors remis sur la table.
Peu après la mort de Marie-Josèphe de Saxe, le marquis de Durfort est envoyé en mission à Vienne pour convaincre l’archiduchesse et son fils des bienfaits politiques de cette union. Les négociations durent plusieurs années, et l’image donnée par le dauphin n’est pas toujours reluisante : Florimond de Mercy-Argenteau, l’ambassadeur d’Autriche à Paris, lui signale notamment que la « nature semble avoir refusé tout don à Monsieur le Dauphin, […], par sa contenance et ses propos ce prince n’annonce qu’un sens très borné, beaucoup de disgrâce et nulle sensibilité »32. Malgré ces avis, et malgré le jeune âge des intéressés (15 ans pour Louis-Auguste et 14 pour Marie-Antoinette), l’impératrice voit dans ce mariage l’intérêt de son pays et y donne son accord. Le , Marie-Antoinette renonce officiellement à la succession du trône autrichien et, le , une cérémonie nuptiale est célébrée à Vienne, le marquis de Durfort signant l’acte de mariage au nom du dauphin.
Marie-Antoinette part pour la France le au cours d’un voyage qui durera plus de 20 jours accompagnée d’un cortège d’une quarantaine de véhicules33. Le cortège arrive à Strasbourg le . La cérémonie de « remise de l’épouse » s’effectuera au milieu du Rhin, à égale distance entre les deux rives, sur l’Île aux Épis. Dans un pavillon construit sur cet îlot, la jeune femme troque ses vêtements autrichiens pour des vêtements français, avant de ressortir outre-Rhin, vers un cortège français et à côté de la comtesse de Noailles, sa nouvelle dame d’honneur34. La rencontre entre le dauphin et sa future épouse a lieu le , au pont de Berne, dans la forêt de Compiègne. Le roi, le dauphin et la cour sont là pour accueillir le cortège. À sa descente du carrosse, la future dauphine fait la révérence au roi et est présentée par lui au duc de Berry, lequel lui fait un discret baiser sur la joue. Le carrosse royal emmène ensuite le roi, le dauphin et sa future épouse au château de Compiègne, où une réception officielle est organisée le soir même pour présenter la future dauphine aux principaux membres de la cour. Le lendemain, le cortège s’arrête au carmel de Saint-Denis où Madame Louise s’est retirée depuis quelques mois, puis il se rend au château de la Muette pour présenter sa future épouse au comte de Provence et au comte d’Artois, et où elle fait connaissance avec la nouvelle et dernière favorite du roi, la comtesse du Barry.
Le mariage officiel est célébré le lendemain à la chapelle du château de Versailles, en présence de 5 000 invités. Là, Marie-Antoinette traverse la galerie des glaces en compagnie du roi et de son futur époux jusqu’à la chapelle. Le mariage est béni par Charles Antoine de La Roche-Aymon, archevêque de Reims. Le dauphin, ceint du cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit, passe l’anneau au doigt de sa femme et obtient du roi le signe rituel d’assentimenta 9. Puis, les époux et témoins signent les registres paroissiaux. Dans l’après-midi, les Parisiens venus nombreux assister au mariage sont autorisés à se promener dans le parc du château où les jeux d’eau ont été actionnés. Le feu d’artifice prévu le soir même a été annulé à cause d’un violent orage. Le dîner est organisé dans la toute nouvelle salle de spectacle du château ; le repas est accompagné par 24 musiciens habillés à la turque. Les époux, eux, mangent très peua 10. Peu après minuit, ils sont accompagnés à la chambre nuptiale. L’archevêque bénit le lit, le dauphin reçoit sa chemise nuptiale des mains du roi et la dauphine des mains de Marie-Adélaïde de Bourbon, duchesse de Chartres, la plus haut placée des femmes mariées de la cour. L’assistance assiste au coucher des époux, le roi lance quelques grivoiseries et les mariés sont laissés à eux-mêmesa 11. Le mariage n’est pas consommé cette nuit-là, mais sept années plus tard.
Les noces continuent d’être célébrées les jours suivants : les époux assistent à des opéras (Persée de Lully), des pièces de théâtre (Athalie, Tancrède et Sémiramis). Ils ouvrent le bal organisé en leur honneur le . Les festivités se terminent le où l’on a prévu de tirer un feu d’artifice depuis la Place Louis XV (là où quelques années plus tard le roi Louis XVI et son épouse seront guillotinés). Seule la dauphine a fait le déplacement, le roi ayant voulu rester à Versailles et le dauphin étant devenu las de ces festivités. Alors que Marie-Antoinette et Mesdames débouchent sur le Cours la Reine, on leur demande de rebrousser chemin. Ce n’est que le lendemain que la dauphine apprendra ce qui s’est passé : durant le feu d’artifice, un incendie s’est déclaré rue Royale, créant un mouvement de panique ; de nombreux passants ont été écrasés par des voitures et piétinés par des chevaux. Le bilan officiel fait état de 132 morts et des centaines de blessés. Les jeunes époux sont atterrés. Le dauphin écrit aussitôt au lieutenant général de police Antoine de Sartine : « J’ai appris les malheurs arrivés à mon occasion ; j’en suis pénétré. On m’apporte en ce moment ce que le Roi me donne tous les mois pour mes menus plaisirs. Je ne puis disposer que de cela. Je vous l’envoie : secourez les plus malheureux »31. La lettre est accompagnée d’une somme de 6 000 livres.
Délicat sujet de la consommation du mariage
La consommation du mariage du dauphin, loin d’être une affaire privée, va rapidement devenir une affaire d’État : par sa descendance, ce n’est pas uniquement sa famille mais la monarchie tout entière que le futur roi doit pérenniser. Mais cette consommation ne sera effective que le , soit plus de 7 ans après le mariage du dauphin.
Pourquoi une telle attente ? Selon l’écrivain Stefan Zweig, Louis-Auguste est le seul responsable. Victime d’une malformation des organes génitaux, il aurait tenté chaque nuit d’accomplir son devoir conjugal, en vain. Ces échecs quotidiens se répercutent dans la vie de cour, le dauphin devenu roi étant incapable de prendre des décisions importantes et la reine compensant son malheur dans des bals et des fêtes. L’auteur avance même que le roi est « incapable de virilité » et qu’il lui est donc impossible « de se comporter en roi »35. Puis, toujours selon l’auteur, la vie du couple est rentrée dans l’ordre le jour où Louis XVI a enfin daigné accepter de faire confiance à la chirurgie. Néanmoins selon Simone Bertière36, l’une des biographes de Marie-Antoinette, cette infirmité physique n’a pas été la cause de la longue abstinence des époux, puisque le dauphin ne souffrait justement d’aucune infirmité de ce type. Certes, dès (soit deux mois seulement après le mariage), le roi Louis XV profite d’une absence momentanée du dauphin pour convoquer Germain Pichault de La Martinière, un chirurgien alors réputé. Il lui pose deux questions médicales très précises : « Le jeune prince souffre-t-il d’un phimosis et est-il nécessaire de le circoncire ? Ses érections sont-elles entravées par un frein trop court ou trop résistant qu’un simple coup de lancette pourrait libérer ? ». Le chirurgien est clair : « le dauphin n’a aucun défaut naturel qui s’oppose à la consommation du mariage. » Le même chirurgien le redira deux ans plus tard en disant que « nul obstacle physique ne s’oppose à la consommation »37. L’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche s’empare du sujet, refusant de croire que sa fille pourrait être la cause de cet échec, disant « Je ne saurais me persuader que c’est de sa part que cela manque »37. En , devenu roi, Louis XVI se fait à nouveau examiner, cette fois-ci par Joseph-Marie-François de Lassone, médecin de la cour ; et en , c’est au docteur Moreau, chirurgien à l’Hôtel-Dieu de Paris, que revient la tâche d’examiner à nouveau le souverain. Les deux médecins sont formels : l’opération n’est pas nécessaire, le roi n’a aucune malformation.
Les docteurs Lassone et Moreau avancent néanmoins plusieurs raisons à ce retard conjugal, le premier parlant d’une « timidité naturelle » du monarque et le second d’un corps fragile qui semble néanmoins « prendre plus de consistance »37. D’autres auteurs, comme le biographe Bernard Vincent38, dénoncent quant à eux les coutumes de la cour qui, ajoutées à la timidité du roi et à la fragilité de son corps, ne pouvaient que retarder le moment suprême. En effet, les époux vivent dans des appartements séparés, et seul le roi a le droit de rendre visite à son épouse quand il s’agit de remplir le devoir conjugal. Une fois devenu roi, Louis XVI vit dans des appartements encore plus éloignés de ceux de sa femme qu’auparavant, et les allées et venues vers son épouse se font toujours sous le regard de courtisans curieux, notamment par la traversée du salon de l’Œil-de-bœuf. L’auteur ajoute que l’éducation prude et pudibonde des deux jeunes époux, au moment où ils étaient éduqués chacun dans leur pays, ne les avait pas disposés à s’abandonner du jour au lendemain aux audaces des relations conjugales. Car les adolescents, en étant tenus de passer leur première nuit ensembleg, furent subitement confrontés à la vie adulte sans y avoir été préalablement préparés. Et ni leur éducation, ni leur corps à peine pubère ne pouvaient les aider à surmonter cette étape. Peu confident[Quoi ?] et peu romantique, Louis XVI trouvera refuge dans l’une de ses activités préférées : la chasse.
Les mois et les années passent sans que de réels progrès soient perçus, le couple delphinal et ensuite royal commençant à s’habituer à cette situation. Marie-Antoinette voit dans cette période une occasion de « jouir un peu du temps de la jeunesse », explique-t-elle à Mercy-Argenteau37. Un semblant de consommation survient en où la dauphine confie à sa mère : « je crois le mariage consommé mais pas dans le cas d’être grosse »37. Le dauphin se précipite quant à lui chez le roi pour lui annoncer la nouvelle. Il semble en vérité que le dauphin n’a pu que déflorer son épouse sans aller jusqu’au bout. L’attente est récompensée le . Le suivant, la princesse écrit à sa mère : « Je suis dans le bonheur le plus essentiel pour toute ma vie. Il y a déjà plus de huit jours que mon mariage est consommé ; l’épreuve a été réitérée, et encore hier soir plus complètement que la première fois […]. Je ne crois pas être grosse encore mais au moins j’ai l’espérance de pouvoir l’être d’un moment à l’autre »37. L’accomplissement du devoir conjugal portera son fruit à quatre reprises puisque le couple royal aura autant d’enfants, sans compter une fausse couche en : Marie-Thérèse Charlotte (née en 1778), Louis-Joseph (né en 1781), Louis-Charles (né en 1785) et Marie-Sophie-Béatrice (née en 1786). Après ces quatre naissances, les époux n’entretiendront plus de relations conjugales. Ces échecs et cette nouvelle abstinence donneront au roi l’image d’un roi soumis aux volontés de sa femme. La longue route vers la consommation a terni au fil du temps l’image du couple. Et l’écrivain Simone Bertière d’affirmer : « une chasteté volontaire, respectueuse du sacrement conjugal, aurait pu être portée à son [celui de Louis XVI] crédit après le libertinage de son grand-père. Mais le ridicule des années stériles collera à son image, tandis que celle de la reine ne se remettra pas de sa course imprudente aux plaisirs frelatés »39.
Quatre années de vie du couple delphinal
Entre le mariage du dauphin et son sacre s’écoulent quatre années, pendant lesquelles Louis-Auguste est resté volontairement éloigné du pouvoir par le roi, comme ce dernier le faisait auparavant avec son propre fils. Il met donc son temps à profit pour les cérémonies officielles, la chasse (à courre ou au fusil), la fabrication de clés et de serrures et les salons de Mesdames. C’est dans ceux-ci que le dauphin rencontre ses tantes et ses frères accompagnés le moment venu par leur épouse. Les jeux, divertissements et pièces de théâtre du répertoire français y occupent une place importante. Chaque participant y fait souvent l’acteur, y compris la dauphine ; le dauphin, lui, y est peu enclin.
Le couple se montre volontiers en public, notamment en prodiguant quelques instants de réconfort auprès des plus pauvres. L’historien Pierre Lafue écrit que « populaires sans l’avoir cherché, les deux époux frémissaient de joie en écoutant les acclamations monter vers eux, dès qu’ils paraissaient en public »13. Leur première visite officielle à Paris et au peuple parisien se déroule le . Lors de cette journée, le couple a reçu un accueil des plus chaleureux et la foule nombreuse n’a cessé de les acclamer. Au programme de cette longue journée, Louis-Auguste et son épouse ont été reçus à Notre-Dame, sont montés prier devant la châsse de Sainte Geneviève dans l’abbaye du même nom avant de finir par une promenade dans les Tuileries, ouvertes à tous pour l’occasiona 12. L’ambassadeur de Mercy résume la journée en affirmant que « cette entrée est d’une grande conséquence pour fixer l’opinion publique »40. Le couple prend goût à ces accueils triomphaux et n’hésite pas, dans les semaines suivantes, à sortir à l’Opéra, à la Comédie-Française ou encore à la Comédie-Italienne.
Mort de Louis XV
Louis XV meurt à Versailles le à l’âge de 64 ans, de la petite vérole.
Les premiers symptômes de la maladie apparaissent le précédent. Ce jour-là, le roi est à Trianon et a prévu d’aller chasser avec son petit-fils, le duc de Berry. Se sentant fiévreux, le monarque suit la chasse à bord d’une calèche. Quelques heures plus tard, son état s’aggrave et La Martinière lui ordonne de retourner à Versailles. Il y subit une saignée mais celle-ci ne produit aucun effet ; deux jours plus tard, le , les médecins font savoir que le roi a contracté la variole, comme plusieurs membres de sa famille auparavant (notamment Hugues Capet ou encore le Grand Dauphin). Pour éviter la contagion, le dauphin et ses deux frères sont maintenus à distance de la chambre royale. Le visage du roi est couvert de pustules le . Ne se faisant plus guère d’illusions sur son état de santé, il fait venir son confesseur, l’abbé Louis Maudoux, dans la nuit du . L’Extrême-Onction lui est administrée le au soir.
Vers 16 heures le lendemain, le roi rend son dernier soupir. Le duc de Bouillon, grand chambellan de France, descend alors dans le salon de l’Œil-de-bœuf pour y crier la célèbre formule : « Le roi est mort, vive le roia 13 ! » Entendant cela de l’autre bout du château, le tout nouveau monarque jette un grand cri37 et voit accourir vers lui les courtisans venus le saluer ; parmi eux la comtesse de Noailles, qui sera la première à lui décerner le titre de Majesté. Le roi s’écrie : « Quel fardeau ! Et l’on ne m’a rien appris ! Il me semble que l’univers va tomber sur moi13 ! » La reine Marie-Antoinette aurait quant à elle soupiré : « Mon Dieu ! protégez-nous, nous régnons trop jeunes »37.
Accession au trône et premières décisions
Aussitôt après la mort de Louis XV, la cour se réfugie provisoirement au château de Choisy-le-Roi, afin d’éviter tout risque de contagion et de quitter l’atmosphère empuantie du château de Versailles. C’est à cette occasion que le nouveau roi prend l’une de ses premières décisions : celle d’inoculer l’ensemble de la famille royale contre la variolea 14. Le but de cette opération est d’administrer à très faible dose dans le corps humain des substances contaminées, le sujet devenant par la suite immunisé à vie. Néanmoins, le risque est réel puisqu’une dose trop importante peut faire contracter la maladie et par là causer la mort du patient. Le , le roi reçoit donc cinq injections et ses frères seulement deux chacunh. Les premiers symptômes de la variole apparaissent rapidement chez le roi : il souffre de douleurs aux aisselles le , est pris de fièvre et de nausée le 24 ; quelques boutons apparaissent le 27 et une légère suppuration survient le 30. Mais la fièvre retombe le et le roi est définitivement hors de danger. L’opération est donc un succès, tant pour lui que pour ses deux frères chez qui les symptômes ont été presque imperceptiblesa 15.
Parmi les premières décisions notables du nouveau monarque, nous pouvons en relever trois autres : il fait enfermer Madame du Barryi et prend le nom de Louis XVI et non celui de Louis-Auguste Ier comme la logique le voudrait, afin de se placer dans la lignée de ses prédécesseurs. Enfin, il convoque tous les ministres en place, intendants de province et commandants des forces armées neuf jours plus tard. Pour l’heure, il s’isole dans son bureau pour travailler, correspondre avec les ministres, lire des rapports et écrire des lettres aux monarques européens.
L’économie du Royaume de France était entrée en récession depuis 1770. Ainsi, Louis XVI commence immédiatement à diminuer les dépenses de la cour : il diminue les « frais de bouche » et les frais de garde-robe, le département des Menus-Plaisirs, les équipages de chasse comme ceux du daim et du sanglier, la Petite Écurie (passant ainsi le contingent de 6 000 à 1 800 chevaux), et enfin le nombre de mousquetaires et de gendarmes affectés à la protection du roia 16. Son frère le comte d’Artois le soupçonne d’avarice en le qualifiant de « Roi de France et avare »13. Le roi fait profiter les plus pauvres de ces économies en faisant distribuer 100 000 livres aux Parisiens particulièrement démunis13. De surcroît son premier édit, daté du , exempta ses sujets du « don de joyeux avènement », impôt perçu lors de l’accession au trône d’un nouveau roi, et dont le montant s’élevait à vingt-quatre millions de livres42. D’après Metra, « Louis XVI semble promettre à la nation le règne le plus doux et le plus fortuné »43.
Ministres et nouveau gouvernement
Le nouveau roi décide de gouverner seul et n’envisage pas de déléguer cette tâche à un chef de gouvernement. Néanmoins, il lui faut un homme de confiance et d’expérience pour le conseiller dans les décisions importantes qu’il aura à prendre. C’est la tâche de l’homme qu’on appelle officieusement le « Principal ministre d’État ». Louis XVI en nommera successivement sept pendant son règne :
- Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas (1774-1781) ;
- Charles Gravier de Vergennes (1781-1787) : il exerce ce pouvoir de facto car officiellement le roi se passe de principal ministre pendant cette période ;
- Étienne-Charles de Loménie de Brienne (1787-1788) ;
- Jacques Necker (1788-1789) ;
- Louis Auguste Le Tonnelier de Breteuil (1789) ;
- Jacques Necker à nouveau (1789-1790) ;
- et enfin Armand Marc de Montmorin Saint-Hérem (1790-1791).
La fonction prend fin avec la promulgation de la Constitution de 1791.
Marie-Antoinette suggère au roi de nommer à cette fonction le duc de Choiseul, ancien ministre de Louis XV tombé en disgrâce en 1770. Le roi refuse de le nommer principal ministre d’État mais consent tout de même à le réintégrer à la cour. Il assiste à l’entrevue entre celui-ci et la reine et lui lance en guise d’affront : « Vous avez perdu vos cheveux, vous devenez chauve, votre toupet est mal garni »44.
Selon l’historien Jean de Viguerie dans son ouvrage intitulé Louis XVI, le roi bienfaisant, les deux ministres qui auront le plus d’influence auprès du roi Louis XVI durant la majeure partie de son règne sont, dans un premier temps, le comte de Maurepas, puis à la mort de ce dernier en 1781, le comte de Vergennes45.
À défaut de suivre l’avis de son épouse, le roi choisit d’opter pour le comte de Maurepas, sur les conseils de ses tantesa 17. Cet homme d’expérience, disgracié par Louis XV en 1747, avait pour beau-frère Louis Phélypeaux de Saint-Florentin et pour cousin René Nicolas de Maupeou. Le , soit dès le lendemain de la mort du monarque, Louis XVI écrit à Maurepas la lettre suivante :
« Monsieur, dans la juste douleur qui m’accable et que je partage avec tout le Royaume, j’ai pourtant des devoirs à remplir. Je suis Roi : ce seul mot renferme bien des obligations, mais je n’ai que vingt ans. Je ne pense pas avoir acquis toutes les connaissances nécessaires. De plus, je ne puis voir aucun ministre, ayant tous été enfermés avec le Roi dans sa maladie. J’ai toujours entendu parler de votre probité et de la réputation que votre connaissance profonde des affaires vous a si justement acquise. C’est ce qui m’engage à vous prier de vouloir bien m’aider de vos conseils et de vos lumières. Je vous serai obligé, Monsieur, de venir le plus tôt que vous pourrez à Choisy, où je vous verrai avec le plus grand plaisir »44.
Deux jours plus tard, le , le comte de Maurepas vient auprès du roi à Choisy pour lui témoigner sa reconnaissance et s’engager à son service. Ayant à ses côtés un ministre d’État, il ne reste plus au roi qu’à convoquer le premier conseil au cours duquel il lui faudra décider s’il garde ou non les ministres déjà en place. Ce premier conseil n’aura pas lieu à Choisy mais au château de la Muette, la cour ayant dû à nouveau déménager car Mesdames souffrent des symptômes de la variole. Le premier conseil se tient donc au château de la Muette, le . Le nouveau roi n’y prend aucune décision, se limitant à faire plus ample connaissance avec les ministres en place et à leur donner la ligne de conduite qui doit être la leur : « Comme je ne veux m’occuper que de la gloire du royaume et du bonheur de mes peuples, ce n’est qu’en vous conformant à ces principes que votre travail aura mon approbation »44.
Le roi procède à un remaniement des ministres progressif. Le changement commence le par la démission du duc d’Aiguillon, Secrétaire d’État de la Guerre et des Affaires étrangères. Loin de l’exiler comme le veut la coutume, le roi lui alloue la somme de 500 000 francs. D’Aiguillon est remplacé aux Affaires Étrangères par le comte de Vergennes, diplomate réputé pour être compétent et travailleur, « le plus sage ministre que la France eût rencontré depuis longtemps, et le plus habile qui se trouvât aux affaires en Europe » selon l’historien Albert Sorel46.
Résidant au château de Compiègne pour l’été, le roi, conseillé par Maurepas, entreprend de remplacer quelques ministres à des postes où une grande compétence est nécessaire. C’est ainsi que Pierre Étienne Bourgeois de Boynes est remplacé par Turgot à la Marine, le premier étant écarté pour incompétence et légèreté manifestes, le second nommé à ce poste avant tout pour son administration efficace en tant qu’intendant de la généralité de Limogesa 18. Turgot est néanmoins retiré très rapidement de la Marine pour devenir Contrôleur général des finances en remplacement de Joseph Marie Terray ; il est remplacé dans son précédent poste par Antoine de Sartine, ancien lieutenant-général de policej. Le portefeuille de la Justice passe de Maupeou à Miromesnil. Le duc de la Vrillière reste à la Maison du Roi tandis que le Secrétariat d’État à la Guerre est confié au comte de Muy en remplacement d’Aiguillon. Muy mourra un an plus tard et sera alors remplacé par le comte de Saint-Germain.
Au , date à laquelle le nouveau gouvernement est entièrement formé, les ministres en place sont donc les suivants :
- Principal ministre d’État : le comte de Maurepas ;
- Contrôleur général des finances : Turgot ;
- Garde des Sceaux : Armand Thomas Hue de Miromesnil ;
- Secrétaire d’État à la Guerre : Louis Nicolas Victor de Félix d’Ollières, comte de Muy ;
- Secrétaire d’État à la Marine : Antoine de Sartine ;
- Secrétaire d’État aux Affaires étrangères : Charles Gravier de Vergennes ;
- Secrétaire d’État à la Maison du Roi : Louis Phélypeaux de Saint-Florentin, duc de la Vrillière.
L’annonce du nouveau gouvernement est largement saluée et le peuple danse en foule dans les rues44.
Cérémonie du sacre
Le , en la cathédrale de Reims, il est sacré selon la tradition remontant à Pépin le Bref. Le dernier sacre, celui de Louis XV, a eu lieu le ; depuis, le principe même de cette cérémonie a été très critiqué par le mouvement des Lumières : L’Encyclopédie et les philosophes critiquent le rituel, n’y voyant qu’un exacerbation du pouvoir de Dieu et une comédie destinée à maintenir les peuples dans l’obéissance47. Le contrôleur général des finances, Turgot, reproche au monarque cette cérémonie coûteuse évaluée à 760 000 livres ; peu de temps auparavant, Nicolas de Condorcet a écrit à Turgot pour lui demander de faire l’impasse sur « la plus inutile et la plus ridicule de toutes les dépenses » de la monarchie. Turgot pense alors à faire une sorte de sacre allégé, probablement près de la capitale, à Saint-Denis où à Notre-Dame, pour réduire les coûts47. Cependant, pieux et très attaché à l’œuvre de ses prédécesseurs, même s’il est décidé à redresser la situation économique mal en point, le roi ne recule pas là-dessus et maintient la cérémonie avec autant de faste que prévu.
La cathédrale Notre-Dame de Reims, lieu emblématique des sacres des rois de France, est métamorphosée pour les festivités, un véritable bâtiment étant construit à l’intérieur, avec balustrade, colonnes, lustres, faux marbres… C’est aussi la première fois depuis Louis XIII que le roi est marié au moment de son sacre, ce qui rend possible le sacre de son épouse consort. Mais le dernier sacre d’une reine, celui de Marie de Médicis le à la basilique Saint-Denis, avait eu lieu comme un sombre présage, Henri IV ayant été assassiné le lendemain ; du reste la reine, dans la construction absolutiste du pouvoir, avait vu son importance politique diminuer. Décision est finalement prise de ne pas sacrer Marie-Antoinette. Elle assiste à la cérémonie depuis la plus grande des tribunes, avec les femmes importantes de la Cour47.
La cérémonie est présidée par l’archevêque de Reims Charles Antoine de La Roche-Aymon, celui-là même qui avait baptisé et marié le dauphin. La cérémonie dure près de six heures – une loge permettant aux spectateurs de se reposer a été aménagée derrière la tribune de la reine47 ; toutes les étapes ont lieu, le lever du roi, l’entrée, le serment, le rituel de chevalerie, les onctions, la remise des insignes, le couronnement, l’intronisation, la grand-messe, l’hommage des pairs, la messe-basse et la sortie. Selon la tradition, le prélat prononce la formule suivante en posant la couronne de Charlemagne sur la tête du souverain : « Que Dieu vous couronne de la gloire et de la justice, et vous arriverez à la couronne éternelle »44. Conformément au rituel, le roi se rend ensuite dans le parc de la ville pour guérir les écrouelles des quelque 2 400 scrofuleux venus pour l’occasion, leur adressant à chacun la formule cérémoniale : « Le roi te touche, Dieu te guérisse ».
Le couple royal gardera un très bon souvenir de la cérémonie et des festivités consécutives. Marie-Antoinette écrira à sa mère que « le sacre a été parfait […]. Les cérémonies de l’Église [furent] interrompues au moment du couronnement par les acclamations les plus touchantes. Je n’ai pu y tenir, mes larmes ont coulé malgré moi, et on m’en a su gré […]. C’est une chose étonnante et bien heureuse en même temps d’être si bien reçu deux mois après la révolte, et malgré la cherté du pain, qui malheureusement continue »48.
Premières mesures économiques et financières de Turgot
À peine la cour revenue à Versailles le , le roi s’entretient quotidiennement avec Turgot pour préparer les mesures de redressement économique du pays. L’ancien contrôleur général des finances, l’abbé Terray, avait suggéré une proclamation officielle de banqueroute de la France, devant le déficit de 22 millions de livres existant à l’époquea 19. Turgot refuse de proposer la banqueroute et suggère un plan plus simple : faire des économies. Il dit pour cela au monarque : « Si l’économie n’a précédé, aucune réforme n’est possible »44. Il encourage donc le roi à poursuivre la réduction des dépenses de la cour qu’il avait déjà commencée.
Turgot est par ailleurs un partisan du libéralisme économique. Le , il fait adopter par le conseil du roi un texte décrétant la liberté du commerce intérieur des grains et la libre importation des céréales étrangères. Le risque d’augmentation soudaine des prix en cas de mauvaise récolte est néanmoins réel. C’est ce qui surviendra au printemps 1775 : une rumeur de famine imminente emplit le pays ; les prix flambent et les boulangeries de Paris, Versailles et quelques villes de province sont pillées ; des émeutes surviennent mais sont vite réprimées. Cet épisode est aujourd’hui connu sous le nom de « guerre des farines ». Cette révolte populaire du règne de Louis XVI est considérée comme le premier avertissement du peuple face aux difficultés économiques du pays et aux réformes inefficaces du pouvoir royal à les résorbera 20.
Rappel des parlements
Depuis le xive siècle jusqu’en 1771, les Parlements disposaient d’importants pouvoirs en matière civile, politique et judiciaire. Parmi les 15 parlements existant à la fin du règne de Louis XV, la compétence du Parlement de Paris s’étendait sur les 75 % du Royaume de France. Chaque décision d’un parlement avait valeur de loi ; de plus, chaque décret royal ne pouvait être applicable que s’il avait préalablement été enregistré (c’est-à-dire avalisé) par le parlement compétent. Au fil des siècles, le pouvoir des parlements n’avait cessé de s’étendre au point de devenir un pouvoir autonome pouvant rivaliser avec l’absolutisme royal. Une brochure parlementaire de 1732 ira loin dans ce sens en précisant que le roi « ne peut contracter avec ses peuples que dans le sein du parlement, lequel, aussi ancien que la Couronne et né avec l’État, est la représentation de la monarchie tout entière »44. Las devant cet accroissement des pouvoirs des parlements, Louis XV et avec lui le chancelier Maupeou entreprennent en 1771 de retirer purement et simplement aux parlements leurs pouvoirs, charges et privilèges qu’ils s’étaient octroyés au fil du temps. La nouvelle magistrature, organisée en Conseils supérieurs, fut cantonnée à rendre justice gratuitement et limitée dans son droit de remontrance.
Dès son avènement, Louis XVI va revenir sur cette réforme. Le , il convoque tous les magistrats exilés à une réunion qu’il présidera le suivant au Palais de justice de Paris. Devant les parlementaires réunis, il leur adresse ces mots : « Je vous rappelle aujourd’hui à des fonctions que vous n’auriez jamais dû quitter. Sentez le prix de mes bontés et ne les oubliez jamais ! […] Je veux ensevelir dans l’oubli tout ce qui s’est passé, et je verrais avec le plus grand mécontentement des divisions intestines troubler le bon ordre et la tranquillité de mon parlement. Ne vous occupez que du soin de remplir vos fonctions et de répondre à mes vues pour le bonheur de mes sujets qui sera toujours mon unique objet »44. Le soir même, des feux d’artifice sont lancés au Pont Neuf et au Palais de justice pour saluer ce retoura 21.
Face à un tel revirement, il est nécessaire de s’interroger sur les motifs ayant poussé Louis XVI à rappeler et rétablir les parlements. Il peut sembler étrange en effet que le roi ait de lui-même choisi d’affaiblir son pouvoir. Dauphin, il avait écrit à plusieurs reprises son opposition à la puissance étendue des parlements, affirmant notamment qu’ils « ne sont point représentants de la nation », qu’ils « n’ont jamais été et ne peuvent jamais être l’organe de la Nation vis-à-vis du Roi, ni l’organe souverain vis-à-vis de la Nation », et que leurs membres sont « simples dépositaires d’une partie » de l’autorité royale49. Une des raisons peut résider dans la popularité qu’avaient alors les parlements exilés. En effet, malgré leur manque de représentativité du peuple, ils étaient soutenus par celui-cia 22. Ils affichaient publiquement leur adhésion aux idées nouvelles et à la nécessité de respecter les droits naturels : le roi ne devrait donc plus être qu’un simple mandataire du peuple et non un souverain absolu. Le roi, dans sa jeunesse et dans l’inexpérience caractérisant son début de règne, aurait donc en partie agi pour recueillir un important soutien populaire ; c’est, rappelons-le, ce qui s’est passé dans les rues de Paris immédiatement après l’annonce du rappel des parlements. L’autre raison résiderait dans l’écoute attentive et suivie des conseils du comte de Maurepas, qui estimait que « sans parlement, pas de monarchie13 ! »
Attentif à son image auprès du peuple et confiant dans les conseils de Maurepas face à la complexité du sujet, Louis XVI revient donc sur des privilèges que Maupeou qualifiait au moment de son renvoi de « procès qui durait depuis trois cents ans »13 et qu’il avait fait gagner au roi. Ce rappel des parlements va rendre illusoires les tentatives de réformes profondes que le roi envisagera d’entreprendre les années suivantes, ce qui contribuera à nourrir le climat révolutionnaire qui se prépare déjà. Madame Campan, femme de chambre de Marie-Antoinette, écrira plus tard que « le siècle ne s’achèverait pas sans que quelque grande secousse vînt ébranler la France et changer le cours de ses destinées »13.
Réformes et disgrâce de Turgot
Pour assurer le devenir du royaume, Turgot va entreprendre une profusion de réformes visant à débloquer le libre fonctionnement politique, économique et social de la société, et à mettre au pas les parlements.
Comme l’explique en 1854 l’historien Victor Duruy : « C’étaient là de bien grandes nouveautés ; Turgot en projetait d’autres plus redoutables : abolition des corvées qui pesaient sur les pauvres ; établissement sur la noblesse et le clergé d’un impôt territorial ; mais amélioration du sort des curés et vicaires, qui n’avaient que la plus petite portion des revenus de l’Église, et suppression de la plupart des monastères ; égale participation de l’impôt par création d’un cadastre ; liberté de conscience et rappel des protestants ; rachat des rentes féodales ; un seul code : un même système de poids et mesures pour tout le royaume ; suppression des jurandes et maîtrises qui enchaînaient l’industrie ; la pensée aussi libre que l’industrie et le commerce ; enfin, comme Turgot s’occupait des besoins moraux aussi bien que des besoins matériels, un vaste plan d’instruction publique pour répandre partout les Lumières »50.
Turgot souhaite en effet abolir plusieurs pratiques jusqu’alors bien établies : suppression des jurandes et corporations, suppression de certaines coutumes interdisant par exemple aux apprentis de se marier ou excluant les femmes des travaux de broderiea 23. Abolition aussi du servage et de la corvée royale. Dans le plan de Turgot, la corvée serait remplacée par un impôt unique à tous les propriétaires fonciers, ce qui étendrait le paiement de l’impôt aux membres du clergé et de la noblesse.
Turgot s’attelle aussi à un projet « révolutionnaire » de mise en place d’une pyramide d’assemblées élues à travers le royaume : municipalités de communes, d’arrondissement puis de province et une municipalité de royaume. Lesdites assemblées ayant pour but de répartir l’impôt direct, de gérer les questions de police, d’assistance et de travaux publics.
Ce vaste projet de réformes ne manque pas de rencontrer un certain nombre de détracteurs, à commencer par les parlementaires. Turgot peut compter sur l’appui du roi, qui ne manque pas à plusieurs reprises de pratiquer le « lit de justice » pour appliquer ses décisions. À partir d’une remarque d’un ouvrier de sa forge, il dira encore en : « Je vois bien qu’il n’y a que Monsieur Turgot et moi qui aimions le peuple »51. Le soutien du roi est perçu comme capital pour le ministre, qui dira au souverain : « Ou vous me soutiendrez, ou je périrai »13. Les opposants se font de plus en plus nombreux et dépassent au fil du temps le cercle des parlementaires. Une coalition se forme contre Turgot et regroupe, aux dires de Condorcet, « la prêtraille, les parlements routiniers et la canaille des financiers »13. Certes, le peuple et les paysans accueillent à bras ouverts les édits abolissant les maîtrises, les jurandes et la corvée royale ; des troubles éclatent même à la suite de l’excès d’enthousiasmea 24. Néanmoins, le roi commence à recevoir des lettres de remontrance des parlements, et à essuyer des critiques émanant de la cour. Louis XVI tempère et rappelle aux parlements que les réformes entreprises n’ont pas pour but de « confondre les conditions »13 (clergé, noblesse, tiers-état).
Le ministre commence à baisser dans l’estime du roi, qui ne se prive pas de dire que « M. Turgot veut être moi, et je ne veux pas qu’il soit moi »52. La disgrâce devient inéluctable quand Turgot prend part au vote visant à démettre de ses fonctions le comte de Guines, ambassadeur à Londres, accusé de pratiquer une diplomatie visant à faire entrer la France dans la guerre. De Guines est un ami de Marie-Antoinette et cette dernière demande au roi de punir les deux ministres ayant demandé la démission du comte, à savoir Malesherbes et Turgot. Écœuré par cette demande, Malesherbes démissionne du gouvernement en . Le roi prend ses distances avec Turgot et condamne l’ensemble de ses réformes : « On ne doit pas faire des entreprises dangereuses si on n’en voit pas le bout. », affirme Louis XVI40. Le , une double nouvelle éclate : Turgot est renvoyé, et le comte de Guines est fait duc. Turgot refuse la pension qui lui est proposée, énonçant qu’il ne doit « pas donner l’exemple d’être à la charge de l’État »53.
Certains historiensa 25 réfutent l’idée selon laquelle le roi avait purement et simplement cédé à sa femme. La décision de congédier Turgot (et surtout d’élever de Guines) serait davantage l’« achat » du silence du comte, lequel aurait été au courant de beaucoup de choses sur la diplomatie française risquant de mettre le roi dans l’embarras. Une autre raison du renvoi résiderait aussi dans le refus de Turgot de financer l’intervention de la France dans la guerre d’indépendance des États-Unis, le mauvais état des finances du Royaume ne le permettant pas. Quoi qu’il en soit, cet épisode sera pour les historiens l’illustration parfaite de l’ascendant de la reine sur son mari, et constituera les prémices de l’état de faiblesse du roi vis-à-vis de sa femme ; l’historienne Simone Bertière écrit qu’à chaque victoire de la reine, « le prestige du roi est entamé, son autorité décroît d’autant que le crédit de celle-ci augmente. Ce n’est là qu’apparence [mais] l’autorité, elle aussi, se nourrit d’apparence. »37 Turgot lui-même, dans une lettre écrite à Louis XVI le que ce dernier lui a renvoyé sans même l’ouvrir, lance au roi cet avertissement : « N’oubliez jamais, Sire, que c’est la faiblesse qui a mis la tête de Charles Ier sur un billot »44.
Turgot est remplacé par Jean Étienne Bernard Clugny de Nuits, qui s’empresse de revenir sur les principales réformes de son prédécesseur, rétablissant notamment les jurandes et les corvées, affirmant qu’il peut « culbuter d’un côté ce que M. Turgot a culbuté de l’autre »13. Mais le ministre se montre rapidement incompétent, et le roi de déclarer « Je crois que nous nous sommes encore trompés »13. Louis XVI n’a pas le temps de le démettre de ses fonctions, Clugny de Nuits mourant subitement le à l’âge de 47 ans.
Réformes et démission de Necker
En , Louis XVI a besoin d’un ministre des finances capable d’entreprendre des réformes mais non de tout détruire ; il confie à Maurepas : « Ne me parlez plus de ces maçons qui veulent d’abord démolir la maison »13. Il pense alors à Jacques Necker, banquier originaire de Suisse réputé pour son art de manier l’argent et son souci d’économie. Une triple révolution : c’est un banquier roturier, un étranger (Genevois) et de surcroît un protestant. Le roi le nomme tout d’abord « directeur du Trésor » (le poste de contrôleur général des finances est attribué pour la forme à Louis Gabriel Taboureau des Réaux) car Necker, protestant, ne peut accéder pour cette raison au Conseil du roi attaché au poste de contrôleur général. Néanmoins, le roi le nomme « directeur général des finances » (le nom a été changé pour lui donner plus d’importance) le , sans pour autant admettre le ministre au sein du Conseil.
Necker et Louis XVI remettent sur le métier les réformes les plus essentielles du royaume, l’ambition du ministre étant de renflouer les caisses de l’État sans écraser les contribuables ni irriter les riches et les propriétaires. Necker comprend que les dépenses ordinaires du royaume sont financées par l’impôt ; il faut en revanche trouver un moyen de financer les dépenses exceptionnelles comme celles engendrées par la guerre d’indépendance des États-Unis. Necker crée alors deux systèmes lucratifs à rendement immédiat : l’emprunt et la loterie. Les deux systèmes rencontrent un vif succès auprès du peuple. Cependant, ces mesures ne montrent leur efficacité que sur le court terme, car il faut emprunteur des fonds pour verser aux prêteurs leur rente viagère et verser les lots aux gagnants. À long terme, la dette s’alourdirait de plus en plus et il fallait trouver à nouveau le moyen d’établir une véritable réforme structurelle.
Pour l’heure, Necker propose au roi de supprimer les parlements et intendants de province, et de les remplacer par des assemblées provinciales recrutées, sur proposition du roi, dans le clergé, la noblesse et le tiers-état ; le roi s’engageant à favoriser la noblesse d’épée et non la noblesse de robe. Ce projet de réforme institutionnelle, déjà mis sur la table sous Turgot, a pour objectif qu’à terme toutes les assemblées soient directement élues. Bien qu’expérimentée à Bourges et à Montauban, cette réforme est unanimement condamnée par les intendants, les princes et les parlementaires. La réforme est donc vouée à l’échec et ne verra finalement pas le jour.
Necker entreprend parallèlement une série de mesures populaires. Il fait tout d’abord affranchir les derniers serfs du domaine royal par une ordonnance du 54. Refusant l’abolition sans distinction de la servitude personnelle, il abolit toutefois dans tout le royaume le « droit de suite », et affranchit tous les « main-mortables [les serfs] des domaines du roi », ainsi que les « hommes de corps », les « mortaillables » et les « taillables » [d’où vient l’expression « taillable et corvéable à merci »]54. Cette ordonnance avait été favorisée par l’intervention de Voltaire, qui avait plaidé en 1778 la cause des serfs de l’abbaye de Saint-Claude du Mont-Jura54. Il autorise en outre les « engagistes qui se croiraient lésés » par cette réforme à remettre au roi les domaines concernés en échange de contreparties financières54. Afin de favoriser l’imitation de son acte royal d’affranchissement des serfs dans les domaines royaux, l’ordonnance précise que « considérant bien moins ces affranchissements comme une aliénation, que comme un retour au droit naturel, nous avons exempté ces sortes d’actes [d’affranchissement] des formalités et des taxes auxquelles l’antique sévérité des maximes féodales les avaient assujettis »54. Néanmoins l’ordonnance n’est guère appliquée54, et le servage persiste localement jusqu’à la Révolution qui l’abolit avec les privilèges lors de la célèbre nuit du 4 août 1789. Le , un édit autorise les femmes mariées, les mineurs et les religieux à toucher des pensions sans autorisation (notamment celle du mari en ce qui concerne les femmes mariées)55. Il abolit en outre la question préparatoire, infligée aux suspects, et rétablit l’institution du mont-de-piété.
À cette série de réformes « républicaines » et à l’expérimentation malheureuse des assemblées de provinces va s’ajouter une erreur politique du ministre qui lui sera fatale. En , il adresse au roi un Compte rendu de l’état des finances destiné à être publié. Il révèle pour la première fois au grand public l’usage détaillé des dépenses publiques et dévoile, dans un souci de transparence, tous les avantages dont bénéficient les privilégiés de la cour. Ces derniers désavouent le ministre et dénoncent en retour, avec l’appui d’experts en finances, le bilan en trompe-l’œil que le ministre fait de son action, masquant la dette de 46 millions de livres laissée par les dépenses de guerre, et soulignant au contraire un excédent de 10 millionsa 26. « La guerre qui avait si bien réussi contre Turgot recommença sous son successeur », explique Victor Duruy.
Louis XVI et Necker ne peuvent tenir longtemps devant l’opposition des privilégiés. Le ministre finit par perdre la confiance du roi, celui-ci ayant lancé en commentant le bilan du ministre : « Mais c’est du Turgot et même pis13 ! » Necker demande au roi d’intégrer le Conseil mais, face au refus du souverain, il lui remet sa démission qui sera acceptée le 56. Selon l’historien Jean-Louis Giraud-Soulavie, la lettre de démission était presque insultante puisque rédigée sur un simple « bout de papier de trois pouces et demi de long sur deux et demi de large »57.
Principaux remaniements au cours du ministère
- En 1775, le duc de la Vrillière démissionne du ministère de la Maison du Roi et est remplacé à ce poste par Malesherbes.
- Malesherbes quitte le gouvernement en , il est remplacé par Antoine-Jean Amelot de Chaillou.
- Turgot est renvoyé de son poste de contrôleur général des finances le , et est remplacé quelques mois après par Jacques Necker, après les deux éphémères Clugny de Nuits et Taboureau des Réaux.
- Le , le Secrétariat d’État à la Marine par de Sartine au marquis de Castries.
- Philippe Henri de Ségur est nommé secrétaire d’État à la guerre le .
- Necker démissionne le et est remplacé par Jean-François Joly de Fleury.
Ministère Vergennes
Maurepas meurt de la gangrène le . Louis XVI décide alors de se passer de principal ministre afin de pouvoir vivre une période de « règne personnel »58. Comme le ministre le plus important après Maurepas était alors Vergennes, ce dernier joue officieusement un rôle de conseiller auprès du roi bien qu’il n’en ait pas la reconnaissance officielle. Cette situation perdurera jusqu’en 1787 où Loménie de Brienne reprendra officiellement le poste de Maurepas.
Projet de réforme et renvoi de Calonne
Après la démission de Necker, le poste de contrôleur général des finances est successivement occupé par Joly de Fleury et d’Ormesson. Le , sur les conseils de Vergennes, Louis XVI nomme à ce portefeuille le Charles Alexandre de Calonne, un homme intelligent et doué d’un don pour la communicationa 27, qui avait auparavant fait de remarquables preuves comme intendant de la généralité de Metz. Calonne est à titre privé couvert de dettes, et déclare au sujet de sa nomination : « Les finances de la France sont dans un état déplorable, jamais je ne m’en serais chargé sans le mauvais état des miennes »59. Pour résorber cette situation, le roi le gratifie de 100 000 livres de frais d’installation et de 200 000 livres en actions de la Compagnie des eaux de Parisa 28.
Dans un premier temps, Calonne s’emploie à rétablir la confiance des Français en s’efforçant d’exploiter les ressources déjà existantes dans le royaume, et à encourager l’initiative industrielle et commerciale. Puis, dans un second temps, il entreprend une réforme prudente mais déterminée du royaume. Dans un discours donné en devant la Chambre des comptes, il évoque l’idée d’un « plan d’amélioration générale », en « régénérant » les ressources plutôt qu’en les « pressurisant », afin de « trouver le vrai secret d’alléger les impôts dans l’égalité proportionnelle de leur répartition, ainsi que dans la simplification de leur recouvrement »44. L’objectif à peine voilé est ainsi de réformer l’ensemble du système fiscal et ce faisant de combler le déficit de l’État.
Le , Calonne présente au roi son plan d’action se décomposant en trois volets :
- égalité de tous devant l’impôt (suppression des privilèges fiscaux de la noblesse et du clergé, création d’un impôt unique assis sur les revenus de la propriété foncière (la « subvention territoriale ») ;
- retour à la libre circulation des grains ;
- création d’assemblées nouvelles élues par les propriétaires et qui devront associer les sujets du Roi à l’administration du pays.
Ce programme, assure Calonne au roi, « vous assurera de plus en plus de l’amour de vos peuples [et] vous tranquillisera à jamais sur l’état de vos finances »60.
Le programme de Calonne lui permet d’entreprendre de grand projets visant à relancer le développement industriel et commercial ; ainsi, il encourage la rénovation du port du Havre, celui de Dieppe, de Dunkerque et de La Rochelle et contribue à la réfection de l’assainissement des villes de Lyon et Bordeaux. Il crée également de nouvelles manufactures. Il est à l’origine de la signature du traité Eden-Rayneval le , traité de commerce entre la France et la Grande-Bretagne.
La réforme fiscale et institutionnelle de Calonne fait dire au roi : « Mais c’est du Necker tout pur que vous me donnez là ! »13 Face aux réticences des parlements, il convainc Louis XVI de convoquer une Assemblée des notables, réunissant des membres du clergé, de la noblesse, des corps de ville, voire délégués des cours souveraines, non pas élus mais désignés par le roik. L’objectif de cette assemblée est de faire passer les principaux points de la réforme en les soumettant à l’avis (et donc potentiellement à l’approbation) de ses membres. L’assemblée se tient à Versailles le . Calonne, devant les 147 membres réunis, tente de faire passer sa réforme ; seulement, l’aveu qu’il fait du déficit public de 12 millions de livres émeut l’assistancea 29. Et Calonne perd tout espoir de persuasion quand il justifie son projet de réforme en énonçant : « On ne peut pas faire un pas dans ce vaste royaume sans y trouver des lois différentes, des usages contraires, des privilèges, des exemptions, des affranchissements d’impôt, des droits et des prétentions de toutes espèces ! »13 Devant le tollé provoqué au sein d’une assemblée de notables réticents à approuver une réforme dont ils seraient les victimes, Louis XVI ne se sent pas la force de contrer les opposants et désapprouve son ministre.
Les protestations contre le projet de Calonne sont légion, la majorité des opposants estimant qu’elle va trop loin, une poignée pensant qu’elle est insuffisante et par conséquent mauvaise. Calonne se justifie le en s’écriant à travers une brochure : « Peut-on faire le bien sans froisser quelques intérêts particuliers ? Réforme-t-on sans qu’il y ait des plaintes ? » Marie-Antoinette demande ouvertement le renvoi du ministre ; furieux, Louis XVI la convoque en présence du contrôleur général des finances, la réprimande en lui demandant de ne pas se mêler d’affaires « auxquelles les femmes n’ont rien à voir » et la fait sortir en la tenant par les deux épaules61. Calonne est remercié le , jour de Pâques.
Le fiasco de l’assemblée des notables est perçue chez certains historiens comme le véritable point de départ de la Révolution. Le biographe Bernard Vincent estime par exemple qu’il « n’est pas illégitime de faire commencer la Révolution française avec l’échec de Calonne et la fronde des notables de 1787 plutôt qu’avec la Prise de la Bastille ou la réunion des états généraux, comme le font la plupart des manuels scolaires. Après ce fiasco, beaucoup en effet (mais Louis XVI était-il de ceux-là ?) eurent le sentiment qu’une déchirure irrémédiable venait de se produire dans le tissu du pays et qu’une nouvelle histoire était déjà en mouvementa 30. »
Affaire du collier de la reine
Conçu au début des années 1770 par les bijoutiers Charles-Auguste Böhmer et Paul Bassenge, ce collier de 2 800 carats avait été proposé à la vente à Louis XV pour l’offrir à son ultime maîtresse Madame du Barry, mais le roi mourut avant de l’acheter. À deux reprises, en 1778 et 1784, la reine Marie-Antoinette refuse le bijou bien que le roi soit prêt à le lui offrir.
L’un des personnages clés de cette affaire est le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg et ancien ambassadeur à Vienne. Débauché, il est amoureux de la reine Marie-Antoinette. Seulement, il n’est pas apprécié de cette dernière puisqu’il s’est ouvertement moqué de sa mère, l’impératrice Marie-Thérèse d’Autrichea 31. C’est en voulant revenir dans les grâces de la reine qu’il va être escroqué dans l’affaire du collier. Dans la nuit du , il attend une femme dans le bosquet de Versailles : il pense qu’il s’agit de la reine, mais c’est en fait une prostituée, Nicole Leguay, qui vient à sa rencontre, déguisée et envoyée par Jeanne de Valois-Saint-Rémy, également appelée Madame de La Motte. La fausse reine confie au cardinal : « Vous pouvez espérer que le passé sera oublié »62. Madame de La Motte déclare peu après au cardinal que la reine souhaite se procurer le collier à l’insu du roi, quitte à le payer en plusieurs fois : le rôle de Rohan serait donc de faire l’achat au nom de Marie-Antoinette. Elle remet alors au cardinal un billet de commande apparemment signé par la reine mais en fait par Louis Marc Antoine Rétaux de Villette qui a imité la signature. Rohan n’y voit que du feu et passe ainsi commande auprès des deux bijoutiers pour une somme de 1 600 000 livres payables en quatre fois, la première échéance survenant le a 31.
Le , la reine reçoit la visite au Trianon de Böhmer, l’un des deux bijoutiers. Il lui donne le billet de la première traite avant de s’éclipser ; ne comprenant rien à cette démarche, la reine brûle le billet. Le 1er août; ne voyant rien venir, Böhmer interroge Madame Campan, la femme de chambre de Marie-Antoinette, qui l’informe que le billet est détruit. Böhmer s’écrie alors : « Ah ! Madame, cela n’est pas possible, la reine sait qu’elle a de l’argent à me donner60 ! » Le bijoutier annonce à Madame Campan que la commande a été passée par Rohan sur ordre de la reine. N’en croyant rien, la femme de chambre lui conseille d’en parler directement à la reine. Il est reçu le par Marie-Antoinette qui, entendant le récit, tombe des nues. Elle lui avoue ne rien avoir commandé et avoir brûlé le billet. Furieux, Böhmer rétorque : « Madame, daignez avouer que vous avez mon collier et faites-moi donner des secours ou une banqueroute aura bientôt tout dévoilé »60. La reine en parle alors au roi et, sur les conseils de Breteuil, alors ministre de la Maison du Roi, il décide de faire arrêter Rohan.
Le cardinal Rohan est convoqué le par le roi : il avoue son imprudence mais nie être l’instigateur de l’affaire, faute qu’il rejette sur Madame de La Motte. Il est arrêté le jour même en habits liturgiques dans la Galerie des Glaces, alors qu’il se rend à la chapelle du château pour célébrer la Messe de l’Assomption. Il est embastillé le soir même mais il prend soin de faire détruire par son secrétaire certains documents qui, par leur absence, dissimulent la vérité sur le véritable rôle de Rohan. Ce dernier est accusé de deux choses : escroquerie et crime de lèse-majesté. Louis XVI lui laisse le choix d’être jugé par le Parlement de Paris pour le délit ou par lui-même pour le crime. La seconde option a l’avantage de juger l’affaire discrètement sans tout dévoiler au grand jour mais Rohan choisit néanmoins d’être jugé par le Parlement.
Le procès du cardinal Rohan se tient en . Le prévenu est soutenu par les membres influents de la Maison de Rohan et par les évêques et le Saint-Siège. L’opinion publique est également en faveur de son acquittement puisque l’histoire de la signature fabriquée ne convainc pas le peuplea 32 et la reine, ayant brûlé le billet, ne peut prouver son innocence. Rohan est acquitté par un arrêt du par 26 voix contre 22. Convaincu de la culpabilité de l’homme d’Église, Louis XVI l’exile à l’Abbaye de la Chaise-Dieu.
Le roi et la reine, et plus largement le système monarchique lui-même, sont les victimes de cette affaire puisque montrés du doigt par le peuple. Marie-Antoinette est effondrée, confiant à son amie Madame de Polignac : « Le jugement qui vient d’être prononcé est une insulte affreuse [mais] je triompherai des méchants en triplant le bien que j’ai toujours tâché de faire »60. La tenue d’un procès public a eu pour effet un déballage par la presse et une sympathie pour le cardinal Rohan. Spectateur de la sortie triomphale du cardinal de la Bastille vers son lieu d’exil, Goethe remarque : « Par cette entreprise téméraire, inouïe, je voyais la majesté royale minée et bientôt anéantie »62.
Redressement de la marine française et visite du chantier de Cherbourg
Au lendemain de la Guerre d’indépendance des États-Unis, Louis XVI entreprend d’améliorer la marine française pour donner au royaume les moyens de se défendre en cas de nouvelle guerre. En 1779, il choisit d’établir à Cherbourg une base navale et décide notamment d’y construire une digue de 4 kilomètres de long entre l’île Pelée et la pointe de Querqueville. Sur la question coloniale, Louis XVI prend la même année en 1784 deux mesures contradictoires : l’offre de primes aux armateurs de navires négriers et en décembre « les ordonnances des Iles sous le Vent », promulguant une amélioration du sort des esclaves à Saint-Domingue63.
Louis XVI entame à partir du un voyage à Cherbourg pour voir l’avancement des travaux. Hormis le sacre de Reims et la fuite à Varennes, il s’agit du seul déplacement provincial du souverain pendant son règne. Accompagné de Castries et de Ségur, il est accueilli partout chaleureusement par la foule et distribue au peuple des pensions et exonérations fiscalesa 33. La visite du chantier commence dès l’arrivée du roi le : parcourant la rade en canot, il écoute sur l’Île Pelée les explications du directeur des travaux le marquis de Caux, inspecte la fosse du Gallet et préside un grand dîner le soir-mêmea 33. Le lendemain , il assiste à plusieurs manœuvres maritimes à bord du Patriote ; un témoin raconte que le roi y fait des « questions et des observations dont la sagacité étonnait les marins qui avaient l’honneur d’approcher ». Il écrit à Marie-Antoinette : « Je n’ai jamais mieux goûté le bonheur d’être roi que le jour de mon sacre et depuis que je suis à Cherbourg »64. L’historien de la mer Étienne Taillemite s’interroge en 2002 : « Acclamé à chacune de ses apparitions par une foule aussi immense qu’enthousiaste, il pouvait mesurer la ferveur royaliste qui demeurait alors celle du peuple puisque [lors de ce voyage] aucune fausse note ne put être remarquée. Comment ne comprit-il pas qu’il possédait là un atout majeur capable de contrer toutes les intrigues du microcosme versaillais et parisien ? »65. Le même historien ajoute : « [On pouvait rêver que le roi] saurait mener la rénovation du royaume comme il avait su conduire à bonne fin celle de sa marine »65.
Principaux remaniements du ministère
- Après la mort de Vergennes le , Louis XVI nomme au Secrétariat des Affaires étrangères le comte de Montmorin.
- Renvoyé le , le Garde des Sceaux Miromesnil est remplacé à ce poste par Lamoignon.
Ministère Brienne (1787-1788)
Vergennes meurt le ; ce n’est que le de la même année que Louis XVI renoue avec la tradition de nommer un Principal ministre d’État, ce qu’il fait en appelant à ce poste Étienne-Charles de Loménie de Brienne, qui devient également chef du Conseil royal des finances (le poste de contrôleur général des finances ayant été attribué pour la forme à Pierre-Charles Laurent de Villedeuil après un court passage entre les mains de Michel Bouvard de Fourqueux).
Bras de fer entre le roi et le parlement
Archevêque de Toulouse, connu pour être athée et réputé pour avoir des mœurs dissolues, Brienne avait présidé l’assemblée des notables et à ce titre attaqué Calonne et son projet de réforme. Désormais responsable des affaires, il est poussé par le roi à continuer les efforts de son prédécesseur médiat ; il reprend donc à son compte l’essentiel du projet qu’il avait lui-même condamné. Criant à la trahison, les notables se manifestent : face à une telle résistance, le roi et son ministre décident de dissoudre purement et simplement l’assemblée le . Les lois passent donc par le chemin ordinaire de leur enregistrement par le parlement, ce qui là non plus n’est pas une mince affaire.
Le parlement commence pourtant à valider le principe de la libre circulation des grains et la mise en place d’assemblées provinciales et municipales. Néanmoins, le , les parlementaires refusent d’enregistrer l’édit créant la subvention territoriale nécessaire pour réduire le déficit. Le , les parlementaires persistent dans leur refus, invoquant, comme La Fayette avant euxa 34, que « seule la Nation réunie dans ses états généraux peut consentir un impôt perpétuel66. »
Las des résistances du parlement, Louis XVI le convoque le en lit de justice : la seule lecture des édits par le roi leur donne force de loi. Le lendemain pourtant, le parlement prononce la nullité du lit de justice, une première dans la vie monarchique. Une semaine plus tard, le magistrat Duval d’Eprémesnil déclare qu’il est temps de « débourbonailler »44 et de rendre au parlement ses pouvoirs. Calonne, contre qui une information est ouverte pour « déprédations »44, se réfugie en Angleterre, ce qui fait de lui le premier émigré de la Révolutiona 34.
Le , à l’initiative de Brienne, le roi exile le parlement à Troyes. Chaque parlementaire reçoit une lettre de cachet et s’exécute. L’accueil dans Troyes est triomphala 34 et les parlements de province se solidarisent, ainsi que la Chambre des comptes et la Cour des aides. Le roi capitule le en renonçant officiellement à l’édit de subvention territoriale et promet la convocation des états généraux pour 1792. Le parlement revient à Paris sous les applaudissements de la foule. Celle-ci montre du doigt Calonne, Brienne et Marie-Antoinette, dont on brûle les effigiesa 35. L’agitation gagne alors la province.
La subvention territoriale ayant été abandonnée, Brienne ne voit plus qu’un seul moyen pour renflouer les caisses du royaume : le recours à l’emprunt. Convaincu, Louis XVI convoque le parlement en « séance royale » pour le , en vue de lui faire accepter un emprunt de 420 millions de livres sur 5 ans. Lors de cette session, les parlementaires s’insurgent contre cette forme inusitée de « séance royale » et demandent la convocation des états généraux pour 1789a 35. Le roi accepte l’idée sans préciser de date et demande le vote immédiat de l’emprunt, déclarant : « J’ordonne que mon édit soit enregistré »44. Le duc d’Orléans lui lance : « C’est illégal ! » et le roi de lui répondre : « Si, c’est légal. C’est légal parce que je le veux ! »67. À la suite de cette séance du , l’emprunt quinquennal est lancé et les frondeurs sont punis : les conseillers Fréteau et Sabatier sont arrêtés et le duc d’Orléans est exilé sur ses terres de Villers-Cotterêts.
Édit de Versailles et abolition de la question préalable
Durant l’hiver 1787-1788, le parlement entre dans une sorte de « trêve » puisqu’il enregistre sans difficulté plusieurs textes royaux parmi lesquels :
- d’une part, l’édit de tolérance de Versailles (daté du et enregistré le ) redonnant aux protestants un état civil ainsi que le droit d’exercer leur culte en privé ;
- d’autre part, le décret royal du abolissant la question préalable.
Dans le même temps, Malesherbes se penche sur une possible émancipation des Juifs de Francea 36.
Vers la convocation des états généraux
Dans les premiers mois de 1788, Louis XVI et ses ministres Brienne et Lamoignon envisagent de cantonner les pouvoirs du parlement aux seules questions de justice et de réserver la vérification et l’enregistrement des actes royaux, édits et ordonnances au profit d’une « cour plénière » dont les membres seraient nommés par le roia 36. S’insurgeant contre cette idée, les parlementaires anticipent cette réforme institutionnelle et publient le une Déclaration des lois fondamentales du royaume dans laquelle ils rappellent notamment qu’ils sont seuls gardiens de ces lois et que la création de nouveaux impôts est du ressort des états généraux68. Furieux, le roi réagit deux jours plus tard en cassant cette déclaration et en demandant l’arrestation des deux principaux instigateurs de la révolte, d’Eprémesnil et Monsabert qui, après s’être réfugiés dans l’enceinte du parlement, finissent par se rendre avant d’être emprisonnésa 37.
Le , Louis XVI convoque à nouveau un lit de justice et fait enregistrer sa réforme. Lamoignon annonce le transfert d’un pan entier des compétences du parlement au grand bailliage (47 tribunaux d’appel), et de surcroît le contrôle sur les lois du royaume ne sera plus effectué que par la « Cour plénière » toujours en projet. Mais à peine l’édit du promulgué, la plupart des parlements entrent en résistance, comme ceux de Nancy, Toulouse, Pau, Rennes, Dijon, Besançon et Grenoble ; plusieurs villes sont le théâtre d’insurrections, comme à Grenoble lors de la Journée des Tuiles du . À la date fixée pour la première séance de la Cour plénière, le peu de pairs et de ducs ayant fait le déplacement à Versailles se résignent à errer dans les couloirs du château faute de participants ; un témoin rapporte que la réforme est « morte avant d’être née »60.
Le , une assemblée des trois ordres du Dauphiné se réunit sans autorisation au Château de Vizille, non loin de Grenoble : l’assemblée comprend 176 membres du tiers-état, 165 membres de la noblesse et 50 membres du clergé. Emmenée par Antoine Barnave et Jean-Joseph Mounier, l’assemblée décrète le rétablissement des États du Dauphiné et réclame la tenue rapide des états généraux du royaume, avec le doublement du nombre de députés du tiers-état et l’instauration du vote par tête.
Face à ce mouvement d’une telle ampleur, le roi et Brienne annulent la création de la Cour plénière et, le , annoncent la convocation des états généraux pour le . Durant l’été 1788, l’État cesse ses paiements pour six semaines et, le , l’état de banqueroute est proclamé. Brienne démissionne le (il sera créé cardinal le suivant).
Ministère Necker (1788-1789)
Devant la banqueroute de l’État, Louis XVI fait de nouveau appel à Necker, le . Necker prend donc le portefeuille des finances avec le titre de directeur général des finances et, fait nouveau, est également nommé Principal ministre d’État en succédant ainsi à Brienne. Le Garde des Sceaux Lamoignon laisse quant à lui sa place à Barentin.
Désastre économique
Parallèlement à l’état de cessation des paiements et de banqueroute du royaume, le climat de l’année 1788 est calamiteux : à un été pourri ravageant les récoltes, l’hiver glacial donne des températures de moins 20 °C qui paralysent les moulins, gèlent les fleuves et défoncent les routesa 38. Le blé manque et le peuple a faim.
Le début de l’année 1789 voit éclater en France plusieurs émeutes dont certaines sont violemment réprimées ; le prix du pain et le contexte économique en sont les principales causes. Au mois de mars, les villes de Rennes, Nantes et Cambrai sont le théâtre de violentes manifestations ; à Manosque, l’évêque est lapidé car accusé de collusion avec les accapareurs de grainsa 39 ; des maisons sont pillées à Marseille. Petit à petit, les émeutes gagnent la Provence, la Franche-Comté, les Alpes et la Bretagne. Du 26 au , l’« émeute du Boulevard Saint-Antoine » est sévèrement réprimée par les hommes du général suisse le Baron de Besenval qui, ayant reçu les ordres donnés à contrecœur par le roia 39, fera tuer quelque 300 manifestants. C’est dans ce climat de violence qu’allaient s’ouvrir les états généraux.
Préparation des états généraux
Les parlementaires, jouissant jusque-là d’une grande popularité, vont rapidement se déconsidérer auprès de l’opinion en dévoilant imprudemment leur conservatisme. Le en effet, le Parlement de Paris et d’autres parlements avec lui demandent que les états généraux soient convoqués en trois chambres séparées votant par ordre comme ce fut le cas lors des précédents États généraux de 1614, empêchant ainsi toute réforme d’ampleur.
Louis XVI et Necker sont en revanche partisans d’une forme plus moderne en encourageant le doublement du tiers état et le vote par tête (passant ainsi à un nombre de voix par député, et non par ordre qui aurait pour effet d’opposer le tiers-état, comptant pour une voix, au clergé et à la noblesse, comptant ainsi pour deux). Ils convoquent l’Assemblée des notables le pour traiter ces deux points ; au sein de cette assemblée se distinguent deux camps : celui des « patriotes » favorable au doublement du tiers et au vote par tête, et celui des « aristocrates », partisan des formes de 1614. L’assemblée des notables se réunit à Versailles à partir du . Hormis quelques députés tels que le comte de Provence, La Rochefoucauld et La Fayette, l’assemblée se prononce à une très large majorité en faveur des formes de 1614, les seules à être selon elle « constitutionnelles »44. Le roi maintient sa position et se tourne à nouveau vers les parlements, l’avis de l’assemblée des notables n’étant que consultatif.
Le , le Parlement de Paris accepte le doublement du Tiers mais ne se prononce pas sur la question du vote par ordre ou par tête. Louis XVI se fâche et déclare aux parlementaires : « c’est avec l’assemblée de la Nation que je concerterai les dispositions propres à consolider, pour toujours, l’ordre public et la prospérité de l’État »60. Le , le comte d’Artois remet à son frère le roi un mémoire condamnant le vote par tête60. Le , après que Louis XVI a dissous l’assemblée des notables, le Conseil du roi se réunit et accepte officiellement le doublement du Tiers ; le système de vote, par ordre ou par tête, n’est pas encore réglé. Le décret royal précise en outre que l’élection des députés se fera par bailliage et à la proportionnelle ; de plus, il est décidé que de simples curés, en pratique proches des idées du tiers-état, pourront représenter le clergé.
Le paraissent les lettres royales donnant des précisions quant à l’élection des députés. Le roi y déclare notamment : « Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour nous aider à surmonter toutes les difficultés où nous nous trouvons »60. Tout français de sexe masculin âgé d’au moins 25 ans et inscrit au rôle des contributions peut prendre part au vote. Pour la noblesse et le clergé, la circonscription est le bailliage et la sénéchaussée (suivant les régions) ; pour le tiers état, le suffrage s’opère en deux degrés à la campagne (assemblées de paroisse puis assemblées de chef-lieu) et en trois degrés dans les grandes agglomérations (assemblées de corporation, assemblées de ville et assemblées de bailliage ou de sénéchaussée)a 40.
Chaque assemblée de chef-lieu a pour mission de réunir les doléances dans un cahier dont un exemplaire est transmis à Versailles. La plupart des revendications qui y sont exprimées sont modérées et ne remettent pas en cause le pouvoir en place ni l’existence de la monarchiea 41.
Les intellectuels dont Marat, Camille Desmoulins, l’Abbé Grégoire et Mirabeau, s’adonnent à la rédaction de nombreux pamphlets et articles. Parmi ces publications, celle de Sieyès intitulée Qu’est-ce que le Tiers-État ? rencontre un vif succès ; l’extrait suivant est resté célèbre :
« Qu’est-ce que le Tiers-État ? Le plan de cet Écrit est assez simple. Nous avons trois questions à nous poser :
1° Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout.
2° Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien.
3° Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose. »
Le , sont reçus à Versailles l’ensemble des députés. Sur un total de 1 165, 1 139 sont présents (les députés de Paris n’étant pas encore désignés) : 291 du clergé (dont 208 simples curés), 270 de la noblesse et 578 du tiers étata 42. L’historien Jean-Christian Petitfils note que les « élus des deux premiers ordres eurent droit à l’ouverture des deux battants de la porte, tandis que ceux du tiers durent se contenter d’un seul69 ! »
Le , soit la veille de l’ouverture des états généraux, une messe solennelle est célébrée en la cathédrale Saint-Louis en présence de la famille royale (sauf le dauphin, trop malade pour quitter sa chambre). L’homélie du célébrant, l’évêque de Nancy Monseigneur de La Fare (par ailleurs député du clergé), dure plus d’une heure. Le prélat commence par une maladresse en prononçant ces mots : « Sire, recevez les hommages du clergé, les respects de la noblesse et les très humbles supplications du tiers état »70. Puis il se tourne vers Marie-Antoinette et stigmatise ceux qui dilapident les deniers de l’État ; s’adressant ensuite à nouveau au roi, il déclare : « Sire, le peuple a donné des preuves non équivoques de sa patience. C’est un peuple martyr à qui la vie semble n’avoir été laissée que pour le faire souffrir plus longtemps »44. De retour au château, la reine s’effondre et le roi s’indignea 43. Le lendemain, , s’ouvriront les états généraux et, par là même, la Révolution française.
Politique extérieure
Louis XVI est épaulé dans la politique étrangère par Charles Gravier de Vergennes de 1774 à la mort de ce dernier le .
Rôle dans la guerre d’indépendance américaine
Contexte
Raisons de l’implication du roi
La détermination dont le roi a fait preuve dans l’accession à l’indépendance des États-Unis intrigue ses biographesl.
La plupart d’entre eux voient dans l’implication de Louis XVI une vengeance des échecs subis par le royaume de France lors de la guerre de Sept Ans, à l’issue de laquelle le pays a perdu ses possessions d’Amérique du Nord. Ainsi, la révolte des Treize colonies survient comme une occasion inespérée de faire subir une défaite à l’adversaire.
Cependant, certains historiens et biographes comme Bernard Vincenta 44 avancent une autre cause : celle de l’adhésion de Louis XVI aux idées nouvelles et son appartenance potentielle à la franc-maçonnerie : « Que dans les débuts de son règne il ait été membre de l’Ordre ou simple sympathisant ou visiteur occasionnel, l’attention mesurée mais sans doute réelle que Louis XVI voua aux débats d’idées maçonniques ne peut, lorsque vint le moment, que renforcer sa détermination à voler au secours des insurgents d’Amérique »a 45. L’action des francs-maçons n’est en effet pas anodine dans l’accès des États-Unis à l’indépendance, comme en témoigne notamment le soutien apporté par la loge française des Neuf Sœurs.
Le roi a pu également être influencé par Victor-François, duc de Broglie qui, dans un mémoire daté du début de 1776, attire l’attention du souverain sur la réalité du conflit entre la Grande-Bretagne et les colonies américaines. Il s’agit ici, lui dit-il, d’« une révolution absoluë, […] d’un continent qui va se séparer de l’autre » et qu’« un nouvel ordre […] va naître. » Il ajoute qu’il est de l’intérêt de la France « de profiter de la détresse de l’Angleterre pour achever de l’accabler71.
Actions dans le déroulement du conflit
L’intervention de la France auprès des colons américains se déroule tout d’abord dans la clandestinité. En septembre 1775, Julien Alexandre Achard de Bonvouloir se rend sur place pour étudier les possibilités d’une assistance discrète auprès des insurgés72. Ces tractations aboutissent, en 1776, à la vente secrète d’armes et de munitions et par l’octroi de subsides pour deux millions de livres73. Beaumarchais reçoit du roi et de Vergennes l’autorisation de vendre poudre et munitions pour près d’un million de livres tournois sous le couvert de la compagnie portugaise Rodrigue Hortalez et Compagnie. L’acheminement de poudre, armes et munitions s’opère moyennant un échange avec du tabac de Virginie ; le premier convoi, capable d’armer 25 000 hommes, atteint Portsmouth en 1777 et joue un rôle crucial dans la victoire américaine de Saratogaa 46.
Peu après la victoire de Saratoga, le Congrès américain envoie à Paris deux émissaires pour négocier une plus grande aide française : Silas Deane et Benjamin Franklin. Rejoints par Arthur Lee, ils parviennent à signer avec Louis XVI et Vergennes deux traités engageant les deux pays : le premier, un traité « d’amitié et de commerce », dans lequel la France reconnaît l’indépendance américaine et organise une protection mutuelle des échanges maritimes ; le second, un traité d’alliance signé à Versailles le , stipulant que la France et les États-Unis feraient cause commune en cas de conflit entre la France et la Grande-Bretagne. Ce traité fut l’unique texte d’alliance signé par les États-Unis jusqu’au traité de l’Atlantique nord du a 47. Un mois après la signature du traité, Conrad Alexandre Gérard est nommé par le roi ministre plénipotentiaire auprès du gouvernement américain ; Benjamin Franklin devient quant à lui ambassadeur de son pays à la cour de France.
Selon Vergennes, ministre des Affaires étrangères, la décision de s’allier avec les Américains a été prise par Louis XVI seul, de manière souveraine. Il en témoigne dans une lettre datée du au comte de Montmorin alors ambassadeur en Espagne : « La décision suprême a été prise par le roi. Ce n’est pas l’influence de ses ministres qui l’a décidé : l’évidence des faits, la certitude morale du danger et sa conviction l’ont seules entraîné. Je pourrais dire avec vérité que Sa Majesté nous a donné du courage à tous »74. Cette décision s’avère risquée à plus d’un titre pour le roi : risque de défaite, risque de banqueroute, et aussi risque de voir arriver en France en cas de victoire les idées révolutionnaires peu compatibles avec la monarchie.
Les hostilités entre les forces françaises et britanniques s’ouvrent lors du combat du 17 juin 1778 : la frégate HMS Arethusa est envoyée par la Royal Navy au large de Plouescat pour attaquer la frégate française Belle Poule. Malgré de nombreuses victimes, le royaume de France en ressort vainqueur. Louis XVI s’appuie sur cette agression britannique pour déclarer la guerre à son cousin George III du Royaume-Uni le suivant ; il déclare alors : « les insultes faites au pavillon français m’ont forcé de mettre un terme à la modération que je m’étais proposée et ne me permettent pas de suspendre plus longtemps les effets de mon ressentiment »75. Ordre est alors donné aux navires français de combattre la flotte anglaise. Le premier affrontement entre les deux flottes a lieu le : c’est la Bataille d’Ouessant, qui voit sortir de ce combat la France victorieuse et Louis XVI adulé par son peuple.
Alors que l’Espagne et les Pays-Bas décident de se joindre au conflit aux côtés de la France, Louis XVI entreprend d’engager ses forces navales dans la Guerre d’Amérique. Parallèlement à cette nouvelle étape dans le conflit, Louis XVI signe le une déclaration de neutralité armée liguant la France, l’Espagne, la Russie, le Danemark, l’Autriche, la Prusse, le Portugal et les Deux-Siciles contre la Grande-Bretagne et son atteinte à la liberté des mers.
Le roi charge le comte Charles Henri d’Estaing de commander la flotte envoyée en aide aux insurgents américains. À la tête de 12 vaisseaux de ligne et de 5 frégates, il transporte avec lui plus de 10 000 marins et un millier de soldats. La Flotte du Levant quitte Toulon le pour arriver au large de Newport (Rhode Island) le suivant. Hormis une victoire à La Grenade, le commandement du comte d’Estaing se caractérise par une série d’échecs cuisants pour la France, illustrée notamment par le Siège de Savannah au cours de laquelle il perd 5 000 hommes.
Poussé par son allié espagnol, Louis XVI fait rassembler près de Bayeux environ 4 000 hommes, le but étant de débarquer sur l’Île de Wight puis en Angleterre par Southampton. Le roi est réticent sur l’opération et pense alors, sinon à envahir l’Angleterre, du moins maintenir dans la Manche les navires anglais, affaiblissant du même coup leur participation outre-Atlantique. Mais la flotte franco-espagnole ne peut déloger les navires anglais chargés de protéger l’île et change donc de cap ; la dysenterie et le typhus frappent les hommes, et ni le commandant de cette armée Louis Guillouet d’Orvilliers, ni son successeur Louis Charles du Chaffault de Besné ne parviennent à une confrontation directe avec la flotte anglaise. Le projet doit être abandonné.
Sur les conseils de Vergennes, du comte d’Estaing, et de La Fayette, Louis XVI de concentrer les forces de la flotte française sur l’Amérique. C’est ainsi que Jean-Baptiste-Donatien de Vimeur de Rochambeau est placé à la tête d’un corps expéditionnaire le de 5 000 hommes. Il quitte Brest le et arrive à Newport le 10 juillet suivant. Le , Lafayette demande à Vergennes et à Louis XVI de renforcer la puissance navale française et d’accroître l’aide financière au profit des forces américaines. Le roi est convaincu du bien-fondé de ces demandes ; il octroie aux États-Unis un don de 10 millions de livres et un prêt de 16 millions et, le , il fait partir de Brest l’argent ainsi que deux cargaisons d’armes et d’équipementsa 48. Quelques semaines auparavant, l’amiral de Grasse était parti de Brest à destination de la Martinique pour apporter des renforts en navires et en hommes. La tactique combinée de l’infanterie franco-américaine et de la flotte de l’amiral de Grasse permettent d’infliger de lourdes pertes à l’escadre de l’amiral Thomas Graves et par là même de la flotte britannique : la Bataille de la baie de Chesapeake puis la Bataille de Yorktown aboutissent à la défaite de l’Angleterre. Le , le général Charles Cornwallis signe la capitulation de Yorktown.
La participation du royaume de France dans la victoire des États-Unis est célébrée sur tout le territoire américain et Louis XVI n’est pas oublié : pendant des années, le roi est l’objet de manifestations enthousiastes organisées par le peuple américaina 49. Le traité de Paris, signé le entre les représentants des treize colonies américaines et les représentants britanniques, met fin à la guerre d’indépendance. Le même jour est signé le traité de Versailles entre la France, l’Espagne, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas : aux termes de cet acte est notamment l’appartenance à la France du Sénégal et de l’île de Tobago.
Impacts de l’indépendance américaine sur la France
L’indépendance américaine est sans conteste une victoire pour la France et pour son roi, lequel a largement contribué à la victoire des insurgés. Néanmoins, la naissance de ce nouveau pays a permis de faire connaître sur le sol français un exemple de démocratie qui n’a pas attendu pour mettre en application les idées nouvelles : Déclaration d’indépendance, émancipation des Noirs dans les États du Nord, droit de vote des femmes dans le New Jersey, séparation des pouvoirs, absence de religion officielle et reconnaissance de la liberté de la presse notamment. Paradoxalement, ces idées révolutionnaires que Louis XVI a contribué à faire naître en favorisant l’indépendance américaine seront à l’origine de sa chute. Car, comme le dira plus tard le journaliste Jacques Mallet du Pan, cette « inoculation américaine a infusé [l’esprit républicain] dans toutes les classes qui raisonnent »76.
Relations avec l’Angleterre
Relations avec l’Autriche
En 1777, le frère de Marie-Antoinette Joseph II se rend en France pour convaincre le roi de donner son appui pour que l’empire autrichien puisse annexer la Bavière et commencer le démembrement de la Turquie. Louis XVI rejette cette demande et la France, contrairement au premier partage de la Pologne intervenu en 1772, ne prend pas part au conflit.
Le traité de Teschen est signé le entre l’Autriche et la Prusse le et met fin à la guerre de Succession de Bavière. La France et la Russie sont garants de son respect.
Louis XVI s’oppose avec fermeté aux prétentions de Joseph II du Saint-Empire concernant la réouverture des bouches de l’Escaut au commerce des Pays-Bas autrichiens, malgré les pressions que Marie-Antoinette a exercées sur son époux.
Relations avec la Suisse
À partir de 1782, une coalition de rebelles prend le pouvoir en Suisse. La France, contrairement à ce qu’elle avait fait pour les États-Unis, contribue à la répression de cette rébellion et envoie des renforts pour rétablir le pouvoir en place. Vergennes justifie cette intervention en affirmant qu’il fallait éviter que Genève ne devienne « une école de sédition »60.
Relations avec la Hollande
En éclate en Hollande la révolte des « patriotes » demandant au stathouder Guillaume V d’Orange-Nassau qu’il renvoie le conservateur duc de Brunswick. La France prend le parti des « patriotes » et les soutient toujours lorsque Guillaume V est destitué en septembre 1786. Seulement, ce dernier est rétabli dans ses fonctions en 1787 : les « patriotes » sont écrasés et la France essuie un échec diplomatique cinglant.
Autres relations diplomatiques
Il poursuit la politique traditionnelle française d’appuyer des missions catholiques au Proche-Orient. Face au vide créé par l’interdiction de la Compagnie de Jésus (les Jésuites) en 1773, il choisit les Lazaristes pour les remplacer dans les missions en territoire ottoman. Le Pape Pie VI accepte ce changement, symbolisé par la prise en charge du centre des missions catholiques en Orient, le lycée Saint-Benoît à Constantinople, par la Congrégation de la Mission de Saint Vincent de Paul, le .
Débuts de la Révolution
États généraux
Ouverture (5 mai 1789)
Les états généraux s’ouvrent le vers 13 heures par une séance solennelle d’ouverture dans la salle des Menus-Plaisirs à Versailles. L’événement se passe dans des conditions difficiles pour le roi, car depuis plus d’un an, le petit dauphin Louis Joseph Xavier François est malade, ce qui ne favorise pas le contact entre le roi et le tiers-état. Le dauphin mourra le , ce qui affectera profondément la famille royale[pertinence contestée]77.
Lors de la séance, le roi trône au fond de la salle ; à sa gauche siègent les membres de la noblesse, à sa droite ceux du clergé et, en face, sont assis ceux du tiers-état. Louis XVI a revêtu pour l’occasion le manteau fleurdelysé de l’Ordre du Saint-Esprit et un chapeau à plumes où luit notamment le Régent78.
La cérémonie débute par un bref discours du roi dans lequel il déclare notamment : « Messieurs, le jour que mon cœur attendait depuis longtemps est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la Nation à laquelle je me fais gloire de commander »a 43. Il expose ensuite brièvement le cap de redressement des finances mais prévient toute tentative de réforme : « Une inquiétude générale, un désir exagéré d’innovations se sont emparés des esprits, et finiraient par égarer totalement les opinions si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d’avis sages et éclairés »78.
Sous un tonnerre d’applaudissementsa 50, le roi laisse la parole au Garde des Sceaux Barentin. Ce dernier fait l’éloge du souverain, rappelant que les Français ont grâce à lui une presse libre, qu’ils ont fait leur l’idée d’égalité, et qu’ils sont prêts à fraternisera 50 ; mais dans sa déclaration ne sont traités ni le mode de votation des trois ordres, ni l’état des finances du royaume.
Puis vient le tour de Necker. Durant un discours de plus de 3 heures (prononcé par un assistant au bout de quelques minutes), il se perd dans de vaines flatteries et rappelle l’existence du déficit de 56 millions de livres. Ne présentant aucun plan d’ensemble et n’annonçant rien de nouveau, il déçoit son auditoire. Il affirme enfin sa position concernant le mode de votation, en se prononçant en faveur du vote par ordre.
Le roi lève enfin la séance. Pour beaucoup de députés, cette journée fut ennuyeuse et décevantea 51.
Débats autour du mode de votation
Le , les députés du tiers état se réunissent dans la grande salle et prennent, comme en Angleterre, le nom de communesa 51. Ils proposent au clergé et à la noblesse, qui dans l’immédiat votent séparément, de procéder ensemble à la vérification des pouvoirs des députés, mais ils se heurtent à un refus des deux ordres.
Le , les députés de la noblesse décident, par 141 voix contre 47, de se constituer en chambre séparée et de vérifier de cette manière les pouvoirs de ses membres. La décision est plus nuancée chez le clergé où, à un écart de quelques voix, il est également décidé de siéger séparément (133 pour et 114 contre). Des conciliateurs sont désignés pour atténuer les divergences mais ils avouent leur échec le .
Le , Louis XVI demande en personne que les efforts de conciliation se poursuivent. Il ne dialogue pas cependant directement avec les membres du tiers, puisque Barentin joue le rôle d’intermédiaire.
Le , le dauphin Louis-Joseph de France, meurt à l’âge de 7 ans. Le couple royal est très affecté par la disparition du prétendant au trône, mais cet événement survient dans l’indifférence généralea 52. Son petit frère Louis de France, futur Louis XVII, porte désormais à 4 ans le titre de dauphin.
Proclamation de l’assemblée nationale (17 juin 1789)
Le , les députés du Tiers prennent acte du refus de la noblesse de se joindre à eux. Forts de l’appui de plus en plus présent du clergé (plusieurs membres les rejoignent quotidiennement), et estimant représenter « les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la nation »79, ils décident par l’intermédiaire du représentant qu’ils ont élu, le mathématicien et astronome Jean Sylvain Bailly, de s’autoproclamer assemblée nationale et de déclarer purement et simplement illégale la création de tout nouvel impôt sans leur accord. La constitution de cette assemblée, proposée par Sieyès, est votée par 491 voix contre 89.
Le , le clergé décide de se joindre au tiers état. Le même jour, le roi s’entretient avec Necker et Barentin. Necker propose un plan de réformes proche des revendications du Tiers : vote par tête et égalité de tous devant l’impôt notamment. Barentin, quant à lui, demande au roi de ne pas céder face aux revendications et lui déclare : « Ne pas sévir, c’est dégrader la dignité du trône »80. Le roi ne décide rien pour le moment et propose la tenue d’une « séance royale » le où il exprimera ses volontés.
Serment du Jeu de paume
Le , les députés du Tiers découvrent que la salle des Menus-Plaisirs est close et barrée par des gardes-françaises. Officiellement, on y prépare l’assemblée du ; en réalité, Louis XVI a décidé de fermer la salle puisque, non seulement écrasé par le deuil de la mort du dauphin mais surtout influencé par la reine, Barentin et d’autres ministres, il se sent trahi par un tiers état qui lui échappe et ne souhaite pas de réunion jusqu’à l’assemblée du 23a 53.
Les députés du Tiers décident alors, sur proposition du célèbre docteur Guillotin, de trouver une autre salle pour se réunir. C’est alors qu’ils entrent dans la salle du Jeu de paume, située à deux pas. C’est dans cette salle que l’assemblée, à l’initiative de Jean-Joseph Mouniera 54, se déclare « appelée à fixer la constitution du royaume » puis, à l’unanimité sauf une voix, elle prête le serment de ne « jamais se séparer » tant qu’une nouvelle constitution ne sera pas donnée au royaume de France. Elle déclare enfin que « partout où ses membres sont réunis, là est l’Assemblée nationale60 ! »
Le , Louis tient un conseil d’État à l’issue duquel le plan proposé par Necker le est repoussé, malgré le soutien des ministres Montmorin, Saint-Priest et La Luzerne.
Séance royale
La séance royale décidée par le roi s’ouvre dans la grande salle de l’hôtel des Menus-Plaisirs, en l’absence de Jacques Necker mais en présence d’une troupe largement déployée pour l’occasion. Louis XVI y prononce un bref discours dans lequel il fait part de ses décisions. Constatant le manque de résultats des états généraux, il rappelle les députés à l’ordre : « Je dois au bien commun de mon royaume, je me dois à moi-même de faire cesser vos funestes divisions ». Il déclare être favorable à l’égalité devant l’impôt, à la liberté individuelle, à la liberté de la presse, à la disparition du servage, et à la suppression des lettres de cachet qu’il décidera le ; en revanche, il déclare nulle la proclamation de l’assemblée nationale du et maintient sa volonté de faire voter les trois ordres séparément. Il rappelle enfin qu’il incarne la seule autorité légitime du royaume : « Si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m’abandonniez dans une si belle entreprise, seul je ferais le bien de mes peuples, seul me considérerais comme leur véritable représentant »44. La séance est levée et les députés sont priés de sortir.
Les députés de la noblesse et la majorité de ceux du clergé quittent alors la salle ; les députés du Tiers sont, quant à eux, tendus et intrigués par la présence massive des troupes. Au bout de plusieurs minutes de flottement, le député d’Aix Mirabeau intervient et s’adresse à la salle : « Messieurs, j’avoue que ce que vous venez d’entendre pourrait être le salut de la patrie, si les présents du despotisme n’étaient toujours dangereux. Quelle est cette insultante dictature ? L’appareil des armes, la violation du temple national pour vous commander d’être heureux ! […] Catilina est-il à nos portes44 ! » Face au tumulte provoqué par cette harangue, le grand maître des cérémonies Henri-Évrard de Dreux-Brézé s’adresse alors à Bailly, doyen de l’Assemblée et du Tiers, pour lui rappeler l’ordre du roi. Le député rétorque : « La Nation assemblée ne peut recevoir d’ordre ». C’est alors que Mirabeau s’interpose et, selon la légende, lui répond cette célèbre phrase : « Allez dire à ceux qui vous ont envoyé que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la puissance des baïonnettes »60. Informé de l’incident, Louis XVI aurait alors lâché : « Ils veulent rester, eh bien, foutre, qu’ils restent44 ! » Une révolution bourgeoise et pacifique vient ainsi de s’accomplir et il faut désormais au roi opter entre l’acceptation de la monarchie constitutionnelle ou l’épreuve de force. Il semble s’orienter vers la première solution tandis que son entourage se montre plus intransigeant, notamment son frère le comte d’Artois qui accuse Necker, ce banquier libéral, de trahison et d’attentisme81.
Défection de l’armée
Le surlendemain , la majorité des députés du clergé et 47 députés de la noblesse (dont le duc d’Orléans, cousin du roi) se joignent au Tiers état. Louis XVI cherche à donner le change et, le , ordonne « à son fidèle clergé et à sa fidèle noblesse »82 de se joindre au Tiers ; paradoxalement, il fait déployer autour de Versailles et de Paris trois régiments d’infanterie, officiellement pour protéger la tenue des états généraux, mais en réalité pour pouvoir disperser les députés par la force si cela s’avère nécessairea 55. Seulement, plusieurs compagnies refusent de se soumettre aux ordres et certains soldats jettent leurs armes avant de venir dans les jardins du Palais-Royal se faire applaudir par la foule. Les « patriotes » parisiens suivent de près les mouvements de l’armée et, lorsqu’une quinzaine de grenadiers insoumis sont enfermés dans la prison abbatiale de Saint-Germain-des-Prés, 300 personnes viennent les libérer : « Les hussards et les dragons envoyés pour rétablir l’ordre crient « Vive la Nation ! » et refusent de charger la foule »82.
Louis XVI mobilise alors autour de Paris 10 nouveaux régiments. Le , Mirabeau demande au roi d’éloigner les troupes étrangères (suisses et allemands), ce à quoi le souverain rétorque que son seul but est de protéger les élus ; pour ce faire, il propose même de transférer le siège de l’assemblée nationale à Noyon ou Soissonsa 56.
Assemblée nationale constituante
Renvoi de Necker (11 juillet 1789)
L’Assemblée nationale proclamée le prend le nom de Constituante le . Pendant ce temps, le roi renvoie Necker (dont il a peu apprécié l’absence lors de la séance royale du ) pour le remplacer par le baron de Breteuil, monarchiste convaincu. Il appelle le maréchal de Broglie au poste de Maréchal général des camps et armées du roi, réinstauré pour faire face aux événements.
Prise de la Bastille (14 juillet 1789)
L’annonce du renvoi de Necker et de la nomination de Breteuil et de Broglie mettent Paris en effervescence83. À partir de ce moment, les manifestations se multiplient à Paris ; une d’entre elles est réprimée aux Tuileries, faisant un mort côté manifestantsa 57.
Le , les 407 grands électeurs de Paris (qui avaient élu leurs députés pour les états généraux) se réunissent à l’Hôtel de ville de Paris pour se constituer « comité permanent ». Ils fondent une milice de 48 000 hommes encadrée par des gardes-françaises et adoptent comme signe de reconnaissance la cocarde bicolore rouge et bleu, aux couleurs de la ville de Paris (le blanc, symbole de la nation, est inséré dans la cocarde tricolore née dans la nuit du 13 au )84.
Le matin du 13, Louis XVI écrit à son frère cadet, le Comte d’Artois : « Résister en ce moment, ce serait s’exposer à perdre la monarchie ; c’est nous perdre tous. […] Je crois plus prudent de temporiser, de céder à l’orage, et de tout attendre du temps, du réveil des gens de bien, et de l’amour des Français pour leur roi »85.
Il ne reste plus aux manifestants qu’à trouver des armes. Le , une foule estimée à 40 000-50 000 personnesa 58 se présente devant l’Hôtel des Invalides. Les officiers réunis sous les ordres de Besenval sur le Champ-de-Mars refusent à l’unanimité de charger contre les manifestants. C’est ainsi que ces derniers s’emparent librement à l’intérieur des Invalides d’environ 40 000 fusils Charleville, un mortier et une demi-douzaine de canonsa 58. Il ne manque plus que de la poudre et des balles, et l’idée se répand que la forteresse de la Bastille en regorge.
Vers 10h30, une délégation des électeurs de Paris se rend auprès du gouverneur de la prison Bernard-René Jordan de Launay pour négocier la remise des armes demandées. Après deux refus, Launay fait sauter 250 barils de poudre ; l’explosion est considérée à tort comme une charge contre les assaillants. Soudain, un ancien sergent des gardes suisses entouré de 61 gardes-françaises arrive des Invalides avec les canons volés et les place en position d’attaque contre la Bastille. La forteresse capitule, la foule s’y engouffre en libérant les 7 prisonniers enfermés et s’empare des munitions. La garnison de la Bastille, après avoir massacré une centaine d’émeutiers, est conduite à l’Hôtel de ville tandis que la tête de Launay, décapité sur le trajet, est exposée sur une pique. Ignorant tout des événements, Louis XVI ordonne trop tard que les troupes stationnées autour de Paris évacuent la capitale.
Le lendemain , le roi apprend à son réveil du grand-maître de la garde-robe François XII de La Rochefoucauld les événements de la veille. Selon la légende, le roi lui demande : « C’est une révolte ? » Et le duc de La Rochefoucauld de répondre : « Non, Sire, c’est une révolution »80.
À partir de ce jour, la Révolution est irréversiblement enclenchée. Louis XVI, qui ne peut choisir qu’entre la guerre civile et la résignation, consent à capituler devant les événements.
Toujours le , le roi se rend à l’Assemblée pour confirmer aux députés qu’il a ordonné aux troupes de se retirer des alentours de Paris. Sous les applaudissements des députés, il conclut sa venue en disant : « Je sais qu’on a osé publier que vos personnes n’étaient point en sûreté. Serait-il donc nécessaire de vous rassurer sur des bruits aussi coupables, démentis d’avance par mon caractère connu ? Eh bien, c’est moi qui ne suis qu’un avec la Nation qui me fie à vous : aidez-moi en cette circonstance à assurer le salut de l’État ; je l’attends de l’Assemblée nationale »86. En s’adressant directement à l’Assemblée nationale, Louis XVI vient de reconnaître officiellement son existence et sa légitimité. Aussitôt, une importante délégation conduite par Bailly se rend à l’Hôtel de ville de Paris pour annoncer au peuple les dispositions du roi et ramener le calme dans la capitale. Dans une ambiance festive et dansante, Bailly est nommé maire de Paris et La Fayette est élu par l’Assemblée commandant de la Garde nationale.
Rappel de Necker et adoption de la cocarde tricolore par le roi (16-17 juillet 1789)
Le , le roi tient un conseil en présence de la reine et de ses deux frères. Le comte d’Artois et Marie-Antoinette demandent au roi de transférer la cour à Metz pour plus de sécurité mais le souverain, soutenu par le comte de Provence, la maintient à Versaillesa 59. Il regrette plus tard de ne pas s’être éloigné de l’épicentre de la Révolution60. Il annonce en outre dans ce conseil qu’il va rappeler Necker et donne l’ordre à Artois (dont il reproche la philosophie répressive) de quitter le royaume, faisant du futur Charles X l’un des tout premiers émigrés de la Révolution.
Necker revient donc au gouvernement avec le titre de contrôleur général des finances. Sont également rappelés Montmorin aux Affaires étrangères, Saint-Priest à la Maison du Roi et La Luzerne à la Marine. Necker ne tardera pas à comprendre que le pouvoir réside désormais à l’Assemblée nationalea 60.
Le , Louis XVI prend la route de Paris pour aller à la rencontre de son peuple. Accompagné d’une centaine de députés, il a choisi de se rendre à l’Hôtel de ville, devenu le centre symbolique de la contestation populaire. Il est reçu par le nouveau maire, Bailly, qui s’adresse à lui en ces termes : « J’apporte à Votre Majesté les clefs de sa bonne ville de Paris : ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV, il avait reconquis son peuple, ici le peuple a reconquis son roi »87. Sous les cris de « Vive la Nation ! », il se fait apposer sur son chapeau la cocarde tricolore. Il pénètre ensuite dans l’édifice en passant sous la voûte formée par les épées des gardes nationaux. C’est alors que le président du collège électoral, Moreau de Saint-Méry, le complimente : « Le trône des rois n’est jamais plus solide que lorsqu’il a pour base l’amour et la fidélité des peuples »86. Le roi improvise alors un petit discours au cours duquel il déclare approuver les nominations de Bailly et La Fayette ; se montrant alors à la foule qui l’acclame en contrebas, il lance à Saint-Méry : « Mon peuple peut toujours compter sur mon amour »88. Enfin, à la demande de l’avocat Louis Éthis de Corny, on vote l’érection d’un monument à Louis XVI à l’emplacement même de la Bastille86.
Comme le note l’historien Bernard Vincent en commentant cette réception à l’Hôtel de ville : « Avec la prise de la Bastille, le pouvoir suprême venait bel et bien de changer de camp »a 61.
Grande Peur (19 juillet – 6 août 1789)
L’Assemblée nationale régnant désormais sur le pays, les intendants du roi quittent leur poste dans les provinces. Une grande peur gagne alors la paysannerie française : on craint en effet que les seigneurs, pour se venger des événements survenus à Paris, ne mandatent des « brigands » contre le peuple des campagnes.
Ajoutée à la faim et à la crainte des accapareurs de blé, la grande peur incite les paysans à créer des milices un peu partout en France. À défaut de tuer les brigands imaginaires, les membres de la milice incendient les châteaux et massacrent des comtes notamment. L’Assemblée, hésitante face à ces exactions, décide de calmer le jeu. Néanmoins, la peur gagne la ville de Paris où, le , le conseiller d’État Joseph François Foullon et son gendre Berthier de Sauvigny sont massacrés sur la Place de Grève.
Abolition des privilèges (4 août 1789)
Pour mettre fin à l’instabilité régnant dans les campagnes, les ducs de Noailles et d’Aiguillon lancent à l’Assemblée constituante l’idée de faire table rase de tous les privilèges seigneuriaux hérités de l’époque médiévale. C’est ainsi qu’au cours de la séance nocturne du sont supprimés les droits féodaux, la dîme, les corvées, la mainmorte et le droit de garenne notamment. L’assemblée affirme l’égalité devant l’impôt et l’emploi, abolit la vénalité des charges et tous les avantages ecclésiastiques, nobiliaires et bourgeois.
Bien que Louis XVI affirme dans un courrier du lendemain à Monseigneur du Lau, archevêque d’Arles, qu’il ne donnera jamais sa sanction (comprendre son accord) à des décrets qui « dépouilleraient » le clergé et la noblesse89, l’Assemblée continue de légiférer dans ce sens jusqu’au . Les décrets d’application seront pris les et .
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789)
Le rapport rendu le par Jean-Joseph Mounier présentait un ordre de travail pour la rédaction d’une Constitution débutant par une déclaration des droits90. Cette déclaration devait servir, en tant que préambule, à proposer à l’univers un texte « pour tous les hommes, pour tous les temps, pour tous les pays »44 et codifier l’essentiel de l’esprit des Lumières et du Droit naturel. L’idée était également d’opposer à l’autorité royale l’autorité de l’individu, de la loi et de la Nationa 62.
Le , l’Assemblée entame la discussion finale du texte, déposé par La Fayette et inspiré de la Déclaration d’indépendance des États-Unis. L’adoption du texte s’opère article par article, pour finir le , date à laquelle les députés commencent à examiner le texte de la Constitution elle-même.
La Déclaration fixe à la fois les prérogatives du citoyen et celles de la Nation : le citoyen par l’égalité devant la loi, le respect de la propriété, la liberté d’expression notamment, et la Nation par la souveraineté et la séparation des pouvoirs entre autres. Le texte est adopté « en présence et sous les auspices de l’Être suprême, un dieu abstrait et philosophique.
Les débats, houleux, surviennent au milieu de 3 catégories de députés qui commencent à se démarquer les uns des autres : la droite (aristocrates), les partisans du statu quo comme d’Eprémesnil ou l’abbé Maury ; le centre (Monarchiens) conduits notamment par Mounier et favorables à une alliance entre les roi et le tiers-état ; et enfin la gauche (patriotes), elle-même composée d’une branche modérée favorable à un veto minimal du roi (Barnave, La Fayette, Sieyès) et d’une branche extrême comptant encore peu de députés (Robespierre et Pétion notamment).
Veto royal (11 septembre 1789)
À la suite de l’adoption du texte final de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen le , l’Assemblée se penche à la question du droit de veto du roi. Après quelques jours de débats, lesquels se sont déroulés en l’absence du principal intéressé, les députés votent le , à une très large majorité (673 voix contre 325), le droit de veto suspensif proposé par les patriotes. Concrètement, le roi perd l’initiative des lois, et ne conserve que le droit de promulgation et le droit de remontrance. Louis XVI accepte cette idée par esprit de conciliation, grâce à Necker qui, ayant négocié cette option avec les patriotes, a su convaincre le roi d’accepter le droit de veto ainsi votéa 63.
Néanmoins, les députés ne concèdent au roi le droit de veto que si ce dernier avalise les décrets de la nuit du . Dans une lettre du , Louis XVI écrit aux députés qu’il agrée l’esprit général de la loi mais qu’en revanche des points importants n’ont pas été étudiés, notamment l’avenir du traité de Westphalie consacrant les droits féodaux des princes germaniques ayant des terres en Alsace. Pour toute réponse, l’assemblée somme le roi de promulguer les arrêtés des 4 et . Outragé, Louis XVI concède cependant le qu’il accepte l’« esprit général » de ces textes et qu’il les publierait. Satisfaits, les députés octroient le (par 728 voix contre 223) le droit de veto suspensif pour une durée de six ans. Dans la foulée, ils votent l’article de la future constitution selon lequel « le gouvernement est monarchique, le pouvoir exécutif est délégué au roi pour être exercé sous son autorité par les ministres »82.
Retour du roi à Paris (6 octobre 1789)
Malgré son retour au gouvernement, Necker ne parvient pas à redresser les finances du royaume. Il recourt donc au traditionnel remède à l’emprunt : deux emprunts sont lancés en , mais les résultats sont médiocres. Necker se rend donc en dernier recours à l’Assemblée pour lui proposer une contribution extraordinaire qui pèserait sur l’ensemble des citoyens, et qui équivaudrait au quart des revenus de chacun ; d’abord réticente à voter cet impôt lourd, ladite assemblée l’adopte à l’unanimité, convaincue par les mots que lui a lancés Mirabeau : « Votez donc ce subside extraordinaire […] la hideuse banqueroute est là : elle menace de consumer, vous, vos propriétés, votre honneur […] et vous délibérez80 ! » La levée de cette contribution ne résout cependant pas les difficultés économiques du pays, le pain devenant de plus en plus rare et le chômage de plus en plus fort (une des conséquences de l’émigration des aristocrates, parmi lesquels beaucoup d’employeurs).
L’opinion publique s’émeut de cette impasse et, sensible aux poussées contre-révolutionnaires de la cour et du roi (que l’on surnomme désormais Monsieur Veto), se méfie de plus en plus du souverain et de son entourage. Par exemple, dans la chanson La Carmagnole, composée probablement lors de la journée du 10 août 1792 :
« Monsieur Véto avait promis
D’être fidèle à sa patrie ;
Mais il y a manqué.Ne faisons plus quartier. »
Cette méfiance se change bientôt en révolte quand le peuple apprend qu’au cours d’un dîner donné le 1er octobre à Versailles en l’honneur du régiment de Flandre (venu prêter main-forte à la défense de la cour), certains officiers n’ont pas manqué de fouler aux pieds la cocarde tricolore et de crier « À bas l’Assemblée ! », le tout en présence de Louis XVI et de la reine44.
Les Parisiens apprennent la nouvelle, relayée et amplifiée par les journaux ; Marat et Desmoulins en appellent aux armes contre cette « orgie contre-révolutionnaire »a 64. Selon les registres officiels, ne sont entrés dans la capitale depuis 10 jours que « 53 sacs de farine et 500 setiers de blé »60 ; face à cette pénurie, le bruit court que du blé est abondamment conservé à Versailles et en outre que le roi envisage de transporter la cour à Metza 64. Les Parisiens veulent donc ramener le blé et retenir le roi, quitte à le ramener dans la capitale.
Le , une foule de femmes envahit l’Hôtel de ville de Paris pour faire part de ses doléances et informer qu’elle va marcher sur Versailles pour en parler à l’Assemblée et au roi lui-même. Conduites par l’huissier Stanislas-Marie Maillarda 65, environ 6 000 à 7 000 femmes, ajoutées à quelques agitateurs déguisés, se rendent à pied à Versailles, « armées de fusils, de piques, de crocs de fer, de couteaux emmanchés sur des bâtons, précédées de sept ou huit tambours, de trois canons et d’un train de baril de poudre et de boulets, saisis au Châtelet »60.
Apprenant la nouvelle, le roi rentre précipitamment de la chasse et la reine se réfugie dans la grotte du Petit Trianona 65. Vers 16 heures, le cortège des femmes arrive devant l’Assemblée ; une délégation d’une vingtaine d’entre elles est reçue dans la salle des Menus-Plaisirs, qui exige que le roi promulgue les décrets des 4 et et signe la Déclaration des droits de l’homme. Une horde de citoyennes survient alors dans la salle, criant : « À bas la calotte ! À mort l’Autrichienne ! Les gardes du roi à la lanterne60 ! »
Louis XVI accepte de recevoir cinq des femmes du cortège, accompagnées du nouveau président de l’Assemblée, Jean-Joseph Mounier. Le roi leur promet du pain, embrasse l’une de ces femmes (Louison Chabry, âgée de 17 ansa 66), laquelle s’évanouit sous le coup de l’émotion. Les femmes ressortent en criant « Vive le roi ! » mais la foule hurle à la trahison et menace de les pendre. Elles promettent alors de retourner voir le roi pour obtenir davantage. Louis XVI donne alors à Jérôme Champion de Cicé, Garde des Sceaux l’ordre écrit de faire venir du blé de Senlis et de Lagny ; il promet également à Mounier qu’il promulguera le soir même les décrets des 4 et , et qu’il signera également la Déclaration. Se montrant enfin au balcon aux côtés de Louison Chabry, il émeut la foule qui l’acclame alors.
Vers minuit, La Fayette arrive au château en tête de la Garde nationale et de quelque 15 000 hommes ; il promet au roi d’assurer la défense extérieure du château et lui assure : « Si mon sang doit couler, que ce soit pour le service de mon roi »44. Le lendemain matin, après une nuit passée à camper sur la place d’armes, la foule assiste en son sein à une bagarre opposant des manifestants à plusieurs gardes du corps ; des émeutiers entraînent alors la foule à pénétrer dans le château par la porte de la chapelle, restée étrangement ouverte. S’ensuit alors un véritable carnage où plusieurs gardes sont massacrés et décapités, leur sang badigeonnant le corps des meurtriers. Ces derniers cherchent les appartements de la reine, s’écriant : « Nous voulons couper sa tête, fricasser son cœur et ses foies, et cela ne finira pas là91 ! » Empruntant des couloirs secrets, le roi et sa famille parviennent à se retrouver ensemble sous les cris de « Le roi à Paris ! » et « À mort l’Autrichienne ! » venant du dehors. La reine lance alors à son mari : « Vous n’avez pas su vous décider à partir quand c’était encore possible ; à présent nous sommes prisonniers »60. Louis XVI se concerte alors avec La Fayette ; ce dernier ouvre la fenêtre donnant au dehors et se montre à la foule qui lui crie « Le roi au balcon ! ». Le souverain se montre alors à la foule sans dire un mot tandis que celle-ci l’acclame et lui demande de revenir à Paris. Des voix réclamant la reine, La Fayette dit à celle-ci de venir également à la fenêtre : « Madame, cette démarche est absolument nécessaire pour calmer la multitude »60. La reine s’exécute, modérément acclamée par la foule ; La Fayette lui baise la main. Le roi la rejoint alors en compagnie de ses deux enfants et déclare à la foule : « Mes amis, j’irai à Paris avec ma femme et mes enfants. C’est à l’amour de mes bons et fidèles sujets que je confie ce que j’ai de plus précieux »60.
Après 7 heures de routea 67, le cortège arrive à Paris, encadré par la Garde nationale et les têtes fraîchement coupées de la matinée. Des chariots de blé accompagnent également la famille royale, si bien que la foule déclare qu’elle ramène dans la capitale « le boulanger, la boulangère et le petit mitron »82. Après un détour protocolaire à l’Hôtel de ville, le cortège parvient au Palais des Tuileries, où la famille royale élit malgré elle son dernier domicile ; un mois plus tard, l’Assemblée siège à la Salle du Manège, non loin de là. Le , les députés Fréteau et Mirabeau proposent1 d’instaurer le titre de roi des Français à la place de celui de roi de France. L’Assemblée adopte2 cette nouvelle titulature le , et décide le que le souverain ne sera pas titré3 « roi des Navarrais » ni « des Corses ». L’Assemblée officialisera ces décisions par un décret92 du . Louis XVI commence à utiliser la nouvelle titulature (orthographiée « roi des François ») dans ses lettres patentes à partir du 4. Le , l’Assemblée décrète5 que son président devra demander au roi que le sceau de l’État porte la nouvelle titulature. Le nouveau sceau est utilisé dès le , avec la formulation « Louis XVI par la grâce de Dieu et par la loy constitutionnelle de l’État roy des François ». Et l’Assemblée décide par décret6 du , que le titre de roi des Français sera désormais gravé sur les monnaies du royaume (où figurait toujours celui de roi de France et de Navarre : Franciæ et Navarræ rex). Le titre est ensuite maintenu dans la constitution de 1791.
Politique de déchristianisation et réactions du roi
Dès les premiers mois qui vont suivre le début de la Révolution, l’Église et le clergé vont être la cible de la politique nouvellement menée ; comme l’affirme l’historien Bernard Vincent, « c’est cet aspect de la Révolution, cet acharnement contre l’Église, que Louis XVI, non seulement homme de foi mais profondément convaincu d’être dans sa fonction un émissaire du Tout-Puissant, aura le plus de mal à admettre. Il ne l’admettra d’ailleurs jamais, malgré les concessions publiques que jour après jour sa situation lui impose de faire »a 68.
L’un des premiers actes de cette volonté de déchristianiser les institutions s’opère par le décret du par lequel l’Assemblée, à l’initiative de Talleyrand, décide à 568 voix contre 346 que les biens du clergé serviront à combler le déficit national93.
Le , l’Assemblée met en circulation 400 millions d’assignats, sortes de bons du Trésor, destinés à éponger les dettes de l’État. La valeur de ces assignats était à terme garantie par la vente des biens du clergé ; néanmoins, l’émission excessive de ces bons aura pour conséquence une forte dépréciation, allant jusqu’à 97 % de leur valeur.
Le , l’Assemblée vote l’interdiction des vœux religieux et la suppression des ordres religieux réguliers, hors institutions scolaires, hospitalières et caritatives. Les ordres tels que les Bénédictins, les Jésuites et les Carmélites sont déclarés illégaux. Dans plusieurs villes, de violents heurts opposent les catholiques royalistes aux révolutionnaires protestants, tels à Nîmes où, le , les affrontements font 400 mortsa 69.
La Constitution civile du clergé est votée le , remplissant d’effroi Louis XVI en personne. Désormais, les diocèses seront alignés sur les départements récemment créés : il y aura donc 83 évêques pour 83 diocèses (pour 83 départements), et en outre 10 « évêques métropolitains » à la place des 18 archevêques existants. Mais la réforme, décidée sans concertation ni avec le clergé ni avec Rome, prévoit également que les curés et les évêques seront désormais élus par les citoyens, même non catholiques. N’ayant plus de revenu à la suite de la vente des biens du clergé, les prêtres seront donc des fonctionnaires publics rémunérés par l’État mais devront, en contrepartie, prêter serment de fidélité « à la Nation, à la loi et au roi » (article 21). La constitution coupe les membres du clergé en deux camps : les prêtres jureurs (légèrement majoritaires), fidèles à la constitution et au serment de fidélité, et les prêtres réfractaires, refusant de s’y soumettre. La constitution civile du clergé et la Déclaration des droits de l’Homme seront condamnées par le pape Pie VI dans le bref apostolique Quod aliquantum, ramenant au sein de l’Église quelques prêtres jureurs. L’Assemblée se vengera par le biais du décret du rattachant au Royaume l’État pontifical d’Avignon et le Comtat Venaissin.
Le , Louis XVI se résigne à entériner la constitution civile du clergé dans son intégralité. Comme il l’avait indiqué à son cousin Charles IV d’Espagne dans une missive envoyée le , il signe à contrecœur ces « actes contraires à l’autorité royale » qui lui ont été « arrachés par la force »80.
Fête de la Fédération (14 juillet 1790)
Deux jours après le vote de la constitution civile du clergé, et pour fêter le 1er anniversaire de la Prise de la Bastille, le Champ-de-Mars est le théâtre d’une cérémonie de grande ampleur : la Fête de la Fédération.
Orchestrée par La Fayette au nom des fédérations (les associations de gardes nationaux de Paris et de province), la Fête de la Fédération rassemble environ 400 000 personnes, en ce compris les députés, le duc d’Orléans venu de Londres, les membres du gouvernement donc Necker, et la famille royale. Une messe est présidée par Talleyrand, entouré de 300 prêtres en étole tricolore.
Louis XVI prête solennellement serment en ces termes : « Moi, roi des Français, je jure à la Nation d’employer le pouvoir qui m’est délégué […] à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois »60. La reine présente son fils à la foule sous les acclamations.
Le roi est acclamé tout au long de cette journée et les Parisiens viennent dans la soirée crier sous ses fenêtres : « Régnez, Sire, régnez13 ! » Barnave reconnaît : « Si Louis XVI avait su profiter de la Fédération, nous étions perdus »80. Mais le roi ne profite pas de la situation : pour certains historiensa 70, le roi veut éviter une guerre civilem ; l’autre explication vient du fait que le roi a peut-être déjà entrepris de quitter le pays.
Fuite et arrestation à Varennes (20-21 juin 1791)
Face à la déliquescence de son pouvoir, Louis XVI ne choisit pas d’abdiquer, estimant que l’onction reçue lors de son sacre et le caractère séculaire de la monarchie l’en empêchent. Par conséquent, le roi opte pour la fuite hors du royaume[réf. nécessaire].
Après un plan d’enlèvement mené par le comte d’Artois et Calonne impossible à mettre en œuvre, et une tentative d’assassinat de Bailly et La Fayette projetée par Favras en 1790, le roi construit un plan d’évasion du royaume en direction de Montmédy où l’attend le marquis de Bouillé, puis vers les provinces belges de l’Autriche. Les historiens divergent quant à la finalité même du projet. Selon Bernard Vincent, si le roi avait réussi à trouver refuge à l’est, « alors cela changeait tout : une vaste coalition pourrait se former – alliant entre autres l’Autriche, la Prusse, la Suède, l’Espagne et pourquoi pas l’Angleterre – qui mettrait la Révolution à genoux, prendrait appui sur la France profonde, renverserait le cours de l’histoire et rétablirait le roi Louis et le régime monarchique dans leurs droits immémoriaux »a 71. La date de l’évasion est fixée au ; les modalités pratiques tels que la production de faux passeports, les déguisements et le transport notamment sont confiées à Axel de Fersen, amant de la reine et désormais appui de la famille royale.
Le , vers 21 heures, Fersen fait venir à la Porte Saint-Martin la berline qui servira à transporter la famille royale. À minuit et demi, le roi déguisé en valet de chambre, la reine et Madame Élisabeth montent dans une voiture de louage pour rejoindre la berline où sont déjà installés le dauphin, sa sœur et leur gouvernante Madame de Tourzel. La voiture prend alors le départ ; Fersen accompagne la famille royale jusqu’à Bondy où il prend congé d’elle.
Le à 7 heures, le valet de chambre s’aperçoit de la disparition du roi. La Fayette, l’Assemblée nationale, puis la ville de Paris tout entière apprennent la nouvelle ; on ne sait pas encore s’il s’agit d’un enlèvement ou d’une évasion. Le roi a fait déposer à l’Assemblée un texte écrit de sa main, la Déclaration du roi, adressée à tous les Français à sa sortie de Paris, dans lequel il condamne l’Assemblée qui lui a fait perdre tous ses pouvoirs et exhorte les Français à revenir vers leur roi. De fait, dans ce texte rédigé le , il explique qu’il n’a ménagé aucun effort tant qu’il « a pu espérer de voir renaître l’ordre et le bonheur », mais lorsqu’il s’est vu « prisonnier dans ses États » après que sa garde personnelle lui eut été retirée, lorsque le nouveau pouvoir l’a privé du droit de nommer les ambassadeurs et de déclarer la guerre, lorsqu’on l’a bridé dans l’exercice de sa foi, « il est naturel, dit-il, qu’il ait cherché à se mettre en sûreté »95.
Ce document ne fut jamais diffusé dans son intégralité. D’une part, Louis XVI y dénonce les Jacobins et leur emprise croissante sur la société française. D’autre part, il y explique sa volonté : une monarchie constitutionnelle avec un exécutif puissant et autonome vis-à-vis de l’Assemblée. Ce document historique majeur, traditionnellement appelé « le testament politique de Louis XVI » a été redécouvert en 96. Il est au Musée des Lettres et Manuscrits à Paris. Le roi commente son sentiment sur la révolution, en critique certaines conséquences sans pour autant rejeter les réformes importantes comme l’abolition des ordres et l’égalité civile.
Pendant ce temps, la berline continue vers l’est, traversant la ville de Châlons-sur-Marne avec 4 heures de retard sur l’horaire prévu. Non loin de là, à Pont-de-Sommevesle, l’attendent les hommes de Choiseul ; ne voyant pas arriver la berline arriver à temps, ils décident de s’en aller.
À 8 heures du soir, le convoi s’arrête devant le relais de Sainte-Menehould puis reprend sa route. La population s’interroge sur la mystérieuse voiture, et très vite s’ébruite la rumeur selon laquelle les fugitifs ne sont autres que le roi et sa famille. Le maître de poste, Jean-Baptiste Drouet, est convoqué à l’Hôtel de ville : face à un assignat à l’effigie du roi qu’on lui tend, il reconnaît le souverain comme étant l’un des passagers du convoi. Il se lance alors à la poursuite de la berline avec le dragon Guillaume en direction de Varennes-en-Argonne, vers laquelle se dirigeait la voiture. Prenant des raccourcis, ils arrivent avant le convoi et parviennent à prévenir les autorités quelques minutes seulement avant l’arrivée du roi. La famille royale arrive vers 10 heures et se heurte à un barrage. Le procureur-syndic Jean-Baptiste Sauce contrôle les passeports, qui semblent en règle. Il s’apprête à laisser repartir les voyageurs quand le juge Jacques Destez, qui avait vécu à Versailles, reconnaît formellement le roi. Louis XVI avoue alors sa véritable identité ; il ne parvient pas à convaincre la population qu’il envisageait de regagner Montmédy afin d’y installer sa famille, d’autant plus que le maître de poste de Châlons arrive à ce moment précis, porteur d’un décret de l’Assemblée enjoignant d’arrêter les fuyards. Choiseul, qui a réussi à rejoindre le roi, propose à ce dernier de faire dégager la ville par la force, ce à quoi le roi lui répond d’attendre l’arrivée du général Bouillé ; mais celui-ci ne vient pas et ses hussards pactisent avec la population. Le roi confie alors à la reine : « Il n’y a plus de roi en France »97.
Informée le au soir des événements qui se sont déroulés à Varennes, l’Assemblée envoie trois émissaires à la rencontre de la famille royale : Barnave, Pétion et La Tour-Maubourg. La jonction s’opère le au soir à Boursault. Le cortège passe la soirée à Meaux et reprend le lendemain la route de Paris, où l’Assemblée a déjà décrété la suspension du roi. Une foule immense s’est massée le long des boulevards pour voir passer la voiture de la famille royale ; les autorités ont placardé des affiches sur lesquelles il est écrit : « Quiconque applaudira le roi sera bastonné, quiconque l’insultera sera pendu »98. Durant le trajet, le roi conserve un calme exemplaire comme le note Pétion : « Il semblait que le roi revenait d’une partie de chasse […] il était tout aussi flegme, tout aussi tranquille que si rien n’était arrivé […] j’étais confondu de ce que je voyais »60. Quant à Marie-Antoinette, elle constatera en se regardant dans un miroir que ses cheveux avaient blanchia 72.
L’Assemblée décide d’entendre le couple royal sur l’affaire de Varennes. Louis XVI fait seulement savoir qu’il n’avait pas eu l’intention de quitter le territoire national : « Si j’avais eu l’intention de sortir du royaume, je n’aurai pas publié mon mémoire le jour même de mon départ, mais j’aurais attendu d’être en dehors des frontières »60. Le , on lui apprend qu’il est innocenté et qu’il serait rétabli dans ses fonctions dès qu’il aura approuvé la nouvelle constitution.
Pour l’historien Mona Ozouf, la fuite manquée du roi a brisé le lien de l’indivisibilité du roi et de la France, car, explique-t-elle, elle « présente aux yeux de tous la séparation du roi et de la nation : le premier, tel un vulgaire émigré, a couru clandestinement à la frontière ; la seconde rejette désormais comme dérisoire son identification au corps du roi, qu’aucune restauration ne parviendra plus à faire revivre ; par où, bien avant la mise à mort du roi, elle accomplit la mort de la royauté »69.
Préparation de la Constitution
L’idée républicaine, déjà en chemin, va s’accélérer subitement à l’occasion de la fuite manquée du roi. Le , une pétition réclamant l’instauration d’une République réunit 30 000 signatures à Parisa 73. Le , les Jacobins de Montpellier réclament à leur tour la création d’une République. Thomas Paine fonde à la fin juin le club de la Société républicaine, aux idées plus avancées que celui des Jacobins, au sein duquel il élabore un manifeste républicain, où il appelle les Français à en finir avec la monarchie : « La nation ne peut jamais rendre sa confiance à un homme qui, infidèle à ses fonctions, parjure à ses serments, ourdit une fuite clandestine, obtient frauduleusement un passeport, cache un roi de France sous le déguisement d’un domestique, dirige sa course vers une frontière plus que suspecte, couverte de transfuges, et médite évidemment de ne rentrer dans nos états qu’avec une force capable nous dicter sa loi »99. Cet appel est placardé sur les murs de la capitale puis, le , sur le portail de l’Assemblée nationale ; cette initiative ne manque pas de choquer un certain nombre de députés, lesquels se désolidarisent de ce mouvement : Pierre-Victor Malouet parle de « violent outrage » à la Constitution et à l’ordre public, Louis-Simon Martineau demande l’arrestation des auteurs de l’affiche et Robespierre, enfin, s’écrie : « On m’a accusé au sein de l’Assemblée d’être républicain. On m’a fait trop d’honneur, je ne le suis pas100 ! »
Le , le Club des Jacobins se déchire sur la question de la république ; l’aile majoritaire hostile à un changement de régime se rassemble autour de La Fayette et crée le Club des Feuillants. Le , le Club des Cordeliers (dirigé par Danton, Marat et Desmoulins notamment) lance une pétition en faveur de la république. Le texte et les 6 000 signatures sont déposées sur l’autel de la Patrie érigé au Champ-de-Mars pour la 2e Fête de la Fédération du précédent. L’Assemblée ordonne la dispersion de la foule : Bailly ordonne la loi martiale et La Fayette fait appel à la Garde nationale. La troupe tire sans sommation malgré les ordres reçus et fait plus de 50 morts parmi les manifestants. Cet épisode tragique, connu sous le nom de Fusillade du Champ-de-Mars, va constituer un tournant dans la Révolution, aboutissant dans l’immédiat à la fermeture du Club des Cordeliers, à l’exil de Danton, à la démission de Bailly de sa fonction de maire de Paris à l’automne, et à la perte de popularité de La Fayette dans l’opinion.
L’Assemblée poursuit la rédaction de la Constitution à partir du et adopte le texte le . Précédée de la Déclaration des droits de l’homme, elle reconnaît l’inviolabilité du roi, écarte la Constitution civile du clergé (réduite au statut de loi ordinaire), maintient le suffrage censitaire et prévoit la nomination des ministres par le roi hors de l’Assemblée. Pour le reste, l’essentiel du pouvoir est dévolu à l’Assemblée, élue pour deux ans. En revanche, rien n’est prévu en cas de désaccord entre les pouvoirs législatif et exécutif : le roi ne peut dissoudre l’Assemblée et celle-ci ne peut censurer les ministres. Ce texte jugé plutôt conservateur déçoit les députés de gauchea 74.
Les sources d’archives relatives aux membres de la Garde constitutionnelle de Louis XVI sont décrites par les Archives nationales (France)101.
Louis XVI prête serment à la nouvelle Constitution le . Le président de l’Assemblée, Jacques-Guillaume Thouret (après s’être rassis) déclare à Louis XVI que la couronne de France est « la plus belle couronne de l’univers », et que la nation française « aura toujours [besoin] de la monarchie héréditaire »102. Le roi signe103 la Constitution. Elle sera ensuite sous la sauvegarde du député Jean-Henry d’Arnaudat (ancien conseiller au parlement de Navarre), qui dormira avec jusqu’au lendemain. Le , la Constitution est publiée104 dans la Gazette nationale. L’Assemblée constituante se réunit la dernière fois le pour laisser place, dès le lendemain, à l’Assemblée législative.
Politique extérieure
L’un des premiers domaines qui va échapper au roi est celui de la politique extérieure, qu’il avait jusqu’alors menée avec fierté et efficacité.
La Belgique tout d’abord qui, influencée par l’essor révolutionnaire de la France, connaît l’indépendance et la déchéance de l’empereur Joseph II le , lequel est aussitôt remplacé par son frère Léopold II. L’Autriche reprend le contrôle de la Belgique et la République liégeoise prend fin le .
Le , l’Assemblée profite de la crise de Nootka opposant l’Espagne (alliée de la France) à la Grande-Bretagne pour décider qui, du roi ou de la représentation nationale, dispose du droit de déclarer la guerre. La question est tranchée ce jour là par le Décret de Déclaration de paix au monde aux termes duquel l’Assemblée décrète que cette décision n’appartient qu’à elle seule. Elle affirme en effet que « La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans le but de faire des conquêtes […] elle n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple ».
Le , l’empereur Léopold II et le roi Frédéric-Guillaume II de Prusse rédigent en commun la Déclaration de Pillnitz aux termes de laquelle ils invitent tous les souverains européens à « agir d’urgence au cas où ils seraient prêts » pour organiser des représailles si l’Assemblée nationale française n’adoptait pas une constitution conforme « aux droits des souverains et au bien-être de la nation française ». Les comtes de Provence et d’Artois adressent le texte à Louis XVI en l’accompagnant d’une lettre ouverte incitant le roi à rejeter le projet de constitutiona 75. Louis XVI est affligé par cette lettre, ayant lui-même adressé peu avant une lettre secrète à ses frères où il leur indiquait jouer la carte de la conciliation ; il leur reproche leur attitude en ces termes : « Ainsi vous allez me montrer à la Nation acceptant d’une main et sollicitant les puissances étrangères de l’autre. Quel homme vertueux peut estimer une pareille conduite60 ? »
Roi des Français et monarchie constitutionnelle (1791-1792)
Première constitution de la France
Louis XVI est maintenu comme roi des Français par la nouvelle Constitution. Il est toujours roi « par la grâce de Dieu », mais aussi « par la loi constitutionnelle de l’État »105, c’est-à-dire non plus seulement un souverain de droit divin, mais en quelque sorte le chef, le premier représentant du peuple français. Il conserve la totalité des pouvoirs exécutifs, qu’il exerce en vertu de la loi humaine106. Cette constitution maintenait en outre le changement du titre du dauphin en « prince royal » (qui avait eu lieu le 14 août 1791).
Le , Louis XVI jure fidélité à ladite constitution.
La nouvelle Assemblée, élue au suffrage censitaire, ne comporte aucun député de l’ancienne Assemblée constituante. Elle comprend 745 députés : 264 inscrits au groupe des Feuillants, 136 à celui des Jacobins et 345 Indépendants.
Nouvelle crise économique à la fin de l’année 1791
La France traverse une nouvelle crise à la fin de l’année 1791 : l’agitation populaire qui gagne les Antilles provoque une réduction du sucre et du café, et donc la montée de leur prix. La valeur des assignats se dégrade, le prix du blé augmente et le peuple a faim.
Crises diplomatiques et déclaration de guerre à l’Autriche
Les et , la nouvelle Assemblée adopte deux décrets sur l’émigration : dans le premier, elle demande au comte de Provence de revenir en France dans les deux mois sous peine de perdre ses droits à la Régence ; le second exhorte l’ensemble des émigrés à rentrer sous peine d’être accusés de « conjuration contre la France82 », passible de la peine de mort. Le roi valide le premier décret mais oppose son veto à deux reprises au second, les et . L’Assemblée adoptera plus tard la loi du mettant à disposition de la Nation les biens mobiliers et immobiliers confisqués aux individus considérés comme ennemis de la Révolution, c’est-à-dire les émigrés et fugitifs, les prêtres réfractaires, les déportés et détenus, les condamnés à mort, les étrangers ressortissants des pays ennemis.
Le , l’Assemblée obtient du roi d’adresser un avertissement officiel à Léopold II lui demandant de dénoncer la Déclaration de Pillnitz. L’empereur meurt le 1er mars, sans avoir répondu à cet appel, mais en ayant pris soin quelques semaines plus tôt de signer avec la Prusse un traité d’alliance. Son fils François II lui succède et entend faire plier la Révolution, affirmant : « Il est temps de mettre la France ou dans la nécessité de s’exécuter, ou de nous faire la guerre, ou de nous mettre en droit de la lui faire »80. Les Girondins suspectent la reine de connivence avec l’Autriche. Louis XVI renvoie alors ses ministres modérés et appelle de Grave à la Guerre ainsi qu’un certain nombre de Girondins : Roland de la Platière à l’Intérieur, Clavière aux Finances et Dumouriez aux Affaires étrangères. Ce sera « le ministère jacobin ». Le , Roland avertit le roi qu’il doit donner son approbation à l’action de l’Assemblée : « Il n’est plus temps de reculer, il n’y a même plus moyen de temporiser. […] Encore quelque délai, et le peuple contristé verra dans son roi l’ami et le complice des conspirateurs »107. Louis XVI, devant cette lettre rendue publique qui est une insulte à la dignité royale, renvoie Roland et les autres ministres modérés – Servan et Clavière. Unique preuve de sa sincérité de roi des Français, Louis XVI, sous l’influence de ce ministère, sanctionne le le décret législatif du qui impose dans les colonies l’égalité des Blancs et des hommes de couleur libres108.
Un ultimatum est adressé à François II le lui enjoignant de chasser les émigrants français de son pays, lequel demeure sans réponse. Le roi accepte donc, à la demande de l’Assemblée, de déclarer la guerre à l’Autriche le 20 avril 1792. Beaucoup reprocheront au roi ce « double jeu »a 76 : si la France l’emporte, il sortira renforcé des événements ; si elle perd, il pourra retrouver ses pouvoirs monarchiques grâce à l’appui des vainqueurs.
La Révolution ayant désorganisé les forces armées, les premiers temps sont désastreux pour la France : déroute de Marquain le , démission de Rochambeau, désertion du Régiment de Royal-Allemand notamment. Un climat de soupçon s’ouvre alors et l’Assemblée, méfiante de la rue et des sans-culottes, décide la création d’un camp de 20 000 Fédérés à proximité de Paris ; le , le roi oppose son veto à la création de ce camp (pour éviter un affaiblissement de la protection des frontières) et en profite pour rejeter le décret du sur la déportation des prêtres réfractaires. Face aux protestations de Roland de la Platière notamment, Louis XVI opère un remaniement ministériel qui ne convainc pas l’Assemblée.
Journée du 20 juin 1792
Face à la déroute de l’armée, au renvoi des ministres Servan, Roland et Clavière, et au refus du souverain d’adopter les décrets sur la création du camp de fédérés et la déportation des prêtres réfractaires, les Jacobins et les Girondins entreprennent une épreuve de force pour le , date anniversaire du serment du Jeu de paume. Plusieurs milliers de manifestants parisiens, conduits par Santerre, sont ainsi encouragés à se rendre au Palais des Tuileries pour protester contre la mauvaise gestion de la guerre.
Seul, Louis XVI reçoit les émeutiers. Ceux-ci exigent du roi qu’il annule ses vetos et rappelle les ministres congédiés. Pendant cette longue occupation (qui dura de 14 heures à 22 heuresa 77), le roi ne cède rien mais garde un calme saisissant. Il affirme : « La force ne fera rien sur moi, je suis au-dessus de la terreur »44. Il accepte même de porter le bonnet phrygien et de boire à la santé du peuple. Pétion part lever le siège en assurant au roi : « Le peuple s’est présenté avec dignité ; le peuple sortira de même ; que votre Majesté soit tranquille »60.
Chute de la monarchie
Face aux avancées autrichienne et prussienne dans le nord, l’Assemblée déclare le la « Patrie en danger ». Le , quelques jours après la 3e commémoration de la Fête de la fédération, les fédérés de province et leurs alliés parisiens remettent à l’Assemblée une pétition demandant la suspension du roi.
Les événements vont s’accélérer davantage le par la publication du Manifeste de Brunswick où le duc de Brunswick avertit les parisiens que s’ils ne se soumettent pas « immédiatement et sans condition à leur roi », Paris sera promis « à une exécution militaire et à une subversion totale, et les révoltés […] aux supplices qu’ils méritent ». Le couple royal est dès lors soupçonné d’avoir inspiré l’idée de ce textea 78. Robespierre demande la déchéance du roi le .
Le vers 5 heures du matin, les sections des faubourgs, ainsi que les fédérés marseillais et breton, envahissent la Place du Carrousel. La défense du Palais des Tuileries est assurée par 900 gardes suisses, leur commandant le marquis de Mandat ayant été convoqué à l’Hôtel de ville (où vient de se former une Commune de Paris avant d’y être assassiné. Le roi descend dans la cour du palais à 10 heures et se rend compte que l’édifice n’est plus protégé. Il décide donc d’aller trouver refuge avec sa famille à l’Assemblée. C’est alors que les insurgés s’engouffrent dans le palais et massacrent tous ceux qu’ils y croisent : gardes suisses, domestiques, cuisiniers et femmes de chambre. Le château est pillé et les meubles dévastés. L’assaut fera plus d’un millier de morts (dont 600 suisses sur 900)a 79 et les survivants seront par la suite jugés et exécutés.
La Commune insurrectionnelle obtient de l’Assemblée la suspension immédiate du roi et la convocation d’une convention représentative. Le soir même, le roi et sa famille sont transportés au Couvent des Feuillants où ils vont rester trois jours dans le plus grand dénuement.
Transfert de la famille royale à la Maison du Temple
Le , l’Assemblée élit un conseil exécutif de 6 ministres et fixe pour début septembre l’élection de la Convention. Elle rétablit par ailleurs la censure et demande aux citoyens de dénoncer les suspects. Elle demande enfin que la famille royale soit transférée au Palais du Luxembourg mais la Commune exige que ce soit au prieuré hospitalier du Temple, sous sa garde.
C’est donc le que la famille royale est transférée, conduite par Pétion et escortée par plusieurs milliers d’hommes armés. Elle n’occupe pas pour le moment la grande Tour du Temple non encore aménagée, mais le logement de l’archiviste réparti sur trois étages : Louis XVI vit au deuxième étage avec son valet de chambre Chamilly (qui sera remplacé par Jean-Baptiste Cléry), la reine et ses enfants au premier étage, et Madame Élisabeth la cuisine du rez-de-chaussée en compagnie de Madame de Tourzel. Les membres de la famille peuvent librement se voir mais ils sont étroitement surveillésa 80.
Louis XVI occupe son temps entre la lecture, l’éducation du dauphin et la prière. Il s’adonne parfois au jeu de ballon avec son fils et à des parties de trictrac avec les dames. La reine s’occupe également de l’éducation de ses enfants, par l’enseignement de l’histoire au dauphin et les exercices de dictée et de musique à sa fillea 81.
Massacres de septembre
La journée du 10 août 1792 a laissé à Paris un climat agité où les ennemis de la Révolution sont traqués. Les nouvelles extérieures nourrissent un climat de complot contre celle-ci : franchissement de la frontière par les Prussiens, siège de Verdun, soulèvement de la Bretagne, de la Vendée et du Dauphiné.
Les prisons parisiennes renferment entre 3 000 et 10 000 détenusa 82, constitués de prêtres réfractaires, agitateurs royalistes et autres suspects. La Commune veut en finir avec les ennemis de la Révolution avant qu’il ne soit trop tard. Un officier municipal informe le roi, enfermé à la Maison du Temple, que « le peuple est en fureur et veut se venger »80.
Pendant une semaine, à partir du , les insurgés les plus virulents de la Commune vont massacrer environ 1 300 détenus répartis dans les prisons suivantes : prison de l’Abbaye, couvent des Carmes, prison de la Salpêtrière, prison de la Force, prison du Grand Châtelet et prison de Bicêtre.
Victoire de Valmy
Le , les Prussiens franchissent l’Argonne, mais les armées françaises de Kellerman et Dumouriez (successeur de La Fayette passé à l’ennemi) se rejoignent le 19. L’armée française se retrouve en supériorité numérique et dispose d’une nouvelle artillerie que l’ingénieur Gribeauval lui a donnée quelques années plus tôt sous l’impulsion de Louis XVI.
La bataille s’engage à Valmy le . Les Prussiens sont rapidement défaits et se réfugient derrière leur frontière. L’invasion de la France est stoppée nette et, comme l’affirmera Goethe qui accompagnait alors l’armée prussienne : « D’ici et de ce jour commence une ère nouvelle dans l’histoire du monde »82.
Mise en place de la Convention
L’Assemblée législative décide de mettre en place une convention élue à la suite de la journée du 10 août. Les élections ont lieu du 2 au dans un contexte de peur et de suspicion dû à la guerre franco-autrichienne et aux massacres de septembre.
À l’issue du scrutin, 749 députés sont élus dont beaucoup de révolutionnaires déjà connus : Danton, Robespierre, Marat, Saint-Just, Bertrand Barère, l’abbé Grégoire, Camille Desmoulins, le duc d’Orléans rebaptisé Philippe Égalité, Condorcet, Pétion, Fabre d’Églantine, Jacques-Louis David et Thomas Paine notamment. Alors que les électeurs de Paris ont plutôt voté pour les Jacobins, ce sont les Girondins qui l’emportent en province.
C’est dans le contexte de la victoire de Valmy qui galvanise les esprits que la Convention se réunit pour la première fois le , marquant dès son arrivée l’abolition de la Monarchie.
Abolition de la monarchie et derniers mois (1792-1793)
Premières mesures de la Convention
La Convention nationale décrète, lors de sa première séance le que « la royauté est abolie en France » et que « l’An I de la République française » partira du . Louis XVI perd alors tous ses titres, les autorités révolutionnaires le désignent sous le nom de Louis Capet (en référence à Hugues Capet, dont le surnom est considéré, de manière erronée, comme un nom de famille). Les décrets bloqués par le veto de Louis XVI sont alors appliqués.
Le 1er octobre, une commission est mise en place pour instruire un éventuel procès du roi, en s’appuyant notamment sur les documents saisis au Palais des Tuileries.
Transfert de la famille royale à la Tour du Temple
Le , le roi, son valet de chambre Jean-Baptiste Cléry sont transférés dans un appartement du deuxième étage de la Tour du Temple. Il quitte ainsi le logement de l’archiviste au prieuré hospitalier du Temple, dans lequel il demeurait depuis le .
Marie-Antoinette, sa fille Madame Royale, Madame Élisabeth et leurs deux servantes sont transférées dans l’étage supérieur de la tour le suivant, dans un appartement similaire à celui du désormais ancien roi.
Procès devant la Convention
Mise en place
La Convention nationale avait dès le 1er octobre mis en place une commission chargée d’instruire le procès. Celle-ci lui remet un rapport le aux termes duquel elle conclut que Louis Capet doit être jugé « pour les crimes qu’il a commis sur le trône »80. Un tel procès est désormais juridiquement possible puisque sous une République, l’inviolabilité du roi n’existe plus.
Le , un débat crucial s’engage sur le point de savoir par qui le procès sera conduit. Le député de Vendée Morisson affirme que le roi a déjà été condamné en ayant été déchu. En face de lui, certains comme Saint-Just réclament sa mort, déclarant notamment que le roi est l’« ennemi » naturel du peuple, et qu’il n’a pas besoin de procès pour être exécuté.
Les preuves de la culpabilité du roi sont ténues jusqu’au , jour de la découverte aux Tuileries d’une armoire de fer dissimulée dans l’un des murs des appartements du roi. Selon le ministre de l’Intérieur Roland de la Platière, les documents qui y ont été trouvés démontrent la collusion du roi et de la reine avec les émigrés et les puissances étrangères ; il affirme également, sans plus de précision, que certains députés y sont compromisa 83. Bien que selon certains historiens, comme Albert Soboul, les pièces rapportées « n’apportent pas la preuve formelle de la collusion du roi avec les puissances ennemies »44, elles vont néanmoins convaincre les députés d’inculper le roi. Dans un discours du resté célèbre, Robespierre prône solennellement la mort sans délai du roi déchu, déclarant que les « peuples […] ne rendent point de sentences, ils lancent la foudre ; ils ne condamnent point les rois, ils les replongent dans le néant […]. Je conclus que la Convention nationale doit déclarer Louis traître à la patrie, criminel envers l’humanité, et le faire punir comme tel […]. Louis doit mourir parce qu’il faut que la patrie vive »109.
Après des débats houleux, la Convention décide que Louis Capet sera bel et bien jugé, le tribunal étant la Convention elle-même. Elle confirme le que Louis Capet sera « traduit à la barre pour y subir son interrogatoire »110. Saint-Just croit alors bon de préciser que « ce n’est pas [un monarque] que nous allons juger ; c’est la monarchie [et la] conspiration générale des rois contre les peuples »111. Le lendemain, Louis XVI et son épouse se voient confisquer tous les objets tranchants dont ils se servent, à savoir rasoirs, ciseaux, couteaux et canifsa 84.
Déroulement
Le procès de l’ancien roi, jugé comme un citoyen ordinaire et désormais appelé sous le nom de Citoyen Capet, s’ouvre le . À partir de ce jour, il sera séparé du reste de sa famille pour vivre isolé dans un appartement du deuxième étage de la maison du Temple, avec pour seule compagnie celle de son valet, Jean-Baptiste Cléry. Son logement, sensiblement le même que celui dans lequel il vivait avec les siens à l’étage supérieur, mesure environ 65 m2 et comprend quatre pièces : l’antichambre où se relaient les gardes et dans laquelle a été accrochée un exemplaire de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la chambre à coucher du roi, la salle à manger et la chambre du valet.
Le 1er interrogatoire a lieu le . Vers 13 heures, deux personnalités viennent le chercher : Pierre-Gaspard Chaumette (procureur de la Commune de Paris) et Antoine Joseph Santerre (commandant de la garde nationale). L’appelant désormais sous le nom de Louis Capet, ils se voient rétorquer par l’intéressé : « Capet n’est pas mon nom, c’est le nom d’un de mes ancêtres. […] Je vais vous suivre, non pour obéir à la Convention, mais parce que mes ennemis ont la force en main »112. Arrivé dans la salle du Manège au grand complet, l’accusé est accueilli par Bertrand Barère, le président de la Convention, qui le prie de s’asseoir et lui annonce : « Louis, on va vous lire l’acte énonciatif des délits qui vous sont imputés. » Barère de reprendre ensuite un par un les chefs d’accusation et de demander au roi de répondre à chacun d’entre eux. Les motifs d’inculpation sont nombreux : massacres des Tuileries et du Champ-de-Mars, trahison du serment prêté à la Fête de la Fédération, soutien des prêtres réfractaires, collusion avec les puissances étrangères, etc. Répondant à chacune des questions avec calme et brièveté, Louis XVI soutient qu’il a toujours agi dans le respect des lois qui existaient alors, qu’il a toujours combattu l’usage de la violence et qu’il a désavoué l’action de ses frères113. Pour finir, il nie reconnaître sa signature sur les documents qu’on lui montre, et obtient des députés l’aide d’un avocat pour assurer sa défense. Après quatre heures d’interrogatoire, le roi est ramené à la Tour du Temple et confie à Cléry, son seul interlocuteur désormais : « J’étais bien éloigné de penser à toutes les questions qui m’ont été faites. » Et le valet de chambre de remarquer que le roi « se coucha avec beaucoup de tranquillité »114.
Louis XVI accepte la proposition de défense que lui proposent trois avocats : François Denis Tronchet (futur rédacteur du Code civil), Raymond de Sèze et Malesherbes. Il refuse néanmoins l’aide que lui propose la féministe Olympe de Gouges113. Le procès du roi est suivi de près par les grandes puissances étrangères, notamment la Grande-Bretagne (dont le premier ministre William Pitt le Jeune refusa d’intervenir en faveur du souverain déchu) et l’Espagne (qui fit savoir à la Convention qu’une condamnation à mort du roi remettrait en cause sa neutralité face aux événements de la Révolution)a 85.
Les interrogatoires se succèdent sans rien donner, chacune des parties campant dans ses positions. Le , de Sèze s’adresse aux députés en ces termes : « Je cherche parmi vous des juges, et je ne vois que des accusateurs »80. Le , Robespierre réfute l’idée que le sort du roi soit remis entre les mains du peuple par le biais d’assemblées primaires ; il affirme en effet que les Français seraient en ce sens manipulés par les aristocrates : « Qui est plus disert, plus adroit, plus fécond en ressources, que les intrigants […], c’est-à-dire que les fripons de l’ancien et même du nouveau régime ? »113.
La conclusion des débats revient à Barère le , au moyen d’un discours dans lequel il souligne l’unité de la conspiration, les divisions des Girondins sur l’appel au peuple, et enfin l’absurdité du recours à celui-ci. La reprise des délibérations est programmée pour le suivant, où trois points seraient abordés : la culpabilité du roi, l’appel au peuple et la peine à infliger. D’ici là, le roi consacre ses journées à la prière et à l’écriture ; à ce titre, il avait le rédigé son testament.
Votes et verdict
L’issue du procès prend la forme du vote de chaque député sur les trois questions évoquées par Barère, chacun des élus votant individuellement à la tribune.
La Convention se prononce le sur les deux premières questions, à savoir :
- culpabilité du roi pour « conspiration contre la liberté publique et la sûreté générale de l’État » : 691 pour et 10 abstentions ;
- recours au peuple pour ratifier le jugement : 424 contre, 287 pour, 12 abstentions.
Du à 10 heures au à 20 heures se déroule le vote relatif à la sentence à appliquer, chacun des votants est amené à justifier sa position :
- 366 voix pour la mort immédiate, 34 pour la mort avec sursis à exécution, 319 voix pour la détention et le bannissement, 2 voix pour les travaux forcés.
Une partie de l’Assemblée demande un nouveau vote, arguant que certains députés n’étaient pas d’accord avec la catégorie dans laquelle leur voix était classée. Le se déroule ce nouveau scrutin :
- 361 voix pour la mort immédiate, 26 pour la mort sous réserve d’examiner la possibilité d’un sursis à exécution (amendement de Mailhe115), 44 pour la mort avec sursis, 290 pour d’autres peines, 5 abstentions116,n.
Le a lieu un nouvel appel nominal : « Sera-t-il sursis à l’exécution du jugement de Louis Capet ? ». Le vote est terminé le 20 à 2 heures du matin :
- 380 voix contre le sursis à exécution, 310 pour, soit 70 voix de majorité pour l’exécution sans délai.
Exécution publique
Louis XVI est guillotiné le lundi à Paris, place de la Révolution (actuelle place de la Concorde). Avec son confesseur l’abbé Edgeworth de Firmont, le roi monte à l’échafaud. Le couperet tombe à 10 heures 22, sous les yeux notamment de cinq ministres du conseil exécutif provisoire.
Selon son bourreau, il déclare lors de son installation sur l’échafaud : « Peuple, je meurs innocent ! », puis au bourreau Sanson et ses assistants « Messieurs, je suis innocent de tout ce dont on m’inculpe. Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français ».
Dans son ouvrage Le Nouveau Paris, paru en 1798, l’écrivain et essayiste politique Louis-Sébastien Mercier raconte l’exécution de Louis XVI en ces termes : « […] Est-ce bien le même homme que je vois bousculé par quatre valets de bourreau, déshabillé de force, dont le tambour étouffe la voix, garrotté à une planche, se débattant encore, et recevant si mal le coup de la guillotine qu’il n’eut pas le col mais l’occiput et la mâchoire horriblement coupés ? »117.
Acte de décès dans l’état civil de Paris
L’acte de décès est rédigé le . L’original de l’acte a disparu lors de la destruction des archives de Paris en 1871 mais il avait été recopié par des archivistes. Voici ce que dit le texte : « Du lundi 18 mars 1793, l’an Second de la République française.
Acte de décès de Louis Capet, du dernier, dix heures vingt-deux minutes du matin ; profession, dernier Roy des Français, âgé de trente-neuf ans [sic], natif de Versailles, paroisse Notre-Dame, domicilié à Paris, tour du Temple ; marié à Marie-Antoinette d’Autriche, ledit Louis Capet exécuté sur la Place de la Révolution en vertu des décrets de la Convention nationale des quinze, seize et dix-neuf dudit mois de janvier, en présence 1° de Jean-Antoine Lefèvre, suppléant du procureur général sindic du département de Paris, et d’Antoine Momoro, tous deux membres du directoire dudit département et commissaires en cette partie du conseil général du même département ; 2° de François-Pierre Salais et de François-Germain Isabeau, commissaires nommés par le conseil exécutif provisoire, à l’effet d’assister à ladite exécution et d’en dresser procès-verbal, ce qu’ils ont fait ; et 3° de Jacques Claude Bernard118 et de Jacques Roux, tous deux commissaires de la municipalité de Paris, nommés par elle pour assister à cette exécution ; vu le procès-verbal de ladite exécution dudit jour dernier, signé Grouville, secrétaire du conseil exécutif provisoire, envoyé aux officiers publics de la municipalité de Paris cejourd’huy, sur la demande qu’ils en avaient précédemment faite au ministère de la justice, ledit procès-verbal déposé aux Archives de l’état civil ;
Pierre-Jacques Legrand, officier public (signé) Le Grand »119.
Sépulture
Il est enterré au cimetière de la Madeleine, rue d’Anjou-Saint-Honoré, dans une fosse commune et recouvert de chaux vive. Les 18 et 19 janvier 1815, Louis XVIII fait exhumer ses restes et ceux de Marie-Antoinette pour les faire inhumer à la basilique Saint-Denis le . En outre, il fait édifier en leur mémoire la Chapelle expiatoire à l’emplacement du cimetière de la Madeleine.
Hommages
- Chaque année depuis 1815, des messes catholiques sont célébrées en mémoire de Louis XVI, dans de nombreuses communes de France, le , jour anniversaire de son exécution.
- Deux villes américaines sont nommées Louisville en l’honneur de Louis XVI dont les soldats soutinrent les Américains contre la Grande-Bretagne durant la guerre d’indépendance. Il s’agit de Louisville120 dans le Kentucky fondée en 1778, et Louisville en Géorgie fondée en 1786. Une statue du roi, offerte en 1967 par la ville jumelée de Montpellier, trône devant le Louisville Metro Hall de la ville du Kentucky.
- La place de l’obélisque (ou place Louis XVI) à Port-Vendres dans les Pyrénées-Orientales, accueille un obélisque qui est le premier monument construit en France à la gloire de Louis XVI de son vivant. Pour marquer d’un symbole la naissance de Port-Vendres, Louis XVI permet à la province de faire ériger à sa gloire en 1780/1786 ce monument grâce aux architectes du roi Charles De Wailly puis Louis-Hiver Pons. L’obélisque n’est pas coiffé d’une statue du monarque mais est orné de quatre bas-reliefs en bronze sur son socle représentant « La Marine relevée », « La Servitude abolie », « La Liberté de commerce » et « L’Indépendance de l’Amérique ». Dépouillé de ses ornements en 1793, l’obélisque ne retrouve ses bas-reliefs qu’en 1956.
- Cinq statues du roi sont encore présentes en France :
- La statue de Nantes au sommet de la colonne Louis-XVI. La colonne est érigée en 1790 et n’est surmontée d’une statue du roi en empereur romain qu’en 1823. L’œuvre du sculpteur Dominique Molknecht est remplacée par une copie du sculpteur nantais Georges Perraud en 1926.
- La statue du Loroux-Bottereau en Loire-Atlantique. Située devant l’église Saint-Jean-Baptiste, l’œuvre originale de 1823 de Dominique Molknecht se trouve actuellement à l’office de tourisme de la ville ; une copie a pris sa place devant l’église.
- La statue de Plouasne dans les Côtes-d’Armor. Située dans les jardins du château de Caradeuc, l’œuvre est commandée en 1826 par la mairie à Dominique Molknecht pour être placée dans la niche de l’hôtel de ville ; mais étant achevée après la Révolution de 1830, elle est reléguée au musée des Beaux-arts de Rennes durant 120 ans. En 1950, le propriétaire du château de Caradeuc Alain de Kernier obtient le prêt de cette statue du roi auprès de la mairie de Rennes, et la place au bout d’une courte allée portant aujourd’hui le nom d’allée de Louis XVI.
- La statue de Sorèze dans le Tarn. Elle est située dans les jardins de l’abbaye-école de la ville depuis 1857 ; elle est commandée par le Père Henri-Dominique Lacordaire à l’occasion de la fête séculaire de l’école121, pour honorer le fondateur de l’École Royale militaire de Sorèze en 1776.
- La statue de Nant dans l’Aveyron. Elle est visible à l’office du tourisme, mais elle n’a plus de tête, après avoir été décapitée trois fois. Le roi avait des palmes du martyre sur sa tête.
- Le square Louis-XVI à Paris avec la chapelle expiatoire élevée à la mémoire de Louis XVI et de Marie-Antoinette en 1826.
- À Cherbourg-en-Cotentin, une rue Louis-XVI honore depuis 1839 la mémoire du souverain et de tout ce qu’il a accompli pour la ville.
- Le , place de la Concorde, Charles X pose la première pierre du monument à la mémoire de Louis XVI. Mais la statue ne sera en fait jamais édifiée. Son socle servira de base à l’obélisque de Louxor dressé en 1836. L’actuel pont de la Concorde portait le nom de Louis XVI avant la Révolution.
- Une statue colossale en bronze de Louis XVI, haute de 5,83 mètres a néanmoins été sculptée par Nicolas Raggi. Elle était gardée au Musée des beaux-arts de Bordeaux. Commandée en 1825, elle est coulée en 1828 puis détruite en 1941. La destruction a été photographiée122.
- Le cercle Louis XVI est une société littéraire et artistique nantaise. Fondée en 1760, la « Chambre littéraire de la ville de Nantes » prend le nom de cercle Louis XVI en 1878. Il loge actuellement à l’Hôtel Montaudouin.
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Statue du Roi Louis XVI à Louisville (Kentucky) devant le Louisville Metro Hall
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L’obélisque de Port-Vendres
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L’hôtel Montaudouin accueille le Cercle Louis XVI à Nantes
Titulature
- – : Son Altesse Royale Louis-Auguste de France, fils de France, duc de Berry ;
- – : dauphin de France (à la mort de son père Louis, il devient l’héritier du trône de France ; le dauphin de France n’a pas à l’époque le prédicat d’altesse royale) ;
- – : Sa Majesté le roi de France et de Navarre (à la mort de son grand-père Louis XV) ;
- – : Sa Majesté le roi de France et de Navarre (il est toujours considéré comme roi par les royalistes et par les pays qui ne reconnaissent pas la République française) ;
- – : Sa Majesté le roi des Français (c’est à partir du que Louis XVI prend4 le titre de roi des Français, que l’Assemblée avait adopté2 le , et qu’elle officialisera par décret92 le ; la Constitution, qui entrera en vigueur le , maintiendra cette nouvelle titulature).
Généalogie
Ascendance
Descendance
Le , le dauphin Louis Auguste épouse l’archiduchesse Marie-Antoinette d’Autriche123, fille cadette de François de Lorraine, grand-duc de Toscane et empereur souverain du Saint-Empire romain germanique et de son épouse Marie-Thérèse, archiduchesse d’Autriche, duchesse de Milan, reine de Bohême et de Hongrie. Cette union est la concrétisation d’une alliance visant à améliorer les relations entre la Maison de Bourbon (France, Espagne, Parme, Naples et Sicile) et la Maison de Habsbourg-Lorraine (Autriche, Bohême, Hongrie, Toscane). Les époux bien qu’étant alors âgés de 14 et 15 ans ne consommeront réellement leur mariage que sept ans plus tard. De leur union, quatre enfants naissent, mais ils n’auront pas de descendance :
- Marie-Thérèse de France ( – ), dite » Madame Royale « , qui épouse en 1799 son cousin germain le duc d’Angoulême (1775-1844) ;
- Louis-Joseph-Xavier-François de France ( – ), premier dauphin ;
- Louis Charles de France ( – ), duc de Normandie, second dauphin et futur Louis XVII, surnommé » l’Enfant du Temple » pendant sa captivité ;
- Sophie-Béatrice de France ( – ) dite « Madame Sophie »
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L’archiduchesse d’Autriche Marie-Antoinette (1755-1793), par Martin van Meytens, (1767)
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La reine Marie-Antoinette (1755-1793) et ses enfants (de g. à d., Marie-Thérèse Charlotte, Louis Charles et Louis-Joseph Xavier, le berceau vide devait recevoir la princesse Sophie-Béatrice, morte à moins d’un an (11 mois) en 1787) par Élisabeth Vigée-Lebrun, (1787)
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Marie-Thérèse Charlotte, par Heinrich Friedrich Füger, après 1795
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Le dauphin Louis-Joseph-Xavier, mort à l’aube de la révolution, en 1789 (le 4 juin), à 7ans et demi, par Dagotty, vers fin des années 1780.
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Louis-Charles de France, dit « L’enfant du Temple » futur Louis XVII, par Alexandre Kucharski (1792)
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Sophie-Béatrice, dernier enfant du roi et de la reine, morte en 1787 à 11 mois, par Élisabeth Vigée Le Brun, vers 1786
Le couple a adopté les enfants suivants[réf. souhaitée] :
Galerie de portraits
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Le duc de Berry et le comte de Provence, par Drouais, 1757.
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Le dauphin Louis-Auguste, par Louis-Michel Van Loo, 1769.
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Louis, roi de France, par Joseph Duplessis, entre 1774 et 1776.
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Louis XVI en costume de sacre par Joseph Duplessis, 1777.
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Louis XVI, coiffé d’un bonnet phrygien, 20 juin 1792.
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Invasion des Tuileries – ou de Versailles -, 1863.
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Les adieux de Louis XVI à sa famille, par Jean-Jacques Hauer.
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Gravure de l’exécution de Louis XVI, 1794, par Isidore Stanislas Helman, d’après Charles Monet.
Portrait
Portrait physique
Durant son enfance, Louis XVI était d’une santé fragile et certains lui prêtaient une composition « faible et valétudinaire »124. Son corps malingre paraissait être exposé à toutes les maladies infantilesb 2. Puis à 6 ans, selon l’historien Pierre Lafue, « son visage était déjà formé. Il avait les yeux ronds et gris de son père, avec un regard qui devait devenir de plus en plus flou à mesure que sa myopie s’accentuerait. Son nez busqué, sa bouche assez forte, son cou gros et court annonçaient le masque plein auquel les dessins satiriques se plairaient, plus tard, à donner un aspect bovin »b 3.
À l’âge adulte pourtant, le roi se caractérise par un certain embonpoint et une taille hors du commun pour l’époque : 6 pieds et 3 pouces de haut, soit environ 1 mètre 93 (selon l’historien Jean-François Chiappe), ou : de 1 mètre 86 à 1 mètre 90 selon d’autres sources125. Il est également doté d’une forte musculature lui donnant une force étonnante : le roi fait à plusieurs reprises la démonstration de soulever à bras tendu une pelle contenant un jeune page accroupia 86.
Portrait caricaturé
A la suite de la fuite de Varennes de la famille royale, s’ensuit toute une série de caricatures. Ces dernières représentent Louis XVI sous les traits d’un cochon, ce qui lui vaut plus tard le surnom de roi-cochon126,127.
Personnalité
Caractère et traits de personnalité
Enfant, le futur roi se montre « taciturne », « austère » et « sérieux »b 3. Sa tante Madame Adélaïde l’encourage ainsi : « Parle à ton aise, Berry, crie, gronde, fais du tintamarre comme ton frère d’Artois, casse et brise mes porcelaines, fais parler de toi »b 3.
Depuis Louis XIV, la noblesse est en grande partie « domestiquée » par le système de cour. L’étiquette régit la vie de la cour en faisant du roi le centre d’un cérémonial très strict et complexe. Cette construction de Louis XIV vise à donner un rôle à une noblesse qui avait été jusque là souvent rebelle et toujours menaçante pour le pouvoir royal.
Au sein de la cour, la noblesse voit sa participation à la vie de la nation organisée en vase clos dans un subtil système de dépendances, de hiérarchie et de récompenses, et ses velléités d’autonomie vis-à-vis de l’autorité royale nettement réduites. Louis XVI hérite de ce système. La noblesse est au service du roi et en attend des récompenses et des honneurs. Même si l’écrasante majorité de la noblesse n’a pas les moyens de vivre à la cour, les textes montrent bien l’attachement des nobles de province au rôle de la cour, et l’importance que pouvait prendre la « présentation » au roi.
Comme son grand-père Louis XV, Louis XVI a les plus grandes peines à entrer dans ce système qui avait été construit un siècle auparavant par son quadrisaïeul pour répondre à des problèmes qui ne sont plus d’actualité. Ce n’est pas par manque d’éducation : il est le premier monarque français à parler couramment anglais ; nourri des philosophes des Lumières, il aspire à trancher avec l’image « louis-quatorzienne »o du roi en constante représentation. Cette image du roi simple rejoint celle des « despotes éclairés » de l’Europe, comme Frédéric II de Prusse.
Bien qu’ayant conservé les longues cérémonies du lever et du coucher royaux, Louis XVI tente de réduire les fastes de la cour. Alors que Marie-Antoinette passe beaucoup de temps dans les bals, les fêtes et les jeux d’argentp, le roi s’adonne à des loisirs plus modestes tels que la chasse, les mécanismes tel que la serrurerie et l’horlogerie, la lecture et les sciences130.
Le refus d’entrer dans le grand jeu de l’étiquette explique la très mauvaise réputation que lui fera la noblesse de cour. En la privant du cérémonial, le roi la prive de son rôle social. Ce faisant, il se protège également. Si à l’origine la cour sert à contrôler la noblesse, la situation se renverse très vite : le roi se trouve à son tour prisonnier du système.
La mauvaise gestion par Louis XV puis par Louis XVI de cette cour, le refus par les Parlements (lieu d’expression politique de la noblesse et d’une partie de la haute bourgeoisie judiciaire) de toute réforme politique, ainsi que l’image apparente – souvent désastreuse – de capricieuse véhiculée par la reine, dégraderont peu à peu son image : beaucoup de pamphlets le ridiculisant et des clichés encore actuellement en vigueur proviennent d’une partie de la noblesse d’alors, qui supporte mal le risque de perdre sa place particulière, le décrivant non pas comme le roi simple qu’il était, mais comme un roi simplet.
Il arrive enfin parfois au roi de réagir étrangement avec son entourage, en se livrant parfois à des farces enfantines, comme chatouiller son valet de chambre ou pousser un courtisan sous une lance d’arrosagea 87.
La faiblesse que ses contemporains lui attribuaient fera dire au roi : « Je sais qu’on me taxe de faiblesse et d’irrésolution, mais personne ne s’est jamais trouvé dans ma position »44, signifiant ainsi que sa personnalité n’est pas une cause exclusive des événements de la Révolution.
Centres d’intérêt
Louis XVI a été longtemps caricaturé comme un roi un peu simplet, manipulé par ses conseillers, peu au fait des questions de pouvoir, avec des marottes comme la serrurerie et une passion pour la chasse.
Cette image est en partie due à son attitude envers la cour, et surtout en raison des calomnies du parti lorrain et en premier M. de Choiseul, le comte de Mercy, l’Abbé de Vermond et enfin Marie-Thérèse d’Autriche.
Grand chasseur, Louis XVI est aussi un prince studieux et érudit, qui aime autant la serrurerie et la menuiserie que la lecture. Il est féru d’histoire, de géographie, de marine et de sciences. Il fait de la marine une priorité de sa politique étrangère, et en a une connaissance théorique si pointue, qu’il se plaît, quand il visite le nouveau port militaire de Cherbourg (et voit pour la première fois la mer), à faire des remarques dont la pertinence stupéfie ses interlocuteurs.
Géographie
Passionné de géographie et de science maritime, Louis XVI mandate Jean-François de La Pérouse pour effectuer le tour du monde et cartographier l’océan Pacifique qui restait alors encore mal connu, malgré les voyages de Cook et de Bougainville. Le roi est à l’origine de toute l’expédition, tant dans le lancement de celle-ci que dans le choix du navigateur, en passant par les détails du voyage. La Pérouse lui-même ayant des doutes sur la faisabilité de ce projet, il suggère au roi de renoncer au projet ; comme le note un des amis du navigateur, « c’est Sa Majesté qui a choisi La Pérouse pour l’exécuter, il n’y a pas eu moyen qu’il s’en débarrassât »131.
Le programme de l’expédition est écrit de la main du roi. Le but est simple : faire le tour du monde en une seule expédition, en parcourant le Pacifique par la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le cap Horn et l’Alaska notamment, prendre contact avec les civilisations locales et les étudier, établir des comptoirs, et enfin étudier les données naturelles rencontrées. Pour cela, un important équipage de savants et de scientifiques prend part à l’expédition. Très précis sur ses instructions, Louis XVI autorise néanmoins La Pérouse « à faire les changements qui lui paraîtraient nécessaires dans les cas qui n’ont pas été prévus, en se rapprochant toutefois autant qu’il lui sera possible du plan qui lui est tracé »132.
L’expédition part de Brest le à bord de deux navires : La Boussole et L’Astrolabe. Le roi n’a plus de nouvelles régulières à partir du . On pense alors que l’équipage a été massacré par une peuplade de l’île de Vanikoroa 88.
En 1791, Louis XVI obtient de l’Assemblée constituante qu’une expédition soit envoyée à la recherche des marins et savants perdus. Cette nouvelle expédition, menée par Antoine Bruny d’Entrecasteaux, se révèle infructueuse. Sur le chemin le menant à l’échafaud, le roi aurait posé à son valet cette question : « A-t-on des nouvelles de La Pérouse ? »a 88.
Chasse
La chasse est un des loisirs préférés du roi ; à l’issue de chaque sortie, il note dans son carnet le bilan détaillé des pièces abattues par ses soins. C’est ainsi que l’on sait qu’il ne se passa « rien » le (c’est-à-dire qu’il ne réussit aucune prise), et qu’au bout de 16 ans de règne il aura inscrit à son tableau de chasse 1 274 cerfs et un total de 189 251 animaux abattus par lui seula 87
« Il aime avant tout la chasse. Comme son grand-père il a la chasse dans le sang. Il chasse cent dix-sept fois en 1775, cent soixante et une en 1780. Il voudrait bien sortir plus souvent – son grand-père, lui, sortait jusqu’à six fois par semaine – mais ce n’est pas possible à cause du travail et de toutes les exigences de son état. […] Il chasse à courre le cerf, le chevreuil et le sanglier. Il aime bien aussi les chasses au fusil (appelées « tirés ») pour les faisans, les bécassines et les lapins. En 1780, dans sa récapitulation de fin d’année, il dénombre 88 chasses du cerf, 7 du sanglier, 15 du chevreuil et 88 tirés. Toutes ces chasses sont de véritables hécatombes. le nombre des pièces varie de mille à mille cinq cents par mois. La plupart sont des volatiles, mais il n’est pas rare de prendre le même jour quatre ou cinq sangliers ou deux ou trois cerfs »133.
Lecture
Louis XVI lit beaucoup : en moyenne 2 ou 3 livres par semaine. Au cours des 4 mois passés à la Tour du Temple, il dévorera un total de 257 volumesa 87. Il maîtrise à merveille la langue britannique, lit quotidiennement la presse outre-manche et traduit intégralement en français Richard III d’Horace Walpole.
« Après la chasse, la lecture est l’occupation préférée du roi. Il ne peut pas vivre sans lire. Il est curieux de toute lecture. Il a constitué lui-même sa bibliothèque. […] Au premier rang de ses lectures favorites figurent les journaux »133.
Serrurerie et horlogerie
« De l’habileté manuelle de ce prince et de son goût pour la serrurerie et l’horlogerie, on a beaucoup parlé. […]. Lui plaît aussi beaucoup le dessin d’architecture »133.
Sciences
Comme son grand-père, il se passionne aussi pour la botanique »133. Il aime aussi se promener dans les combles du château de Versailles pour mieux admirer son parc et ses plans d’eau.
Le , il assiste au château de la Muette à l’envol de la première montgolfière, avec à son bord Jean-François Pilâtre de Rozier. Il assiste à un nouveau vol le , cette fois-ci depuis Versailles, où le ballon baptisé en l’honneur de la reine « La Marie-Antoinette », s’élève devant le couple royal et le roi de Suède, emmenant à son bord Pilâtre de Rozier et Joseph Louis Proust.
Rapports personnels avec Marie-Antoinette
En matière de politique étrangère, la reine a peu d’influence sur son époux malgré les pressions qu’elle exerce régulièrement sur lui. Dans une lettre écrite à Joseph II, elle déclare à celui-ci : « Je ne m’aveugle pas sur mon crédit, je sais que surtout pour la politique [étrangère], je n’ai pas grand ascendant sur l’esprit du Roi […] je laisse croire au public que j’ai plus de crédit que je n’en ai véritablement, parce que si on ne m’en croyait pas, j’en aurais moins encore »44.
Rapports à la franc-maçonnerie
L’historien Louis Amiable le confirme très clairement : « Le roi Louis XVI était franc-maçon »134.
Le naît à Versailles la loge maçonnique dite des « Trois Frères Unis ». Soulevant l’hypothèse probable selon laquelle les « trois frères » en question sont Louis XVI, Louis XVIII et Charles X, l’historien Bernard Vincent ne confirme cependant pas cette idée, mais admet qu’une loge établie à deux pas du château ne pouvait qu’avoir reçu l’assentiment du roia 89. Il rappelle par ailleurs qu’il a été retrouvé une médaille de Louis XVI datée du , renfermant le compas, l’échelle graduée, l’équerre, la poignée de truelle et le soleil. Enfin, pour consolider son avis sur les accointances du souverain avec les francs-maçons, Bernard Vincent rappelle que lorsque le roi se rend à l’Hôtel de ville de Paris pour adopter la cocarde tricolore, il est accueilli sur les marches par la « voûte d’acier », une double haie mécanique formée par les épées croisées des gardes nationaux et qui symbolise les honneurs maçonniquesa 90.
L’historien Albert Mathiez écrit quant à lui que « Louis XVI et ses frères, Marie-Antoinette elle-même, maniaient la truelle à la Loge des Trois Frères à l’Orient de Versailles »135. Selon Jean-André Faucher, Marie-Antoinette aurait eu cette phrase en parlant de la franc-maçonnerie : « Tout le monde en est136 ! »
Historiographie
Sous la phase jacobine de la Révolution française, Louis XVI est traité de « tyran » et considéré comme un traître à la patrie, jouant double jeu : il aurait fait semblant d’accepter les mesures de la Révolution française, pour sauvegarder sa vie et son trône, tout en souhaitant secrètement la guerre, de connivence avec les princes étrangers qui déclarent la guerre à la France révolutionnaire. De là naquit la tradition des « Clubs de la Tête de Veau » commémorant l’exécution de Louis XVI par des banquets où l’on mange de la tête de veau.
De son côté, le courant royaliste contre-révolutionnaire a dressé dès la même époque le portrait d’un « roi martyr », conservateur, très catholique, aimant son peuple mais incompris de lui.
Sur sa personnalité
En 1900, le leader socialiste Jean Jaurès, juge Louis XVI « indécis et pesant, incertain et contradictoire » . Il estime qu’il n’a pas compris la « révolution dont lui-même avait reconnu la nécessité et dont il avait ouvert la carrière » ce qui l’a empêché d’en prendre la tête pour former une « démocratie royale » car « il en était empêché par la persistance du préjugé royal ; il en était empêché surtout par le poids secret de ses trahisons. Car il ne s’était pas efforcé seulement de modérer la Révolution : il avait appelé l’étranger pour la détruire »138.
En 1922, Albert Mathiez le décrit comme un « gros homme, aux manières communes, [qui] ne se plaisait qu’à table, à la chasse ou dans l’atelier du serrurier Gamain. Le travail intellectuel le fatiguait. Il dormait au Conseil. Il fut bientôt un objet de moquerie pour les courtisans frivoles et légers »139.
Les historiens de la Révolution française du xxe siècle, Albert Soboul, Georges Lefebvre, Alphonse Aulard, Albert Mathiez, s’inscrivent dans la lignée jacobine qui considère que Louis XVI a trahi la Révolution française.
Un courant historiographique, de réhabilitation, place Louis XVI dans la filiation des Lumières. C’est par exemple la biographie de l’historien Jean de Viguerie (université de Lille) (Louis XVI le roi bienfaisant, 2003). Pour lui, « Nourri de Fénelon, ouvert aux Lumières, croyant que gouverner était faire le bien, Louis XVI, roi singulier, prince attachant, ne pouvait qu’être sensible à l’aspect généreux de 1789, puis choqué – voire révolté – par les dérives révolutionnaires. Roi bienfaisant, il fut emporté par une tourmente imprévisible, presque imparable »140.
Dans la même lignée se situe la biographie de l’écrivain Jean-Christian Petitfils (Louis XVI, 2005) pour qui Louis XVI est : « un homme intelligent et cultivé, un roi scientifique, passionné par la marine et les grandes découvertes, qui, en politique étrangère, joua un rôle déterminant dans la victoire sur l’Angleterre et dans l’indépendance américaine. Loin d’être un conservateur crispé, en 1787, il voulut réformer en profondeur son royaume par une véritable Révolution royale »141.
Pour le Dictionnaire critique de la Révolution Française de François Furet, Mona Ozouf (1989), les historiens « ont pu le peindre tantôt en roi sage et éclairé, désireux de maintenir le patrimoine de la couronne en conduisant les évolutions nécessaires, tantôt en souverain faible et imprévoyant, prisonnier des intrigues de cour, naviguant au jugé, sans pouvoir jamais peser sur le cours des choses. À ces jugements, il existe des raisons politiques, puisque le malheureux Louis XVI est pris au premier rang dans la grande querelle de l’Ancien Régime et de la Révolution ». François Furet croit en un double jeu du roi. En 2020, Aurore Chery souligne ce double jeu, mais pour lui conférer une politique républicaine secrète, à l’opposé de ce qui lui a toujours été attribué quant à un souhait de retour à l’Ancine Régime142.
Sur la fuite de Varennes
Dans l’article spécifique à l’épisode de Varennes, le paragraphe intitulé Controverses est consacrée au téléfilm Ce jour-là, tout a changé : l’évasion de Louis XVI, diffusé en 2009 sur France 2, dont le conseiller historique est l’écrivain Jean-Christian Petitfils. Il y est montré un Louis XVI, toujours très populaire en province, qui s’évade de la capitale où il est prisonnier pour organiser un nouveau rapport de forces avec l’Assemblée afin de proposer une nouvelle constitution, équilibrant mieux les pouvoirs.
Sur ses procès et exécution
Le procès de Louis XVI s’appuie principalement sur l’accusation de trahison envers la patrie. En 1847, Jules Michelet et Alphonse de Lamartine affirment que la monarchie fut correctement aboli en 1792 mais que l’exécution du roi sans défense était une erreur politique qui endommagea l’image de la nouvelle république143,144. Michelet, Lamartine et Edgar Quinet la comparèrent à un sacrifice humain et dénoncèrent le fanatisme des régicides143,144,145 Michelet dit que l’exécution créa un précédent pour la terreur146.
Les écrivains Paul et Pierrette Girault de Coursac estiment que la faute des liens de Louis XVI avec l’étranger revient à un parti réactionnaire qui menait la « politique du pire ». Leur ouvrage de réhabilitation de Louis XVI (Enquête sur le procès du roi Louis XVI, Paris, 1982) affirme que l’armoire de fer contenant la correspondance secrète du roi avec les princes étrangers aurait été fabriquée de toutes pièces par le révolutionnaire Roland pour accuser le roi. L’historien Jacques Godechot a vivement critiqué les méthodes et conclusions de cet ouvrage, estimant pour sa part que la condamnation de Louis XVI était inscrite d’office dans son procès, car le souverain déchu était traité comme un « ennemi à abattre » par les révolutionnaires147. Jean Jaurès avait reconstitué dans un chapitre de sa fresque « ce qu’aurait dû être la défense de Louis XVI ».
À l’international, certains historiens le comparent parfois à Charles Ier d’Angleterre et Nicolas II148,149 ; ces trois monarques ont chacun été victime de régicides, ont été en leurs temps accusés par leurs détracteurs de velléités absolutistes et ont lors des crises importantes auxquels ils ont été confrontés multiplié les maladresses, fait preuve de piètres qualités de négociateurs et se sont entourés de mauvais conseillers précipitant leur pays dans l’abîme, avant d’être remplacés par des dirigeants révolutionnaires rendus responsables d’expériences dictatoriales voire proto-totalitaires150,151.
Représentations dans la culture populaire
Filmographie
- 1916 : My Lady’s Slipper de Ralph Ince ; Louis XVI y est interprété par Joseph Kilgour
- 1922 : Marie Antoinette, das Leben einer Königin de Rudolf Meinert avec Viktor Schwannicke
- 1923 : L’Enfant-Roi de Jean Kemm avec Louis Sance
- 1924 : Janice Meredith d’E. Mason Hopper avec Edwin Argus
- 1925 : Madame Sans-Gène de Léonce Perret avec Louis Sance
- 1927 : Napoléon d’Abel Gance avec Jack Rye
- 1930 : Captain of the Guard de John S. Robertson ; Louis XVI y est interprété par Stuart Holmes
- 1931 :
- Danton de Hans Behrendt avec Ernst Stahl-Nachbaur
- Die Marquise von Pompadour de Willi Wolff avec Hans Rameau
- Un caprice de la Pompadour de Willi Wolff et Joe Hamman avec Jacques Christiany
- 1934 : Madame du Barry de William Dieterle avec Maynard Holmes
- 1938 :
- Marie-Antoinette de Woodbridge S. Van Dyke ; Louis XVI y est interprété par Robert Morley
- La Marseillaise de Jean Renoir ; Louis XVI y est interprété par Pierre Renoir
- Remontons les Champs-Élysées de Sacha Guitry ; Louis XVI y est interprété par Jean Hébey
- 1945 : The Fighting Guardsman de Henry Levin avec Lloyd Corrigan
- 1946 : L’affaire du collier de la reine de Marcel L’Herbier ; Louis XVI y est interprété par Jean Hébey
- 1954 : Si Versailles m’était conté… de Sacha Guitry ; Louis XVI y est interprété par Gilbert Bokanowski
- 1955 :
- Marie-Antoinette, reine de France de Jean Delannoy avec Jacques Morel
- Napoléon de Sacha Guitry ; Louis XVI y est interprété par Gilbert Bokanowski
- 1956 :
- Si Paris nous était conté de Sacha Guitry ; Louis XVI y est interprété par Gilbert Bokanowski
- Marie-Antoinette reine de France de Jean Delannoy ; Louis XVI y est interprété par Jacques Morel
- 1959 : John Paul Jones, maître des mers de John Farrow ; Louis XVI y est interprété par Jean-Pierre Aumont
- 1960 : La Fayette de Jean Dréville ; Louis XVI y est interprété par Albert Rémy
- 1970 : Commencez la révolution sans nous de Bud Yorkin ; Louis XVI y est interprété par Hugh Griffith
- 1975 : Marie-Antoinette de Guy Lefranc ; Louis XVI y est interprété par François Dyrek
- 1978 : On efface tout de Pascal Vidal ; Louis XVI y est interprété par Jacques Ardouin
- 1979 : La Nuit de l’été de Jean-Claude Brialy ; Louis XVI y est interprété par Henri Tisot
- 1981 : La Folle Histoire du monde de Mel Brooks ; Louis XVI y est interprété par Mel Brooks
- 1982 : La Nuit de Varennes d’Ettore Scola ; Louis XVI y est interprété par Michel Piccoli
- 1984 : Liberté, Égalité, Choucroute de Jean Yanne ; Louis XVI y est interprété par Michel Serrault
- 1988 :
- Chouans ! de Philippe de Broca ; Louis XVI y est interprété par Jean Zaluski
- Le Gerfaut de Marion Sarraut ; Louis XVI y est interprété par Vincent Solignac
- 1989 :
- L’Été de la révolution de Lazare Iglesis ; Louis XVI y est interprété par Bruno Cremer
- La Révolution française de Richard T. Heffron et Robert Enrico ; Louis XVI y est interprété par Jean-François Balmer
- Louis XVI, roi programmé de Patrick Le Gall, documentaire sur le parcours du monarque jusqu’à la Révolution et son image après sa mort
- 1995 : Jefferson à Paris de James Ivory ; Louis XVI y est interprété par Michael Lonsdale
- 1996 :
- Ridicule de Patrice Leconte ; Louis XVI y est interprété par Urbain Cancelier
- Beaumarchais, l’insolent d’Édouard Molinaro ; Louis XVI y est interprété par Dominique Besnehard
- 2005 : Marie-Antoinette minisérie d’Alain Brunard avec Michel Fau
- 2006 : Marie-Antoinette de Sofia Coppola ; Louis XVI y est interprété par Jason Schwartzman
- 2008 : Nicolas Le Floch de Jean-François Parot avec Louis Barraud
- 2009 : Ce jour-là, tout a changé : L’Evasion de Louis XVI, d’Arnaud Sélignac ; Louis XVI y est interprété par Antoine Gouy
- 2011 : Louis XVI, l’homme qui ne voulait pas être roi de Thierry Binisti ; Louis XVI y est interprété par Thierry Binisti
- 2012 : Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot ; Louis XVI y est interprété par Xavier Beauvois
- 2018 : Un peuple et son roi de Pierre Schoeller ; Louis XVI y est interprété par Laurent Lafitte
Télévision
L’émission Secrets d’histoire sur France 2 du , intitulée Louis XVI, l’inconnu de Versailles, lui était consacrée152.
Jeux vidéo
- Assassin’s Creed Unity : une mission se déroule notamment lors de son exécution.
Notes et références
Notes
- C’est le 8 octobre que fut proposé1 par les députés Fréteau et Mirabeau d’instaurer le titre de roi des Français à la place de celui de roi de France. L’Assemblée adopta2 cette nouvelle titulature le 10 octobre, et décida le 12 octobre que le souverain ne serait pas titré3 « roi des Navarrais » ni « des Corses ». Le roi commença à l’utiliser (orthographiée « roi des François ») dans ses lettres patentes à partir du 6 novembre4. Le , l’Assemblée décréta5 que son président devait demander au roi que le sceau de l’État porte la nouvelle titulature. Le nouveau sceau fut utilisé dès le 19 février, avec la formulation « Louis XVI par la grâce de Dieu et par la loy constitutionnelle de l’État roy des François ». Et l’Assemblée décida par décret6 du , que le titre de roi des Français serait désormais gravé sur les monnaies du royaume (où figurait toujours celui de roi de France et de Navarre : Franciæ et Navarræ rex).
- Il est suspendu le 10 août 1792.
- Ce prénom ne devient « officiel » que le jour de son baptême, à savoir le .
- « Ondoyé » et non « baptisé » (il le sera le 18 octobre 1761), l’ondoiement étant caractérisé par la seule ablution baptismale, en attendant de procéder plus tard aux autres cérémonies qui ont été omises. L’ondoiement était généralement conféré aux bébés en danger de mort ou ne pouvant pas être baptisés dans l’immédiat.
- Ce trait de caractère ne manqua pas d’étonner l’historien David Hume lors d’une visite à la cour en 1763. Il racontera plus tard que « le duc de Berry, l’aîné, un garçon de dix ans, s’avança et me dit combien j’avais d’amis et d’admirateurs dans ce pays, et qu’il se comptait parmi eux à cause du plaisir qu’il avait tiré de la lecture de beaucoup de passages de mes œuvres. »20.
- « Trempe d’esprit supérieure, discernement et justesse d’esprit – éclairé, point dévot de complexion – fier, fermé, subordonné, équitable, bon par raison et non par faiblesse, économe, solide, ne s’amusant point d’enfantillage, né pour aimer 20 millions d’hommes et non 5 ou 6 personnes. »22.
- L’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche ne voulait pas que le mariage fût annulé pour non-consommation, car cette union somme toute politique était importante à ses yeux.
- Marie-Antoinette ne fut pas inoculée puisqu’elle avait déjà subie une attaque bénigne à Vienne et était donc immunisée.
- Il envoie l’ordre suivant au duc de la Vrillière, ministre de la maison du roi : « Il est nécessaire, comme elle sait beaucoup de choses, qu’elle soit enfermée, plus tôt que plus tard. Envoyez-lui une lettre de cachet pour qu’elle aille dans un couvent de province et qu’elle ne voie personne. Je lui laisse le choix de l’endroit et de la pension pour qu’elle vive honnêtement. »41.
- À qui Louis XVI, encore dauphin, avait écrit en 1770 à la suite de la catastrophe du 30 mai, quelques jours après son mariage. Cf. supra.
- C’est par ce mode de désignation que l’assemblée des notables se distingue des États généraux.
- Et notamment Pierre Lafue, Jean-François Chiappe, Bernard Faÿ et Éric Le Nabour. Bernard Vincent (op. cit.) s’interroge quant à lui en ces termes : « Comment se peut-il qu’un monarque absolu, qui plus est catholique et de droit divin, ait tout fait – achevant par là même de ruiner les finances de son pays – pour que les Américains en révolte, majoritairement protestants de surcroît, puissent (1) rompre le lien colonial les unissant à l’Empire britannique, (2) proclamer leur indépendance, (3) rejeter la monarchie, (4) devenir une république et même jeter les premières bases d’un régime démocratique ? ».
- Un témoin de la Fête raconte : « S’il avait eu du caractère, le roi aurait pu se placer à la tête des fédérés, qui étaient si bien disposés pour lui qu’un simple mot, un seul signe, aurait suffi à les rallier autour et à faire d’eux des instruments dociles de l’autorité royale. »94.
- On remarque que 361 est une voix de plus que la somme des autres votes exprimés : ce qui peut être l’origine de la rumeur souvent colportée (par exemple sur Herodote.net [archive]) que le roi n’aurait été condamné qu’à une seule voix de majorité. Pourtant les votes avec réserve de l’amendement de Mailhe n’étaient pas tous opposés à l’exécution, ainsi que le montre le vote suivant qui dégage une majorité définitive de 70 voix pour l’exécution sans délai.
- Louisquatorzienne : adjectif, s’écrit soit d’un seul mot ou avec un tiret entre louis et quatorzienne128.
- L’historien Bernard Faÿ raconte que le roi s’est une seule fois laissé à jouer avec la reine et d’autres courtisans, mais y perdit dans la même partie la somme de 60 000 livres. Il jura alors de ne plus s’adonner aux jeux d’argent129.
Références
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- Collection générale des loix, proclamations, instructions, et autres actes du pouvoir exécutif, t. 1, 1re partie, p. 321 sur Google Livres.
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- Revue des questions historiques, volume 122, 1935, page 237 : « Sylvain-Léonard de Chabannes, 1760-1812, fils de Louis et de Françoise Léonarde Galland (contr. mar. 8 février 1717), prieur de la Mure, chanoine de Vienne, vicaire-général de Clermont en 1750, aumônier du roi en 1753, ondoye à ce titre le duc de Berry, futur Louis XVI, le 23 août 1754 ; abbé de la Creste, dioc. de Langres, le 10 octobre 1757 ; vicaire général de Clermont en 1760, abbé de Benévent en 1766 ; décédé à Fresselines, Creuse, le 22 avril 1812. (Cf. Beyssac, les Chanoines de l’Église de Lyon, p. 240-241) »
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- de Viguerie 2003, 4e de couverture..
- Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Perrin, 2005, 4e de couverture.
- Aurore Chery, L’intrigant : nouvelles révélations sur Louis XVI, Paris, Flammarion, 2020.
- Jules Michelet, Histoire de la Révolution française, 1847
- Alphonse de Lamartine, Histoire des Girondins 1847
- Edgar Quinet, La Révolution, 1865
- Paul Viallaneix, La Voie royale, p. 331, 1971
- Jacques GodechotAnnales historiques de la Révolution française [archive], 1983, volume 254, no 254, p. 643-645.
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- Guillaume Perrault, « Gueniffey : «Robespierre incarne d’une façon chimiquement pure l’idée de la table rase» », Le Figaro, (lire en ligne [archive] , consulté le ).
- « Secrets d’Histoire – Louis XVI, l’inconnu de Versailles » [archive], sur Le Figaro (consulté le )
Annexes
Articles connexes
- Événements de sa vie
- Chronologie de la France sous Louis XVI
- Ministres de Louis XVI
- Convocation des états généraux de 1789 et États généraux de 1789
- Journées des 5 et 6 octobre 1789
- Constitution du 3 septembre 1791
- Fuite de Louis XVI et arrestation à Varennes ()
- Journée du 10 août 1792
- Procès de Louis XVI
- Testament de Louis XVI
- Exécution de Louis XVI
- Clubs de la Tête de Veau, en commémoration de la mort de Louis XVI
- Versailles
- Contexte
- Agathe de Rambaud, berceuse des enfants de France
- Bourbons
- Prétendants au trône de France depuis 1830
- Révolution française
- Société d’Ancien Régime
- Style Louis XVI
Bibliographie
Le symbole renvoie aux ouvrages utilisés pour la rédaction de cet article.
Ouvrages d’histoire
Anglais
- Jean-Baptiste Cléry, A Journal of Occurrences at the Temple, During the Confinement of Louis XVI, King of France, (1798) [lire en ligne [archive]].
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Français
- Paul et Pierrette Girault de Coursac, Mémoires relatifs à l’histoire de France pendant le 18e siècle, no 9, Paris, 1847, 475 p.
- Augustin Cabanès, Le Cabinet secret de l’Histoire, nouvelle édition, 2e série, Paris, Albin Michel, 1938.
- Claude Goyard (présenté par), Jean Imbert (sous la préśidence de) et Georges Flécheux (sous la preśidence de), Le bicentenaire du procès du Roi : actes du colloque, Sénat, 8 janvier, Palais de justice, 9 janvier 1993, Paris, Éditions F.-X. de Guibert, , 219 p. (ISBN 978-2-86839-310-4, OCLC 2868393101).
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- Pierre Lafue, Louis XVI : L’Échec de la révolution royale, Hachette, , 295 p.
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- Mona Ozouf, Varennes : la mort de la royauté, 21 juin 1791, Paris, Gallimard, coll. « Journées qui ont fait la France », , 433 p. (ISBN 978-2-07-077169-1, OCLC 300401914).
- Jean-Christian Petitfils, Louis XVI, Paris, Perrin, , 1114 p. (ISBN 978-2-262-01484-1, OCLC 319878976).
- Timothy Tackett (trad. Alain Spiess, préf. Michel Vovelle), Le roi s’enfuit : Varennes et l’origine de la Terreur, Paris, Éd. La Découverte, , 285 p. (ISBN 978-2-7071-4238-2, OCLC 56619793) (édition américaine : Harvard UP, 2003).
- Etienne Taillemite, Louis XVI, ou, Le navigateur immobile, Paris, Payot, , 265 p. (ISBN 978-2-228-89562-0, OCLC 51848819).
- Jean de Viguerie, Louis XVI : le roi bienfaisant, Monaco, Rocher, , 439 p. (ISBN 978-2-268-04506-1, OCLC 52510024).
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- Pierre Ladoue, Les Panégyristes de Louis XVI et de Marie-Antoinette (1793-1912). Essai de bibliographie raisonnée, Paris, 1912, XXVII-216 p.
- Les archives du régime royal constitutionnel [archive] sont conservées aux Archives nationales (France).
Monnaies (13578) > Jetons & Médailles (2093) > Médailles de Louis XVI (10)
MÉDAILLES DE LOUIS XVI MARIAGE DU DAUPHIN (FUTUR LOUIS XVI) 16 MAI 1770 ARGENT 41MM TTB+/SUP
Style Renaissance
La Renaissance fut une révolution touchant simultanément les arts, les sciences, la philosophie, l’organisation de la société. Elle débute au début du xve siècle en Italie. Les idées de la Renaissance se propageront dans de nombreux pays d’Europe, surtout à partir du xvie siècle. En France, la Renaissance se développe en quatre phases originales prenant naissance dès la fin du règne de Charles VIII (à partir de 1495) et s’achevant progressivement alors que survient la mort de Henri IV (1610)1.
Le terme de Renaissance fut utilisé par Giorgio Vasari au xvie siècle pour désigner la modification de l’art et des modes de pensée au cours des xve et xvie siècles en Italie. L’Italie, à cette époque, se détourne du Moyen Âge et prend pour modèle l’Antiquité.
Segmentations en Histoire des arts
L’Italie
En Italie, on divise le style Renaissance en siècles :
- Le Trecento et la pré-Renaissance italienne, période de la fin du style byzantin et du pouvoir affirmé de Florence.
- Le Quattrocento ou xve siècle avec la construction de la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, commencée par Arnolfo di Cambio au xiiie siècle. Elle sera finie par Filippo Brunelleschi (1377-1446), et sa chapelle des Pazzi en 1429, mais aussi le palais Médicis (1444-1464) de Bartolomeo di Michelozzo.
- Avec le Cinquecento commence une tendance classique dès le début du xvie siècle avec Bramante en architecture et Léonard de Vinci et Raphaël en peinture. Ces artistes font montre de rigueur mathématique avec de grands progrès dans les domaines de la perspective, de la composition rigoriste et de la recherche de la perfection. L’homme devient le mètre-étalon et tout est créé pour lui et sa vision du monde.
Estimant que la perfection est atteinte, les artistes qui leur succèdent changent de voie et c’est l’apparition de la tendance maniériste beaucoup plus théâtrale : les formes sont exagérées et les décors surchargés; on parle même de peur du vide.
- Segmentations équivalentes aux suivantes en Histoire de l’art italien :
- Première Renaissance (Quattrocento)
- Haute Renaissance (1500-1530)
La France : les quatre phases de la Renaissance (1495- début du XVIIe siècle)
La Renaissance en France se décompose en quatre parties. Le premier acte est le Style Louis XII (1495-1530 environ) formant la transition entre le style gothique et la Renaissance. Ce premier style fléchit pourtant dès 1515, surtout dans le Val de Loire, où la pleine acceptation de la Renaissance italienne se fait sentir plus rapidement. Comme en Italie, trois phases se démarquent alors jusqu’au début du XVIIe siècle, une Première puis une Seconde Renaissance française s’achevant avec le Maniérisme2.
À chaque étape de son développement, l’art de la Renaissance française est resté un art original, né d’une rencontre entre les modèles italiens, des artistes flamands et les particularités françaises. Les modèles ont pourtant beaucoup changé entre 1495 et 1610 puisque les Français ont admiré successivement l’art de la fin du Quattrocento, celui de la Haute Renaissance puis du Maniérisme2. De ces rencontres successives est issue une production artistique foisonnante, désordonnée, parfois difficile à saisir. Lorsqu’on en fait le bilan, deux faits essentiels apparaissent : L’art français « moderne » a pris forme à travers les grandes œuvres du milieu du xvie siècle tandis qu’autour du château royal de Fontainebleau, « véritable nouvelle Rome », est née sous la volonté du roi François Ier un centre artistique majeur, qui fut le seul en Europe à pouvoir rivaliser avec les grands centres italiens et que l’on appellera l’École de Fontainebleau.
La situation nouvelle ainsi créée commande l’avenir : Elle annonce l’affirmation d’un style « national » au milieu du XVIIe siècle et le futur rôle joué par Versailles.
Styles précédents ou préexistants
Le style Renaissance tourne résolument le dos au style médiéval. Même si l’on conserve certains meubles gothiques, pour leur utilité, les ornements classiques issus de la Renaissance italienne viennent s’y greffer.
Esthétique
Principales caractéristiques
- le style Renaissance reprend les cinq ordres classiques d’architecture gréco-romaine (dorique, toscan, ionique, corinthien et composite)
- aux colonnes dégagées ou engagées, on ajoute les pilastres qui n’ont qu’une fonction décorative.
- décoration foisonnante : les motifs rappellent des scènes d’époque ou bien s’inspirent de la mythologie.
Ornementation
- Le balustre
- Les rinceaux : enroulements d’acanthes contrariés et alternés, plus légers que ceux de l’Antiquité
- Les Putti : angelots ou figures dérivés de Cupidon
- Encadrements architecturaux
- Le tondo : tableau de forme ronde ou médaillon
- L’arabesque : composition florale symétrique de feuillages légers autour d’un motif central, souvent une tige très fine, un ruban noué, une vasque ou un candélabre
- Les grotesques : sans symétrie, contrairement aux arabesques, elles peuvent comporter des motifs animaliers ou mythiques, elles sont aussi souvent plus légères. En France on parlera plus souvent de grotesques plutôt que d’arabesques.
- Le mascaron
- La coquille, motif de décoration en demi-coupole sans rapport avec la coquille Saint-Jacques.
Mobilier
Le mobilier italien emprunte ses formes à l’architecture antique : fronton, entablement, colonne, pilastre, arcade, … Les motifs ornementaux sont variés : putti, mascarons, cartouches, cuirs découpés, médaillons, miroirs, guirlandes, rubans noués, entrelacs, corbeilles de fleurs et de fruits, chutes de piastres, …
Meubles courants
- Le coffre : il est souvent offert à l’occasion des mariages et reste l’essentiel du mobilier. Il porte le nom de cassone en Italie. Le bâti du coffre reste le même qu’au Moyen Âge assemblé par queue d’aronde, mais la façade évolue. Les pinacles sont remplacés par des balustres avec insertion de médaillons, de grotesques et d’arabesques, de rinceaux et de coquilles.
- Le cabinet est le meuble de rangement pour objets précieux. Il est composé de deux corps.
- Le dressoir : il sert à exposer la vaisselle chez les riches propriétaires.
- La table est la copie de la table romaine. Elle est formée d’un plateau rectangulaire supporté par deux pieds extrêmes, reliés par une entretoise. Le plateau est souvent orné de marbres et de pierres de couleur. Vers la fin du xvie siècle, on exécute des tables à 6, 8 ou 9 pieds. Le dessus dissimule deux volets coulissants permettant d’en augmenter la surface (tirettes).
- Les pendules
Les sièges
- La chaise à haut dossier : cette chaise monumentale possède souvent un fronton. Elle contient un coffre dans son assise mais perd son dais. Le dossier est formé par des planches jointes sur lesquelles se développe une ornementation.
- Applications collées : corniches, plinthes, chapiteaux.
- Le fenestrage est remplacé par des rinceaux et le couronnement fait référence aux arts gréco-romains, par un entablement se terminant par une corniche et une architrave. On retrouve souvent, sur la partie haute du dossier, un motif en forme d’écusson ou un miroir (sorte de cercle bombé en bois poli).
- La sedia dantesca : fauteuil en X fait de quatre montants qui se croisent deux par deux en formant l’arc brisé du gothique; cet arc supporte le siège constitué d’une large sangle de cuir. Un dossier droit, deux accotoirs et deux patins lui donnent l’aspect d’un faudesteuil.
- La sedia savonarola (ou fauteuil en tenailles) : fauteuil en X issu du faudesteuil médiéval. Il est constitué de huit montants parallèles affectant un mouvement de contre-courbe formant un arc en accolade. Le dossier caractérisé par une découpe très sinueuse est souvent orné, en son centre par un écusson.
Nouveaux meubles
- Le sgabello : siège mobile tout à fait caractéristique de la Renaissance italienne. Il apparaît dès le xve siècle. Le sgabello se caractérise par le curieux assemblage de deux planches, légèrement inclinées vers le siège muni d’un dossier trapézoïdal. La décoration de ce siège est faite de mascarons, de volutes et de découpures.
- La chaise à bras : le dossier ne dépasse plus la tête, souvent garnie de coussins mobiles; à la fin du xvie siècle, elle sera recouverte de cuir, de tapisserie à gros points ou de damas de Naples et même de satin. Au xviie siècle, elle prendra le nom de fauteuil, sauf à la cour où elle prendra le nom de chaise. Elle est souvent associée au Style Henri II.
- La caquetoire : réservée aux femmes, elle a une assise trapézoïdale fixe ou à pivot. Du point de vue du confort, elle marque un progrès dans la mesure où elle permet aux femmes de s’installer de façon confortable malgré leurs amples jupons, et de s’adosser sur son dossier incliné en arrière. Elle est aussi plus légère car les pieds ne sont reliés que par des traverses ou par une entretoise en H, elle est donc facile à déplacer pour les besoins de la conversation, d’où son nom.
- Le fauteuil à haut dossier : il apparaît en Italie durant la première moitié du xvie siècle puis se développe très rapidement dans toute l’Europe. Le siège, tout comme le dossier, est fait de cuir gaufré, piqué de gros clous dorés. Sous le siège, deux bandeaux sculptés forment la décoration.
Matériaux
Les matériaux utilisés dans cette période sont la pierre pour les châteaux et les habitations des classes moyennes.
Techniques et outillage
- Le garnissage
- Pour les sièges, les surfaces dures en bois naturel seront progressivement remplacées par une garniture de cuir, de tapisserie ou de tissu fin. Tendu sur des sangles et rembourré de feutre.
- La marqueterie
La tarsia geometrica :
La tarsia geometrica est une technique de frisage datant du XVIIe siècle. À cette époque, les petits coffrets en bois étaient recouverts de formes géométriques et rectilignes sur toute sa surface. Cette technique était utilisée pendant le règne de Louis XIV et de Louis XV.
La tarsia a toppo :
La tarsia a toppo ou marqueterie à bloc permet de créer des filets mesurant entre 1 mm et 3 mm de large.
Pour la création du bloc, les feuilles de plaquages sont collées entre elles, celles-ci sont mises sous presse.
Le bloc est tranché jusqu’à épuisement. Les filets simples ou composés permettent d’encadrer et de ramener les yeux de l’observateur au centre de la marqueterie.
- Technique « mauresque »
Cette technique consiste à faire des incisions profondes que l’on remplit de filets de pâte blanc ivoire dits à « la mauresque » ou « mauresque blanche » ; les motifs préférés sont les enroulements de rinceaux très fins.
Ébénistes représentatifs du style
Hugues Sambin (Bourgogne)
Notes et références
- Le style Renaissance
- Robert DUCHER (photogr. Pierre Devinoy), Caractéristiques des styles, Paris, FLAMMARION Editeur, , 410 p. (ISBN 9782080113597), p80.
Articles connexes
Génériques
L’Italie :
La France :
Spécifiques
L’architecture :
Le mobilier :
Le théâtre :
La musique:
La Religion :
Renaissance française
Pour les articles homonymes, voir Renaissance (homonymie).
La Renaissance française est un mouvement artistique et culturel situé en France entre le milieu du xve siècle et le début du xviie siècle. Étape de l’époque moderne, la Renaissance apparaît en France après le début du mouvement en Italie et sa propagation dans d’autres pays européens.
Comme en Italie, ses traits caractéristiques sont la soif de vivre, la confiance en l’Homme, l’appétit du savoir, l’esprit de libre examen. Ce mouvement remet en cause les mentalités du Moyen Âge et recherche de nouvelles formes de vie et de civilisation. En effet, les possibilités de diffusion de l’information par l’imprimerie, et la découverte d’un nouveau monde au-delà de l’Atlantique, modifient profondément la vision du monde des hommes de cette époque1.
La Renaissance française est le temps des peintres, des sculpteurs qui sont employés par les rois dont les plus emblématiques de la période sont François Ier et Henri II. C’est l’époque de Léonard de Vinci qui finit sa vie au Clos Lucé, mais aussi de la création de l’École de Fontainebleau et de l’arrivée des Médicis à Paris au xvie siècle2.
La Renaissance en France se décompose en quatre parties. Le premier acte est le style Louis XII (1495-1530 environ) formant la transition entre le style gothique et la Renaissance. Ce premier style fléchit pourtant dès 1515, surtout dans le Val de Loire, où la pleine acceptation de la Renaissance italienne se fait sentir plus rapidement. Comme en Italie, trois phases se démarquent alors jusqu’au début du xviie siècle, une Première puis une Seconde Renaissance française s’achevant avec le Maniérisme3.
Date de la Renaissance française
La fin de la guerre de Cent Ans marque l’installation du pouvoir royal dans le val de Loire, et le début de la construction des premiers châteaux résidentiels. Charles VII et Louis XI ordonnent ou favorisent l’installation des premiers châteaux de la Loire, ainsi dès 1453 le corps de logis principal du château de Montsoreau est construit par Jean II de Chambes4. L’italianisme existe depuis longtemps en France avec Plutarque dans la littérature, Jean Fouquet en peinture ou Laurana à Marseille en architecture5, mais ce sont surtout les guerres d’Italie de Charles VIII et de Louis XII qui mettent la France en rapport avec la renaissance des arts se déroulant alors en Italie. Si l’art gothique ne meurt pas immédiatement, à l’arrivée des premiers artistes italiens à Amboise, en 1495, il n’en donne pas moins des signes de décadence3. Malgré quelques beaux succès, dans la 1re moitié du xvie siècle, le processus transitoire du Style Louis XII3,6 impose peu à peu les formes de la Première Renaissance7. À partir des années 1515, les formes gothiques se diluent alors progressivement dans le decorum italien8.
Malgré ces survivances, le coup fatal sera donné en 1526, avec la création par François Ier, de l’École de Fontainebleau : Cette nouvelle vague d’artistes italiens, plus nombreux qu’auparavant, va avoir une grande influence sur l’art français, en créant une véritable rupture de par les innovations de ces artistes aussi bien dans la décoration intérieure, que dans l’application plus savante des ordres antiques en architecture. Les architectes qui à l’époque du style Louis XII et de la Première Renaissance, étaient des maîtres-maçons traditionnalistes et plein de verve, sont à partir des années 1530 des savants et des lettrés.
L’année 1530 correspondant ainsi à un véritable tournant stylistique, généralement considéré comme la fin du style Louis XII3,6, qui avait renouvelé dès 1495 la structure médiévale grâce aux apports italiens5, et comme une acceptation définitive de la Renaissance en France, apparue progressivement vers 15153,6.
Si l’amorce de ce mouvement est bien marquée, la fin de la période est en revanche sujet de discorde : l’édit de Nantes de 1598, qui marque la fin des guerres de religion, est souvent considéré comme la fin de la Renaissance, mais certains historiens arrêtent la période dès le début de la première guerre de religion, avec le massacre de Wassy en 1562 ; d’autres arrêtent la période avec l’assassinat d’Henri IV en 1610.
D’une manière générale l’Europe se pacifie considérablement après la bataille de Nancy en 1477, qui éradique la possibilité d’émergence d’un état puissant entre royaume de France et Saint-Empire romain germanique. Cette période de paix est favorable à la création artistique, c’est à ce moment qu’apparait une première Renaissance Lorraine (palais ducal de Nancy) dont l’âge d’or sera le règne du duc Charles III de Lorraine avec la création de l’université de Pont-à-Mousson ainsi que l’édification de la ville-neuve de Nancy, œuvre urbanistique originale puisqu’elle établit une nouvelle ville juste à côté de la ville médiévale. La Renaissance dans le duché de Lorraine prendra fin avec la guerre de Trente Ans (1618)9.
Renforcement de la monarchie : la souveraineté
En France, la Renaissance a ceci de spécifique que, après le règne centralisateur de Louis XI, le pouvoir du roi s’accentue sur ses vassaux. On passe progressivement d’un régime de suzeraineté à un régime de souveraineté10.
En fait, l’évolution des techniques de guerre a une influence indirecte sur ce changement. La défense des châteaux forts devient progressivement inefficace du fait de l’invention de nouvelles armes de guerre à plus longue portée (bombarde), de sorte qu’il faut imaginer de nouveaux systèmes défensifs.
L’inefficacité de l’armée française pendant certains épisodes de la guerre de Cent Ans (bataille d’Azincourt, 1415, notamment) est révélatrice de ce changement3.
Les seigneurs féodaux dont les « privilèges » dans la société médiévale sont compensés par leur responsabilité sur la population environnante en cas d’agression de la communauté locale, n’ont plus le même rôle. Ils prirent des responsabilités militaires au niveau « national » et non plus local (en langage moderne), conservant néanmoins leurs privilèges10.
La hiérarchie des suzerainetés s’en trouve bouleversée. Il faut donc redéfinir les responsabilités réciproques du monarque, devenu le garant de la sécurité du pays unifié. Le principal théoricien de la définition du principe de souveraineté est Jean Bodin10.
François Ier est ainsi l’un des premiers monarques français, au sens propre du terme (dans le système féodal, les rois sont suzerains de leurs vassaux, qui prêtaient serment d’allégeance). On ne voit apparaître l’absolutisme, à proprement parler, qu’avec Henri IV, dont les responsabilités sont accrues à la suite de l’édit de Nantes (1598), et surtout avec Louis XIII (sous l’influence très forte de Richelieu), et avec Louis XIV, appuyé sur ce point par Bossuet1.
Les quatre phases de la Renaissance française (1495- début du xviie siècle)
La Renaissance en France se décompose en quatre parties. Le premier acte est le Style Louis XII (1495-1530 environ) formant la transition entre le style gothique et la Renaissance. Ce premier style fléchit pourtant dès 1515, surtout dans le Val de Loire, où la pleine acceptation de la Renaissance italienne se fait sentir plus rapidement. Comme en Italie, trois phases se démarquent alors jusqu’au début du xviie siècle, une Première puis une Seconde Renaissance française s’achevant avec le Maniérisme3.
À chaque étape de son développement, l’art de la Renaissance française est resté un art original, né d’une rencontre entre les modèles italiens, des artistes flamands et les particularités françaises. Les modèles ont pourtant beaucoup changé entre 1495 et 1610 puisque les Français ont admiré successivement l’art de la fin du Quattrocento, celui de la Haute Renaissance puis du Maniérisme3. De ces rencontres successives est issue une production artistique foisonnante, désordonnée, parfois difficile à saisir. Lorsqu’on en fait le bilan, deux faits essentiels apparaissent : L’art français moderne a pris forme à travers les grandes œuvres du milieu du xvie siècle tandis qu’autour du château royal de Fontainebleau, « véritable nouvelle Rome », est née sous la volonté du roi François Ier un centre artistique majeur, qui fut le seul en Europe à pouvoir rivaliser avec les grands centres italiens et que l’on appellera l’École de Fontainebleau.
La situation nouvelle ainsi créée commande l’avenir : Elle annonce l’affirmation d’un style « national » au milieu du xviie siècle et le futur rôle joué par Versailles.
Le style Louis XII : transition entre Art Gothique et Première Renaissance (1495 à 1525/1530)
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Aile Louis XII du château de Blois (1498-1503).
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Le Pilier Saint Jacques (Gisors, début xvie siècle).
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Mise au tombeau du Christ, abbaye de Solesmes.
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Escalier de l’aile Longueville du château de Châteaudun (1491-1518).
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Partie centrale du château de Fontaine-Henry (vers 1500).
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Château de Maintenon (1505).
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L’escalier, Chaumont-sur-Loire (1498-1510).
Le style Louis XII (1495 à 1525/1530)3,6, est un style de transition, un passage très court entre deux époques éblouissantes, la période Gothique et la Renaissance. Il qualifie une époque où l’art décoratif partant de l’arc ogival et du naturalisme gothique s’acheminera vers le plein cintre et les formes souples et arrondies mêlées de motifs antiques stylisés typiques de la Première Renaissance : il y a encore beaucoup de gothique au château de Blois, il n’y en a plus au tombeau de Louis XII à Saint-Denis6.
Dès 1495, une colonie d’artistes italiens fut installée à Amboise et travailla en collaboration avec des maîtres maçons français. Cette date est généralement considérée comme étant le point de départ de ce nouveau mouvement artistique. D’une façon générale, la structure reste française, seul le décor change et devient italien5. Il serait regrettable pourtant de déterminer ce nouveau style au seul apport italien : Des relations existent entre la production architecturale française et celle du platéresque espagnol11 et l’influence du Nord, surtout d’Anvers est notable aussi bien dans les arts décoratifs que dans l’art de la peinture et du vitrail12.
Les limites du Style Louis XII sont assez variables, en particulier lorsqu’il s’agit de la province en dehors du Val de Loire. Outre les dix-sept années du règne de Louis XII (1498-1515), cette période comprend la fin du règne de Charles VIII et le commencement de celui de François Ier, faisant débuter le mouvement artistique en 1495 pour le faire s’achever vers 1525/15306 : L’année 1530 correspondant à un véritable tournant stylistique, qui faisant suite à la création par François Ier, de l’École de Fontainebleau, est généralement considérée comme la pleine acceptation du style Renaissance5,6.
Dans les travaux décoratifs de la fin de la période de Charles VIII, on observe une tendance bien marquée à se séparer de l’arc ogival pour se rapprocher du plein cintre. L’influence des réalisations de Bramante à Milan pour Ludovic Sforza est perceptible dans la partie inférieure de l’aile Charles VIII au château d’Amboise5 : si la partie supérieure du bâtiment est gothique, la façade du promenoir des gardes présente telle une loggia, une série d’arcades en plein cintre qui marque des travées rythmées de pilastres lisses. En général, les formes ornementales n’ont déjà plus la gracilité particulière de l’époque ogivale, le rythme des façades s’organise de façon plus régulière avec la superposition des ouvertures en travées et la coquille, élément important de la décoration Renaissance, fait déjà son apparition.
Cette évolution est particulièrement perceptible au château de Meillant dont les travaux d’embellissement voulus par Charles II d’Amboise débutent dès 1481 : si la structure est restée pleinement médiévale, la superposition des fenêtres en travées reliées entre-elles par un cordon à pinacles, annonce le quadrillage des façades sous la Première Renaissance. De même, on remarque l’entablement à oves classique surmonté d’une balustrade gothique et le traitement en Tempietto de la partie haute de l’escalier hélicoïdal avec sa série d’arcatures en plein cintre munies de coquilles13.
Si à la fin du règne de Charles VIII, l’apport d’ornements italiens viennent enrichir le répertoire flamboyant, il y a désormais sous Louis XII toute une école française qui s’ouvre à l’italie avec de nouvelles propositions, établissant ainsi les principes d’un style de transition6.
En sculpture l’apport systématique d’éléments italiens voire la réinterprétation « gothique » de réalisations de la renaissance italienne est manifeste au Saint sépulcre de Solesmes où la structure gothique reprend la forme d’un arc de triomphe romain flanqué de pilastres à candélabres lombards. Les feuillages gothiques désormais plus déchiquetés et alanguis comme à l’hôtel de Cluny de Paris, se mêlent à des tondi avec portraits d’empereurs romains au château de Gaillon5.
En architecture, l’utilisation de la « brique et pierre », pourtant présente sur les édifices dès le xive siècle, tend à se généraliser (château d’Ainay-le-Vieil, Aile Louis XII du château de Blois, l’hôtel d’Alluye de Blois). Les hauts toits à la française avec tourelles d’angles et les façades à escalier hélicoïdal font perdurer la tradition mais la superposition systématique des baies, le décrochements des lucarnes et l’apparition de loggias influencées de la villa Poggio Reale et du Castel Nuovo de Naples sont le manifeste d’un nouvel art décoratif où la structure reste pourtant profondément gothique. La propagation du vocabulaire ornemental venu de Pavie et de Milan a dès lors un rôle majeur tout en étant ressentie comme l’arrivée d’une certaine modernité14.
Dans cet art en pleine mutation, les jardins deviennent plus important que l’architecture : L’arrivée à Amboise d’artistes italiens dont Pacello da Mercogliano fut à l’origine sous Charles VIII de la création des tout premiers jardins de la Renaissance française grâce à de nouvelles créations paysagistes, l’installation d’une ménagerie et des travaux d’acclimatation agronomique conduites à partir de 1496 aux « Jardins du Roy » alors situés au sein du domaine royal de Château-Gaillard15. En 1499, Louis XII confia la réalisation des jardins du château de Blois à la même équipe qui fut engagée par la suite par Georges d’Amboise pour réaliser des parterres sur différents niveaux sous son château de Gaillon16.
En conclusion, le style Louis XII montre que l’on veut désormais autant étonner les français que les italiens : C’est à partir de la fantaisie avec laquelle sont incorporées les nouveautés italiennes dans les structures encore toutes médiévales françaises que naîtra vers 1515/1520 la Première Renaissance14.
La Première Renaissance (1515 à 1530/1540)
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Château de Chambord (1519-1559).
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Château d’Azay-le-Rideau (1518-1523).
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L’aile François Ier du château de Blois (1514-1527).
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La façade des loges du château de Blois (1514-1527).
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Château de Chenonceau (1515-1522).
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Cour ovale du château de Fontainebleau (1527).
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Château de Madrid (1528-1540).
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Colonnes-candélabres et voûte surbaissée à l’hôtel de Bernuy à Toulouse (1530-1536).
Tout comme la période précédente, la manifestation la plus évidente de la Première Renaissance en France s’exprime par l’édification de châteaux résidentiels non seulement dans le Val de Loire et l’Île-de-France mais également dans certaines provinces plus au sud comme le Berry, le Quercy et le Périgord (châteaux d’Assier et de Montal) qui, après s’être remises des séquelles de la guerre de Cent Ans, voient leurs grandes familles s’endetter sur plusieurs générations afin de moderniser les structures médiévales préexistantes8.
Pour autant c’est bien en Touraine que seront édifiés les plus grands châteaux de la Première Renaissance française.
Si à partir de la fin du xve siècle, le processus transitoire du Style Louis XII, impose peu à peu les formes de la Première Renaissance7, à partir des années 1515/1520, l’arrivée d’une nouvelle vague d’artistes italiens, plus nombreux qu’auparavant, va avoir une grande influence sur l’art français, en créant une véritable rupture : Les formes gothiques finissent par se diluer progressivement dans le decorum italien6. Cette évolution est particulièrement sensible au portail de l’Église Saint-Maurille de Vouziers, où une ornementation classicisante vient masquer la structure encore gothique8.
Contrairement à la période précédente, le principal protagoniste n’est plus l’entourage du roi mais bien François Ier, lui-même qui, se comportant en monarque humaniste, devient l’un des acteurs primordial de cette évolution stylistique1. En s’imposant dans les arts, il se veut alors mécène et guide de son peuple et de la chrétienté, sans pour autant renier son rôle militaire1.
C’est ainsi qu’il fait appel à des artistes italiens pour la construction de ses châteaux3. Ces artisans lettrés auront alors une grande aura sur les maîtres maçons français : L’architecte présumé de Chambord, Domenico Bernabei da Cortona aurait ainsi été surnommé « Boccador », bouche d’or en italien, pris ici dans le sens de « paroles d’or ».
Pour autant, durant toute la Première Renaissance française, le plan des édifices restera traditionnel et les éléments d’architecture resteront librement inspirés de l’art nouveau venu de Lombardie. Jamais, peut-être l’architecture française n’aura autant fait preuve de plus d’élégance, de légèreté et de fantaisie que durant cette période artistique. Il se dégage une saveur toute particulière des édifices du Val de Loire où les maîtres-maçons français traditionnalistes et plein de verve, n’acceptent que bien à regret la nouvelle architecture en faisant toujours concorder la structure avec la forme et allier aux silhouettes hardies et pittoresques du Moyen Âge, la décoration de la Renaissance italienne3.
C’est ainsi que dans la lignée du style Louis XII, on conserve durant toute la période les traditions nationales telles que les hautes toitures : Le château de Saint-Germain-en-Laye étant le seul à être couvert de terrasses. Si les progrès de l’artillerie avait rendu inutile tout appareil défensif tels que les tours, les machicoulis, le crénelage ou encore les courtines des châteaux, on les conserve encore par tradition6. Pour autant, tous ces éléments de défense se voient vidés de leur substance pour être transformés en autant d’éléments décoratifs. C’est ainsi que dans bon nombre d’édifices, comme au château de Chenonceau, de La Rochefoucauld, de Villandry ou comme ce fut le cas à Azay-le-Rideau (remanié au xixe siècle), la permanence du donjon ne se justifie que par le symbole seigneurial qu’il représente ; sa fonction militaire étant désormais supplantée par celle du prestige et de l’apparat5.
Dans cette mouvance, les échauguettes des châteaux du Moyen Âge deviennent à Azay-le-Rideau, de gracieuses tourelles d’angles en encorbellement tandis que les créneaux du chemin de ronde se développent en petites fenêtres, transformant cet espace, en une agréable galerie de circulation3. Caractéristique apparue avec le Style Louis XII, les fenêtres des façades ont leur chambranle qui se raccorde d’étage en étage, formant une sorte de travée terminée en lucarne ouvragée. Ce quadrillage que l’on retrouve à Blois ou à Chambord, donne une sensation de régularité, souvent « fictive », aux élévations, tout en soulignant les horizontales et les verticales, alors que la multiplication des cheminées et des clochetons semblant former une couronne à l’édifice, est un dernier reflet de la féérie médiévale13.
Si l’architecture s’ouvre désormais largement sur l’extérieur, la richesse décorative reste réservée pour la cour, notamment pour le motif central de l’escalier. Obsession généralement étrangère à la Renaissance italienne5, l’escalier est considéré alors comme l’élément français autour duquel gravitera le château tout entier : La tour polygonale en hors d’œuvre, conservée dans l’aile François Ier du château de Blois, est remplacée peu à peu par un escalier rampe sur rampe5, qui bien plus qu’une innovation italienne, semble bien appartenir au répertoire de l’Ouest de la France depuis le xve siècle5.
Si la façade des loges du château de Blois apporte une certaine modernité, par ses ouvertures en enfilade sur l’extérieur, inspirées de la cour du Belvédère du Vatican, l’utilisation du modèle romain de Bramante se voit modifié et soumis à la structure médiévale préexistante5. Inachevée, cette façade n’a pu recevoir un décor italianisant comparable à l’aile François Ier sur cour. Elle n’en reste pas moins représentative des différentes recherches opérées au cours de la Première Renaissance : Par la substitution des profils pleins et nets aux arêtes aigües de la mouluration gothique, elle marque un progrès dans l’imitation des modèles antiques6.
Cette interprétation des réalisations de Bramante, même si elle ne respecte en rien les ordres antiques, se retrouve dans la superposition des arcades encadrées de pilastres qui orne les cours intérieures du château de La Rochefoucauld puis de Chambord5.
Première réalisation ex nihilo, le château de Chambord est un rendez-vous de chasses et de fêtes de la cour, conçue comme un lieu théâtral peu habité1. La présence de Léonard de Vinci et de Boccador, amène une réflexion sur le château à la française au contact de la Renaissance italienne. Alors que les tours du Moyen Âge n’avaient d’autre jours que les fentes des archères, une superposition de fenêtres à pilastres vient ici largement éclairer l’édifice tandis que le couronnement crénelé disparaît pour la première fois3. Le décor exubérant s’attache alors surtout aux toitures hérissées de souches de cheminées, de lucarnes ou de tourelles, toutes garnies de losanges ou de disques d’ardoise, de tabernacles et de culs-de-lampe traités dans le goût de l’Italie du Nord, tout en évoquant les incrustations de marbre noir de la Chartreuse de Pavie où François Ier fut prisonnier17. Si le développement d’appartements symétriques à destination résidentielle est une nouveauté, l’organisation du plan reste cependant traditionnelle, rappelant ainsi le château de Vincennes, avec un donjon central entouré d’une enceinte où se trouve la cour et les communs5. Le projet initial de 1519, se voit pourtant modifié dès 1526, afin de transférer l’appartement du roi dans une aile latérale : Le donjon centré étant rendu incompatible avec le nouveau rituel de cour nécessitant un appartement royal en enfilade. Comme à la Villa médicéenne de Poggio a Caiano, chaque niveau a désormais ses appartements répartis autour d’un axe central incarné par l’escalier à double révolution (image) pensé en collaboration avec Léonard de Vinci. Les travaux ralentissent pourtant : après la défaite de Pavie, François Ier se voit contraint de regagner Paris.
À son retour de captivité, en 1527, si le mécénat de l’entourage royal reste important, le roi n’en reste pas moins le principal protagoniste des évolutions stylistiques de son pays, par les modifications qu’il apporte à toute une série de châteaux autour de la capitale (Villers-cotterêt, La Muette). Alors qu’en Île-de-France de nouvelles innovations se font jour, le Val de Loire devient le conservatoire de la Première Renaissance.
Le château de Madrid aujourd’hui détruit, reflète cette évolution : Le Palacio de los Vargas de la Casa del Campo, demeure d’un grand financier espagnol située en face de ce qui fut la prison de François Ier à Madrid, inspira la réalisation de ce palais sans douves dont le plan ramassé s’oppose à la tradition française. Réalisés comme une nouvelle résidence de fêtes, les appartements symétriques s’organisaient autour d’une salle de bal centrale, tandis que deux étages de loggias faisant le tour du bâtiment, présentaient un décor inédit de terre cuite émaillée réalisée par Della Robbia. L’élévation du château était marquée par les pavillons hors d’œuvres, remplaçant ici les tours encore toutes médiévales de Chambord, dont le rythme nouveau était obtenu par la séparation des combles. L’utilisation du plan géométrique et la présence des loggias, annonçant la Villa Farnèse, sont un lointain reflet du Poggio Reale de Naples et de la Villa médicéenne de Poggio a Caiano5.
C’est alors qu’un événement d’une importance capitale se produit au château de Fontainebleau, devenu entre 1530 et 1540 résidence principale du souverain. Bien que l’on note un grand contraste entre la qualité moyenne de l’architecture et la splendeur du décor intérieur, les réalisations dirigées par Gilles le Breton marquent une évolution profonde marquant la fin de la période. Tandis que le donjon du xiie siècle est préservé, la cour ovale correspondant à l’ancien château médiéval se voit ornée par le Rosso et par Serlio d’un portique ouvrant sur un escalier à double volée. Le pavillon de la porte dorée, édifié pour l’occasion, reprend les dispositions observées dès 1509 au château de Gaillon6. Mais contrairement à ce qu’on observait dans le Val de Loire, on priviligie désormais une architecture austère à base de moellons et de pierres enduites. Si la superposition des pilastres des façades, ne respectent en rien les ordres antiques, l’étagement des loggias, la scansion des niveaux par des frontons triangulaires et le découpage des toitures en pavillons rectangulaires provoquent un grand effet classicisant, transformant cette architecture, en une entrée triomphale, à l’exemple du Castel Nuovo de Naples5.
Mais avant même que les bâtiments du nouveau château soient achevés, François Ier fait venir d’Italie un groupe important d’artistes pour embellir le palais3. Il crée ainsi de ses vœux, une sorte de « nouvelle Rome », que l’on appellera l’École de Fontainebleau, avec un cercle intellectuel et artistique influant. Jusqu’à sa mort, en 1540, Rosso y joue le premier rôle auquel succédera Le Primatice : Le décor de la galerie François Ier, vaste ensemble voué à la glorification de la monarchie française en est la plus belle expression10. Dans les années qui suivent, le rachat de la toute proche abbaye des trinitaires permet de s’extraire du cœur médiéval du château et de créer une œuvre moderne ex nihilo autour d’une imposante cour d’honneur6. Inspirée de la Villa médicéenne de Poggio a Caiano, la liaison à l’ancien château se fait par une nouvelle aile à portiques, permettant la réalisation de la Galerie François Ier, superposée à de luxueux appartements de bain. Quant au corps central à pavillons carrés de la nouvelle aile du palais, il s’inspire du château de Bury, tout en marquant, par son plan rectiligne et ses lucarnes à frontons triangulaires épurés, l’évolution classicisante qui va marquer la Seconde Renaissance.
Le style nouveau de la Première renaissance ne tarde pas à se répandre dans toute la France. Des villes comme Lyon, Dijon, Besançon, Toulouse ou Nancy ainsi que Bar-le-Duc18 sont particulièrement riches de maisons et d’hôtels particuliers de la Première renaissance19 : parmi les demeures les plus célèbres on peut citer l’Hôtel Chabouillé dit de François Ier à Moret-sur-Loing, le logis Pincé (1525-1535) à Angers, l’hôtel de Bullioud (1536) et l’hôtel de Gadagne (encore de style Louis XII) à Lyon, la maison des Têtes (1527) à Metz, l’Hôtel d’Haussonville (1527-1543) de Nancy, l’Hôtel de ville de Beaugency19, ou encore l’hôtel de Bernuy (1530-1536) à Toulouse, dont la cour a été partiellement reproduite à la Cité de l’architecture et du patrimoine afin d’illustrer le style de la Première Renaissance en France.
Dernier des grands châteaux qui furent bâtis sur les bords de Loire au xvie siècle, le château de Villandry, apporte une touche finale aux recherches de la Première Renaissance6 tout en annonçant les réalisations d’Ancy-le-Franc et d’Écouen. Dès son arrivée en 1532, Jean le Breton, ministre des finances de François Ier, exploite à Villandry son exceptionnelle expérience de l’architecture acquise sur de nombreux chantiers, dont celui du château de Chambord qu’il a surveillé et dirigé pendant de longues années pour le compte de la Couronne. Tout en rasant l’ancienne forteresse féodale, on conserve le donjon, témoin symbolique du traité du 4 juillet 1189, appelé «Paix de Colombiers », du nom de Villandry au Moyen Âge, au cours duquel le roi d’Angleterre Henri II Plantagenêt, vint devant le roi de France Philippe Auguste, reconnaître sa défaite. Achevé vers 1536, ce nouvel édifice présente une disposition moderne par la régularité de son plan quadrangulaire et sa cour intérieure s’ouvrant sur les perspectives de la vallée où coulent le Cher et la Loire. Pourtant tout proches et presque contemporains d’Azay-le-Rideau, les « fantaisies » italianisantes et les souvenirs médiévaux tels que les tourelles, les clochetons ou autres mâchicoulis décoratifs, disparaissent ici entièrement au profit d’un style plus simple, purement français, dont la clacissisme et la forme des toitures préfigurent les réalisations d’Ancy-le-Franc et du château d’Écouen5. Si l’originalité de Villandry se situe dans une conception architecturale d’avant-garde annonçant la Seconde Renaissance, l’utilisation qui a été faite du site pour y construire en pleine harmonie avec la nature et la pierre, des jardins d’une remarquable beauté, en fait l’une des expressions les plus abouties de la Première Renaissance française.
La Seconde Renaissance : Le Classicisme (1540 à 1559/1564)
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L’hôtel d’Assézat à Toulouse (1555-1556).
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Cour de l’hôtel d’Escoville à Caen (1533-1540).
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L’aile dite Lescot du palais du Louvre (1546-1556)
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Le château de Fère-en-Tardenois (vers 1560).
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La maison de Jean d’Alibert à Orléans (vers 1560).
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Le château du Grand Jardin (1533-1546).
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Le château de Bournazel (milieu xvie s.)
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Le château de la Bastie d’Urfé (1536-1558).
La Seconde Renaissance, autrefois dit « style Henri II », marque à partir de 1540 la maturation du style apparu au début du siècle ainsi que sa naturalisation tandis que le Val de Loire se retrouve relégué en conservatoire des formes de la Première Renaissance. Cette nouvelle période se développe alors principalement durant les règnes de Henri II, François II puis Charles IX, pour ne s’achever que vers 1559-1564, au moment même où commencent les guerres de Religion, qui seront marquées par le massacre de la Saint-Barthélemy et la contre-réforme catholique5.
Alors que la Première Renaissance est peu à peu acceptée en province, toute une série d’innovations se font sentir, en Île-de-France.
À partir de 1540, le Classicisme progresse, à la suite de la venue en France de Serlio (1475-1555) : Bien que son œuvre architecturale reste limitée, son influence est considérable par la publication de son Traité d’Architecture (1537-1551)10. Grâce à ses œuvres gravées, il est un des premiers à initier les autres artistes à la beauté des monuments de l’antiquité, contribuant ainsi à faire évoluer plans et décors vers plus de sobriété et de régularité10. Pour autant, l’architecture française continue de garder des traits propres qui séduisent Serlio : les lucarnes « sont de grand ornements pour les édifices comme une couronne » et les grands combles couverts d’ardoise bleutées sont « des choses très plaisantes et nobles »19.
Les architectes qui à l’époque du style Louis XII et de la Première Renaissance, étaient des maîtres-maçons traditionalistes et plein de verve, deviennent dès lors, des savants et des lettrés dont certains effectuent leur voyage d’études en Italie.
Marquant un véritable tournant stylistique, cette nouvelle génération d’artistes opère une synthèse originale entre les leçons de l’antiquité, celle de la Renaissance italienne et les traditions nationales. Parmi les plus célèbres, Philibert Delorme est auteur de l’Hôtel Bullioud à Lyon, des châteaux de Saint-Maur-des-Fossés et d’Anet ainsi que de la chapelle de Villers-Cotterêts ; Pierre Lescot édifie l’aile Renaissance du Palais du Louvre et l’Hôtel de Jacques de Ligneris (musée Carnavalet) ; Jean Bullant construit les châteaux d’Écouen et de Fère-en-Tardenois ainsi que le Petit Château de Chantilly10.
Ces architectes collaborent désormais étroitement avec les sculpteurs et définissent une architecture et un décor savants, préférant la beauté des lignes à la richesse de l’ornementation : Cellini sculpte pour la Porte dorée, le relief en bronze de la Nymphe de Fontainebleau ; son œuvre typiquement « maniériste », fait grande impression en France et influence probablement Jean Goujon, réalisateur de la fontaine des Innocents et de la décoration de la façade du Louvre ; L’influence maniériste imprègne également l’œuvre de Pierre Bontemps, chargé du Tombeau de François Ier à Saint-Denis ainsi que du monument du cœur de François Ier10.
En Bourgogne, le château d’Ancy-le-Franc (1538-1546) est l’une des premières réalisations à répondre à cet idéal nouveau. Œuvre de l’architecte Serlio, ce château construit pour Antoine III de Clermont, de 1538 à 1546, marque une évolution vers le classicisme en France. Avec cet édifice commence alors sur le sol français ce que l’on appelle : « l’architecture modulaire ». Seuls ici les légers frontons à enroulement des fenêtres du premier étage, rappellent la Première Renaissance. Pour le reste, rien ne vient distraire l’ordonnance uniforme des baies en arcades ou en fenêtres, séparées par une travée de pilastres jumelés, renfermant une niche et montés sur un haut stylobate. Cette alternance d’une baie principale et d’une baie secondaire (ici feinte puisque représentée par une niche) encadré de pilastres représente un des premiers exemples en France de la « travée ryhmique » traitée avec une telle franchise et une telle rigueur. Ce nouveau style inspirera un peu plus tard l’architecte du château de Bournazel lors de l’édification du portique est.
Cette exigence de clarté se poursuit au château d’Écouen (1532-1567), en Île-de-France. Il suffit de comparer cet édifice avec un château de la Première Renaissance, tel qu’Azay-le-Rideau pour constater les différences profondes entre les architectures des deux époques. Tout l’appareil défensif machicoulis ou le chemin de ronde d’Azay-le -Rideau disparaissent purement et simplement au château d’Écouen. Les tours d’angle de Chambord deviennent comme à Ancy-le-Franc et Villandry, de simples pavillons carrés. Il en va de même pour l’ornementation. Il suffit de comparer les lucarnes d’Écouen, avec celles du Val de Loire, pour se rendre compte du chemin parcouru. À l’étagement de pinacles, de niches à coquilles et de petits arcs-boutants de la Première Renaissance, succède une composition de lignes épurées très sobrement ornées, où les cannelures antiquisantes remplacent dans les pilastres, les rinceaux et arabesques de l’époque de François Ier : Un style sévère succède alors aux grâces légères de la Première Renaissance. Reprenant une disposition déjà observée à Villandry, le château présente une disposition moderne par la régularité de son plan quadrangulaire où les pavillons s’articulent harmonieusement. Pour aérer l’espace intérieur, une aile basse ferme la cour. L’entrée se fait alors par un avant corps surmontée d’une loggia où la statue équestre d’Anne de Montmorency, reprend les compositions observées au châteaux de Gaillon et d’Anet. L’édifice tout entier s’isole grâce à un fossé bastionné rappelant la charge militaire du propriétaire. Le fond de la cour n’est plus constitué d’un corps de logis mais d’une simple galerie d’apparat reliant deux ailes d’appartements dont ceux du Roi et de la Reine donnent sur la plaine de France. Au niveau inférieur, des bains collectifs se développent comme à Fontainebleau, connecté à des aires de loisirs (jardin, jeu de paume). La façade de l’aile Nord, reprise par Jean Bullant, présente une superposition nouvelle d’ordres réguliers, surmontée par une corniche classique inspirée de l’antiquité. Pour autant, les recherches réalisées sur la façade sud afin de s’adapter aux proportions des statues des esclaves de Michael-Ange, offertes par Henri II, lui donne l’opportunité d’utiliser pour la première fois en France l’ordre colossal : les colonnes occupant désormais les deux niveaux jusqu’à la base de la toiture, sont inspirées du Panthéon de Rome et se voient surmontées d’un entablement classique, créant l’illusion d’un monument antique. Même si l’influence des réalisations de Michel-ange au Capitole et à Saint-Pierre de Rome sont manifestes, les références à la Renaissance italienne s’effacent peu à peu devant les exemples du monde romain.
L’aile Lescot du Louvre, entreprise à partir de 1546, est le chef-d’œuvre de la Deuxième Renaissance. Cette œuvre de Pierre Lescot, architecte antiquisant, fut décorée par Jean Goujon20. L’escalier prévu initialement au centre du corps de logis se voit déplacé à la demande d’Henri II dans l’optique de créer une grande salle où prennent places des cariatides grecques, moulées à la demande de Jean Goujon, sur l’Erechthéion de l’Acropole d’Athénes. À la manière d’un manifeste du style français, prôné par Lescot, la façade présente une superposition d’ordres classiques nouveaux sans pour autant atteindre la régularité italienne : à mesure que l’on monte, les proportions se font de plus en plus fines, et l’idée de couronner les deux ordonnances superposées d’un large bandeau décoré, aboutit à acclimater en France, l’étage d’attique si prisé en Italie, tout en utilisant pour la première fois des combles brisés « à la française », afin de donner l’illusion d’un comble droit. Malgré leur peu de saillie, les avant-corps, dernier souvenir des tours médiévales, suffisent à « animer » la façade. Les admirables sculptures de Jean Goujon contribuent à faire de cet édifice une œuvre unique. Au rez-de-Chaussée, les arcatures en plein cintre encadrées de pilastres provoquent l’accentuation des verticales et des horizontales tandis que le jeu de double supports encadrant une niche ornée d’une médaille, représente une disposition qui deviendra typique dans l’architecture française.
Autre réalisation majeure de cette période, le château d’Anet, est réalisé par Philibert Delorme, aux frais du Roi, pour Diane de Poitiers, maîtresse d’Henri II. Détruit à la Révolution, il ne subsiste aujourd’hui sans alternations que la chapelle et les trois ordres superposés conservés à l’École des Beaux-Arts de Paris. Devenu typique de la Seconde Renaissance, le plan quadrangulaire présente un logis situé face à l’entrée. Des fossés bastionnés, comme à Écouen possèdent des canons pour la fête et l’apparat. L’entrée de forme pyramidale, est une réminiscence italienne représentant un arc de triomphe réinterprété par Delorme. Quatre colonnes ioniques supportent un arc tombant sur une architrave tandis que les colonnes des passages latéraux sont inspirées du Palais Farnèse de Sangallo le jeune. Sous le découpage des balustrades, un jeu de polychromie de matériaux, encadre la nymphe réalisée par Cellini pour la porte Dorée de Fontainebleau. Au sommet, un groupe d’automates, disparu, marquait les heures. Partout Philibert Delorme exprime sont goût pour les inventions bizarres inspirées des capriccio de Michel-Ange19 : sous cette influence, apparaît une utilisation inédite de volumes arrondis tandis que de nombreux détails tels que les frontons à enroulements ou les pilastres en gaine, révèlent une connaissance approfondies des œuvres Michel-Angelesques. C’est ainsi que les cheminées, dites « en sarcophage », se développant de part et d’autre de l’édifice, semblent comme un lointain souvenir des tombeaux des Médicis à Florence. Situé au fond de la cour, le corps du logis central, par sa superposition d’ordres donne un aspect ascensionnel tout en reprenant la même superposition d’ordres canoniques, observée sur l’aile nord d’Écouen : on y retrouve d’ailleurs le même type de statues à l’antique placées dans des niches encadrées par un double support. Aux ordres classiques, Delorme préfère créer un ordre inhabituel : La colonne baguée présentée par l’architecte comme la solution d’un problème technique permettant de masquer les joints des colonnes appareillées. Cette invention exprime aussi la nouvelle maturité de l’architecture française avec la réflexion sur la création d’un « ordre français »19, idée abandonnée à la mort d’Henri II, mais reprise par Jules Hardouin-Mansart lors de la construction de la galerie des Glaces du château de Versailles.
La chapelle du château d’Anet reste la réalisation la plus novatrice. C’est la première fois en France, que l’on utilise le plan centré. Si le découpage de niches entourées de pilastres est influencé des réalisations contemporaines de Bramante et de Michel-Ange, la frise qui la surmonte est inspirée de Sangallo. Les sculptures sont peut-être de Jean Goujon. L’édifice sert d’écrin aux émaux de François Ier et aux apôtres de Scibec de Carpi. La voûte de la coupole développe un décor comportant une imbrication de cercles se reflétant, d’une façon octogonale, sur le pavement du sol. Ce motif, inspiré par les éléments fréquemment rencontrés dans les mosaïques romaines montre la volonté de surpasser le modèle italien en se référant directement aux réalisations antiques, afin de créer une architecture originale à la française.
Parallèlement à ces grands chantiers royaux, les grandes demeures citadines participe à la naturalisation de ce nouveau style : Sous l’impulsion de la Seconde Renaissance, tout le somptueux décor de rinceaux et de médaillons démesurés et plein de verve ornant la galerie de l’hôtel Chabouillé de Moret-sur-Loing, disparaissent face au système des proportions modulaires, strictement appliqué à l’entablement de la « maison de Jean d’Alibert » à Orléans, où des cartouches à découpures inspirés de l’École de Fontainebleau surmontent les fenêtres19. Répondant à une exigence de clarté recherchée au cours de cette période, les hôtels particuliers se développent alors entre cour et jardin comme à Paris, notamment à l’hôtel Jacques de Ligneris (musée Carnavalet).
Le nouveau style ne tarde pas à se répandre dans toute la France : dans le Val de Loire, au château de la Bastie d’Urfé (ou Bâtie d’Urfé), en Bourgogne, au casino du Grand Jardin de Joinville (avant 1546), en Aveyron, au château de Bournazel (1545-1550) ou encore en Normandie à l’hôtel d’Escoville de Caen (1537). Au Mans et à Rodez, l’influence du Vitruvien, Guillaume Philandrier, est probable alors qu’à Toulouse, l’architecte Nicolas Bachelier se met au service de tout un milieu humaniste ; parmi les demeures les plus célèbres : on peut citer le château de Saint-Jory (bâti en 1545, aujourd’hui détruit) ainsi que le bel exemple des trois ordres superposés de l’hôtel d’Assézat (1555-1556)19. Certains bâtiments publics comme le palais du parlement du Dauphiné (1539) à Dijon ou le palais Granvelle et l’hôtel de ville à Besançon participent également de la Seconde Renaissance.
Si l’architecture religieuse reste fidèle aux structures et aux voûtes gothiques (cathédrale du Havre, Saint-Eustache de Paris), beaucoup d’églises modernisent leur façade principale ou latérale par un frontispice « à l’antique » (Rodez, Gisors, Saint-Aignan de Chartres), et traitent leur jubé comme un arc de triomphe (Sainte-Chapelle de Paris, Saint-Pierre de Maillezais).
Le Maniérisme (1559/1564 au début du xviie siècle)
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Maison Maillard à Dijon (1561).
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Traversant le Cher, la galerie des Dômes et la galerie des Attelages de Chenonceau par Jean Bullant (1576-1577).
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Maison Maillard à Dijon (1561).
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Détail de la cour intérieure de l’hôtel de Clary à Toulouse (1610).
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La galerie du bord de l’eau du Louvre réalisée par Jacques II Androuet du Cerceau vers 1600 (déplacée au xixe s).
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Vue de la façade de la cour de l’hôtel Lamoignon (1584-1611).
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Château de Charleval resté inachevé en 1574 (Jacques Ier Androuet du Cerceau, « Les plus excellents bastiments de France »).
Formant un ultime écho de la Renaissance et de l’Humanisme en France, cette dernière phase s’écarte dès les années 1559/1564, du classicisme ambiant par sa fantaisie créative, qui peut justifier pour ce style l’appellation de « maniériste ». Au moment même où commencent les guerres de Religion, marquées par le massacre de la Saint-Barthélemy, le pessimisme et le scepticisme envahissent les hommes et les artistes de pure formation humaniste. Les penseurs antiques de référence deviennent les stoïciens de préférence à Platon. Si l’humanisme survit, sa philosophie profonde évolue, tout en étant reprise et repensée par la contre-réforme catholique10.
De la clarté des formes et du classicisme de la Seconde Renaissance, succède une architecture maniériste. Émergeant à nouveau avec une force renouvelée, le jeu sur les volumes et les recherches sur l’ombre et la lumière, déjà toute baroque, se mêle aux frontons fragmentés, pilastres, grotesques, volutes ou autres mascarons, issus de la culture de la Renaissance. Fenêtres et lucarnes viennent souvent empiéter sur l’entablement : On parle alors de « lucarnes passantes ». C’est ainsi qu’à l’hôtel Lamoignon à Paris (vers 1584), scandé d’un grand ordre colossal comme le palais Valmarana de Palladio, l’entablement est rompu par les lucarnes qui descendent jusqu’à l’architrave. Les architectes ont une prédilection marquée pour les colonnes adossées, cannelées, ornées, dont les plus spectaculaires sont des colonnes dites « françaises » à fût bagué inventées par Philibert Delorme et apparues lors de la période précédente. Cette invention s’inscrit dans un goût général pour l’ornement, se manifestant également au niveau vestimentaire dans les bijoux et les dentelles. C’est par là même, une expression de la nouvelle maturité dans l’architecture française. Delorme s’en justifie : « S’il a été permis aux anciens architectes en diverses nations et pays d’inventer de nouvelles colonnes (…) qui empêchera que nous français, n’en inventions quelques-unes et les appelions françaises »19.
Malgré une baisse important du mécénat royal, lié à la situation politique du pays, Catherine de Médicis et les élites sociales continuent de faire travailler les artistes : Philibert Delorme est chargé à partir de 1564 d’achever le château de Saint-Maur et de bâtir le palais des Tuileries, constructions qui seront poursuivies plus tard par Jean Bullant, architecte qui couronnera également d’une galerie le pont du château de Chenonceau (1576–1577). Afin de relier le nouveau palais des Tuileries au vieux Louvre, Jacques II Androuet du Cerceau commence, vers 1594, la construction de la galerie du bord de l’eau, achevée plus tard par Louis Métezeau tout en réalisant parallèlement pour Diane de France, l’hôtel Lamoignon10.
Parmi les réalisations majeures de cette époque, le palais des Tuileries commencées par Philibert Delorme, devaient se développer sur trois cours avec des pavillons sous dômes et la création de jardins. Sur la partie donnant sur le parc, le Pavillon central encadré de deux ailes longitudinales uniformes ont une élévation comportant seulement un rez-de-chaussée surmonté d’un étage à combles. Le pavillon central offre une travée rythmique cantonnée de colonnes très décorées, abritant un escalier à vis hélicoïdal autour d’un grand vide cerné de colonnes (achevé seulement sous Henri IV). C’est l’œuvre la plus maniériste de Delorme en rapport avec les dernières productions des milieux florentins et de Michel-Ange. Mais Delorme meurt en 1570. Bullant qui lui succède, ne parvient à en achever qu’une partie. Cette œuvre témoigne d’une réflexion sur l’architecture à la française.
L’aile dite de la Belle Cheminée (1565-1570) qui a été construite sous l’ordre de Catherine de Médicis21, au château de Fontainebleau est représentative de l’aboutissement de la Renaissance française, tout en étant déjà teintée par le maniérisme italien. Conçue de manière grandiose par le Primatice, vers 1565-1570, elle a la particularité d’avoir deux escaliers à rampes divergentes qui magnifiaient l’entrée de l’appartement de Charles IX. Le Primatice a peut-être trouvé l’idée des deux escaliers à rampe droite dans les grandes réalisations de Bramante au Vatican ou de Michel-Ange au Capitole en inversant la direction des rampes. La façade est ornée de grands bronzes à sujet mythologique, exécutés entre 1541 et 1543 par le Primatice, envoyé à Rome à la demande de François Ier, afin de réaliser des copies en plâtre obtenues sur les sculptures en marbre qui y étaient conservées. Cette façade est entièrement traitée en pierre de taille de Saint-Leu, ce qui lui confère un aspect plus homogène. Un atelier de fonderie installé au château de Fontainebleau, cour du Cheval blanc, permit de mener à bien le travail de fonte, sous la direction de l’architecte italien Vignole.
À la même époque, à la suite d’un « échange » réalisé avec Diane de Poitiers, Catherine de Médicis, nouvelle maîtresse du château de Chenonceau, fait édifier sur le « pont de Diane » deux galeries superposées formant un espace de réception unique au monde, et donnant ainsi son aspect actuel au château. Les travaux commencent en 1576 et s’achèvent en 1581. La galerie est vraisemblablement l’œuvre de Jean Bullant qui remplace Philibert Delorme dans la faveur royale. Cette nouvelle construction forment deux espaces superposés de 60 m de long sur 5,85 m de large, illuminés par 18 fenêtres. Le rez-de-chaussée se compose d’une succession de tourelles en demi-lune, inspirées des exédres des thermes de l’antiquité, venant écraser la pointe des avant-becs de la plate-forme. Ces tourelles s’achèvent en balcon à l’étage noble du premier dont les parois sont plus ornées qu’au rez-de-chaussée. Typique de cette architecture maniériste, les façades possèdent de hautes fenêtres coiffées de larges frontons courbes, réunies par des tables horizontales aux cadres moulurés. Catherine voulu également revêtir d’un habit plus classique ce château encore bien trop gothique à son goût10. C’est dans ce but que la travée centrale, à l’entrée du château, fut agrémentée de deux bustes et que quatre nouvelles fenêtres furent percées sur les travées latérales ; afin d’accueillir les quatre cariatides sculptées inspirées des réalisations de Jules Romain (aujourd’hui conservées dans le jardin).
Initié vers 1570 par le roi Charles IX (1560-1574), le château de Charleval constitue l’un des plus ambitieux projets de toute la Renaissance. Quatre fois plus grand que Chambord, son style maniériste devait approcher le baroque, alors en gestation en Italie. La mort du roi en 1574 mit un terme au chantier dont les fondations sortaient à peine de terre. Les vestiges disparurent rapidement.
À l’exemple des grands projets royaux, le Maniérisme ne tarde pas à être repris dans les hôtels particuliers de toute la France : on peut citer l’hôtel de Clary de Toulouse (1610) l’hôtel de Lillebonne (1580) à Nancy ainsi que l’hôtel de Vogüé (1614) et la maison Maillard (1561) de Dijon10.
Parallèlement à ces réalisations, un style pittoresque et rustique, inspiré du palais du Te de Jules Romain, s’accompagne en France d’une utilisation délibérément arythmique de détails classiques où reste plaquée une ornementation variée dans un esprit purement décoratif. Parmi les exemples les plus représentatifs de cette tendance, les Haies cynégétiques du château de Raray se développent en une série de deux arcades, exprimant le goût du seigneur de Lancy pour la chasse, l’antiquité et l’Italie. À l’époque de leur construction, ces deux longues balustrades monumentales sont disposées de façon diagonale, de part et d’autre de la cour d’honneur, afin de créer une véritable « mise en abîme » du corps de logis central, annonçant déjà les dispositions architecturales que reprendront Lemercier et Le Vau au siècle suivant. Tout en créant une ouverture sur les jardins, cette organisation régulière des volumes et des arcades permettent de mettre en valeur, par la simplicité de leurs décors, les scènes de chasses au cerf et au sanglier qui les surmontent. Afin de créer toute une série de travées rythmiques sans pilastres, chacune des dix-neuf ouvertures est alors encadrée par des niches, au style épuré, abritant les bustes de personnages antiques22. Cette disposition originale faisant ainsi alterner baies ouvertes et travées aveugles permet dès lors un véritable jeu de pleins et de vides complété par l’instabilité de la clef de voûte des arcs qui semble glisser vers le bas comme si elle allait chuter. L’ensemble de ces détails donnent alors une impression de décor de théâtre ouvert sur les jardins, dont l’architecture mouvante et épurée se voit contrastée par la frénésie de la scène qui la surmonte.
Marquant une dernière évolution artistique dans cette renaissance tardive, Pierre Lescot, met au point au château de Vallery (1562), ce que l’on peut appeler le « style rustique français » : construit à partir de 1548 pour le maréchal de Saint-André, l’édifice se démarque par un système de trumeaux de briques et de chaînes de pierres harpées, venant marquer les angles des corps de bâtiment et encadrer les travées des fenêtres, recoupées par un ou deux bandeaux de pierre. Ce système se fonde sur une manière de bâtir traditionnelle fréquente durant le Style Louis XII comme au château de Blois, mais elle se trouve régularisée et ennoblie par l’adoption du « bossage romain » tel qu’on peut le voir aux angles du palais Farnèse. Le coût modique mais aussi le charme polychrome de cette « architecture aux trois crayons » (André Chastel) explique sans doute son succès dès le règne d’Henri III et se développera amplement au début du xviie siècle, dans ce qu’on appellera le style Louis XIII ; de cette nouvelle expression architecturale, on peut citer le château de Wideville (1580-1584) dans les Yvelines, le palais abbatial de Saint-Germain-des-Prés ou encore le château de Rosny sur Seine (1595-1606)10.
L’École de Fontainebleau
L’École de Fontainebleau est le nom donné à deux périodes de l’histoire de l’art français, qui dominèrent la création artistique française aux xvie et xviie siècles, et qui figurent parmi les exemples les plus aboutis de l’art renaissant en France. Ce courant artistique est née sous l’impulsion des artistes italiens convoqués par François Ier pour décorer à partir de 1530 sa résidence de Fontainebleau. Ecole dont l’essor se poursuivra jusque sous le règne de Henri IV23.
Centré autour des peintres travaillant principalement à la décoration du château de Fontainebleau24, cette école se caractérise par une interprétation française mesurée du maniérisme25.
L’appellation donnée à ce mouvement artistique ne date pourtant que du xixe siècle, employée la première fois en 1818 par l’historien Adam Bartsch (1757-1821), dans ses travaux sur la gravure (1803-1821), afin de désigner les estampes réalisées par un groupe d’artistes dans les années 1540, sous l’influence de deux maîtres italiens œuvrant au château de Fontainebleau : le Rosso et Primatice25.
Par extension, ce terme s’est appliqué à toutes les formes d’art qui se sont épanouies à Fontainebleau, et un peu plus tard, dans le même esprit, à Paris25.
La Première École de Fontainebleau (1526-1570 environ)
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Alexandre domptant Bucéphale, Primatice, ancienne chambre de la duchesse d’Étampes, Fontainebleau, 1552.
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Le Sacrifice, Rosso, galerie François Ier, Fontainebleau (1534-1539).
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Stuc représentant un jeune homme de la galerie François Ier.
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Éléphant à fleurs de lys, galerie François Ier du Rosso, Fontainebleau (1534-1539).
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Chambre d’Anne de Montmorency (1555, Écouen).
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Extrémité de la galerie du château d’Oiron par Noël Jallier (1547-1549).
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Galerie du château d’Oiron par Noël Jallier : Pâris et Ménélas (1547-1549).
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L’Olympe, tour de la Ligue du château de Tanlay (vers 1558).
En 1526 alors qu’il rentre à peine de captivité, François Ier fait venir d’Italie un groupe important d’artistes italiens pour embellir son Palais de Fontainebleau3. Il crée ainsi de ses vœux, une sorte de « nouvelle Rome », que l’on appellera l’École de Fontainebleau, avec un cercle intellectuel et artistique influant.
À partir de 1530, sous l’influence des italiens Rosso et Primatice, sont lancées les grandes formules d’un style décoratif qui va s’imposer à toute l’Europe. Leur grande innovation dans la décoration intérieure est l’alliance, pour la première fois en France, d’ornements ou de figures de stuc avec des fresques et des lambris boisés.
Parmi les sujets de prédilection, on retrouve les tableaux mythologiques ou allégoriques, inspirés de l’Antiquité, où les nus sont traités avec élégance20. Grâce au Rosso, la Première École de Fontainebleau développe les capacités décoratives du cartouche en l’associant aux enroulements et aux souples découpages du cuir. Cette formule inédite va connaître un succès universel.
Dans la Galerie François Ier, cette introduction nouvelle du stuc permet d’enrichir les fresques ou les médaillons, de bordures en haut-relief. Ce système d’encadrement, créé à l’instigation du Rosso, s’anime ici de figures, de putti, de guirlandes de fruits, de bucranes, de satyres ou de mascarons, au milieu de l’ondulation des cuirs et des trouées des niches. Ces stucs tantôt blancs, tantôt peints et dorés, encadrent des figures allégoriques, tout en créant des jeux d’ombres et de lumière10.
Œuvre d’un Italien, mais impensable en dehors du contexte français, la Galerie François Ier se révèle alors comme un vaste ensemble destiné à la glorification de la monarchie française. Immédiatement admirée par les étrangers, et en premier lieu par les Italiens, elle fait brusquement de Fontainebleau un centre artistique majeur, telle une « nouvelle Rome », réalisant par là même la grande ambition du roi qui s’y fait représenter en « vainqueur de l’Ignorance ».
Ce type nouveau de galerie impose en France un monde imaginaire inédit : la cour, habituée jusqu’ici aux décors des tapisseries à sujets religieux ou héroïques, découvre l’univers de la Fable et ses nudités provocantes. Une telle œuvre dut faire sensation et précipiter l’évolution des esprits.
Alors que survient la mort, du Rosso en 1540, Primatice, prend la direction des travaux de Fontainebleau, assisté en cela par Nicolò dell’Abbate.
L’achèvement du décor de la chambre de la duchesse d’Étampes, lui donne l’opportunité de réaliser un vaste ensemble décoratif, dont les cycles allégoriques mettent en premier plan la figure humaine. Pour autant, celle-ci se voit traitée comme un élément décoratif parmi tant d’autres, devant, au même titre que les guirlandes ou les cartouches, se plier à la formulation d’ensemble et aux exigences de la composition. Son echelle et son canon suivent ainsi les impératifs de l’effet d’ensemble. D’une manière générale, c’est le Maniérisme italien, introduit et renouvelé par le Rosso et Primatice qui commande l’aspect fluide et allongé des figures, en particulier lorsqu’il s’agit du nu féminin qui se voit animé alors par la « ligne serpentine »3.
Au-dessus des lambris de cette chambre, se développent des scènes érotiques inspirées de la vie d’Alexandre le Grand. Cette série de fresques, réalisées entre 1541 et 1544, tire aussi bien son inspiration des réalisations de Raphaël que de la luxure de François Ier : roi libertin aux nombreuses maîtresses (il en aurait eu 27 à la fois), il aurait affirmé à Brantôme : « Une cour sans dames, est comme un jardin sans fleurs »26. Restés un temps inachevés, ces décors sont complétés à partir de 1570 par Nicolò dell’Abbate, afin de parchever les travaux de l’aile de la Belle-Cheminée. Parmi ces œuvres, nous sont parvenus du Primatice : Alexandre domptant Bucéphale, Le Mariage d’Alexandre et Roxane et Alexandre épargnant Timoclée, complétées par celles de Niccolo dell’Abate dont : Alexandre fait serrer dans un coffret les œuvres d’Homère et Thalestris monte dans le lit d’Alexandre27.
Un peu plus tardive, la Salle de Bal, prend un parti différent, Primatice étant alors supplanté par Philibert Delorme. Les fenêtres ici vitrées permettent le développement de fresques au-dessus d’un haut lambris de menuiserie. Un plafond à caissons élaboré par Scibec de Carpi complète l’ensemble. Au fond se détache une gigantesque cheminée encadrée de deux satyres en bronze, dont l’éclectisme jouant avec les formes, la lumière et les matériaux, dénote un style maniériste italien. Dans les embrasures des fenêtres, apparaissent des décors peints de scènes mythologiques inspirées de l’Histoire de la guerre de Troie et réalisées par Nicolò dell’Abbate, qui travaille parallèlement pour Anne de Montmorency (Enlévement de Proserpine, ou Histoire d’Euridyce).
Ces réalisations bellifontaines influencèrent alors grandement les artistes français, tels Jean Goujon, Antoine Caron ou encore Noël Jallier. Parfois d’ailleurs, on associe à l’École de Fontainebleau, d’autres artistes invités par François Ier, tels que Benvenuto Cellini ou Girolamo della Robbia. Un certain nombre de ces personnalités, influencées par l’art italien, se mettent alors à participer à la décoration intérieure du château d’Écouen en cours d’édification. De manière générale, si l’esprit des éléments décoratifs reste fidèle aux réalisations de Fontainebleau, les compositions de ce nouveau chantier voient une évolution dans le traitement des stucs, remplacés progressivement par des trompe-l’œil3.
Reprenant les parties pris de la Salle de bal de Fontainebleau, les pièces du château d’Ancy-le-Franc sont ornées de hauts lambris surmontés de fresques attribuées en grande partie à Primatice ou à d’autres peintres de Fontainebleau. Leur style particulier témoigne ici encore de l’influence exercée par les demeures royales sur l’ensemble des productions artistiques du moment.
Vers le milieu du xvie siècle, alors que le marché de l’estampe est en pleine explosion, les peintures réalisées par cette école sont copiées en eaux-fortes, apparemment à l’occasion d’un bref programme organisé en incluant les peintres eux-mêmes28. L’art du vitrail en est touché, le meuble copie les motifs les plus célèbres. Les sculpteurs, même les plus grands, n’y sont pas insensibles. C’est ainsi que les patrons exécutés par les artistes de Fontainebleau pour les tapissiers, les orfèvres et les émailleurs contribuèrent naturellement à l’étroite interdépendance des arts à cette époque.
Loin de disparaître à la mort de ses deux derniers créateurs, l’École de Fontainebleau, survit, parfois d’une façon très archaïque jusqu’à la fin du siècle. Son emprise sur l’art français est étonnante : On le note jusqu’en Province dans les fresques du château d’Oiron puis de Tanlay. C’est ainsi qu’en mélant les influences bellifontaines et romaines, la galerie du château d’Oiron (1547-1549) réalisée par Noël Jallier sur le thème de l’Enéide et de l’Iliade, fait la synthèse entre la France et l’Italie. On retrouve d’ailleurs les cavaliers italiens ainsi qu’une grande fougue dans l’action des personnages, inspirée du Rosso, tandis qu’un poétique sfumato envahit les paysages romains.
Enfin, au château de Tanlay, les fresques de la voûte en coupole de l’étage supérieur de la Tour de la Ligue, représentent avec la même ligne serpentine, des personnages de la cour de France, travestis sous les traits de dieux de l’Olympe29.
Malgré la diversité des partis décoratifs, le grand nombre des techniques utilisées et le caractère cosmopolite d’un milieu qui réunit aussi bien des artistes italiens, français ou flamands, les productions de l’École de Fontainebleau présentent une grande unité de style, marqué par une conception commune de la figure et de l’ornement. Le monde qui naît de cet accord n’ayant aucun équivalent en Italie, il faut admettre qu’un climat propre à la cour de France, fastueux, sensuel, élégant, a orienté dans une direction nouvelle le génie de Rosso et de Primatice.
La Seconde École de Fontainebleau (1594-1617)
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Le plafond de la chapelle de la Trinité, Fréminet, 1608-1619, Fontainebleau.
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Portrait présumé de Gabrielle d’Estrées et de sa sœur la duchesse de Villars, anonyme (vers 1594, musée du Louvre).
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Henri IV en Mars, par Jacob Bunel (vers 1605-1606, Pau).
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La montée au Calvaire de Toussaint Dubreuil (fin xvie, château d’Écouen).
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La Dame à sa toilette, Anonyme (2e moitié du xvie siècle, Worcester, Museum of Art).
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Allégorie de la Peinture et de la Sculpture, Ambroise Dubois, 1543-1614, Fontainebleau.
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La Dame au bain, François Clouet, vers 1580, Washington.
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La toilette de Hyante et Climène, Toussaint Dubreuil (fin du XVIe, Louvre).
À partir du règne d’Henri IV se développe un style maniériste tardif parfois qualifié de « Seconde École de Fontainebleau ». En écho à la première, elle désigne principalement les peintres qui furent actifs sur les chantiers royaux comme Toussaint Dubreuil (formé à Fontainebleau), Martin Fréminet et Ambroise Dubois dit Bosschaert (1567-1619) peintre français originaire d’Anvers23. Au cours du règne d’Henri IV (1594–1610) et de la régence de Marie de Médicis (1610–1617), le champ d’activité de cette seconde école a, lui aussi, largement débordé le cadre du seul château de Fontainebleau ; sa part était grande dans la décoration du Louvre et de Saint-Germain-en-Laye, sans oublier les travaux effectués pour la manufacture royale des Tapisseries28. Cette nouvelle équipe se démarque pourtant de la précédente, par son nombre important d’artistes d’origine flamande et d’une façon plus générale, par une influence nordique plus prononcée, pouvant s’expliquer par les circonstances politiques de l’époque25.
Faisant suite à une longue période de troubles liés aux guerres de religion, le renouveau des arts se manifeste de manière particulièrement éclatante dès le règne d’Henri IV, en touchant tous les domaines : peinture, sculpture, architecture, art du livre mais également art des jardins et arts de cour, dont les ballets et les entrées triomphales25.
Renouant avec l’époque de François Ier, le roi s’emploie à faire de nouveau rayonner les arts français par un mécénat important. Afin d’attirer à nouveau les artistes ayant fui Paris, il s’emploie dès les années 1590, à les faire contribuer à la renommée du royaume en les impliquant dans des programmes ambitieux (Galerie de Diane, Galerie des Cerfs, Pavillon des Poëles, Château Neuf de Saint-Germain-en-Laye…). Henri IV, premier roi de la dynastie des Bourbons mais aussi héritier du trône des Valois, n’a de cesse de rappeler la légitimité de ce pouvoir durement acquis. Fontainebleau fait ainsi partie de ces chantiers inachevés sous les Valois que le roi tient à terminer tout en aidant parallèlement la capitale à reconquérir sa primauté dans le domaine artistique.
C’est dans ce contexte de prospérité retrouvée, que se développe la seconde École de Fontainebleau. La continuité avec la première équipe est d’autant plus sensible que la seconde s’inscrit également dans le courant international du maniérisme, d’où la dénomination commune. Mais à l’inspiration parmesane qui dominait avec le Primatice font place des influences plus mêlées. Les Italiens n’y jouent d’ailleurs plus le premier rôle car se sont bien les Français qui occupent désormais les postes de direction. Si l’on se tourne encore volontiers vers le Primatice, le Rosso ou Nicolò dell’Abbate, dont on apprécient la couleur et les tendances « modernes » de leurs paysages et de leurs scènes de genre, l’inspiration générale a changé : L’apport Flamand, devenu essentiel, amène une interprétation plus personnelle de la peinture, qui associe aux formules maniéristes des éléments d’un réalisme souvent proche de la caricature : Toussaint Dubreuil, Ambroise Dubois ou Martin Fréminet sont aujourd’hui considérés comme les principaux maîtres de ce mouvement25.
Durant tout le règne d’Henri IV, ces artistes n’ont de cesse de vouloir renouveler le style décoratif français, profitant des opportunités offertes par la reprise des chantiers royaux. Pour mener à bien leur recherche, la nouvelle équipe n’hésite pas à puiser non seulement aux sources de l’art de Fontainebleau, que chez les Flamands italianisants contemporains, amenant ainsi plusieurs distorsions dans leurs emprunts. C’est ainsi que le flamand Ambroise Dubois et le français Toussaint Dubreuil (prématurément disparu en 1602) synthétisent leurs apports par des compositions aux distorsions fantaisistes et aux nus érotiques, par un style brillant et éclectique. Pour autant la flamme semble bien éteinte et les confusions d’espace et d’échelle dans la plupart des compositions masquent la pauvreté de l’imagination et du style.
À la différence de la Première école de Fontainebleau, aucun artiste français de la seconde génération, n’atteint la valeur et le charisme du Rosso ou du Primatice. Malgré sa volonté d’indépendance et de renouveau, cette école reste trop souvent attirée par les éléments voyants et fantastiques des modèles italiens, caractérisés par des perspectives extrêmes et une palette outrée et acidulée ; trop d’œuvres sombrent alors dans une formule confuse et un érotisme évident, signes d’une compréhension superficielle de l’art de la Renaissance tardive27.
Si la Seconde école de Fontainebleau réunit des artistes français tels que Jacob Bunel, Guillaume Dumée, Gabriel Honnet ou le déjà baroque Martin Fréminet, pour réaliser les décors des résidences royales, seul Antoine Caron impressionne par son art de cour extrêmement sophistiqué. Ses tableaux ressemblent étrangement à de gigantesques ballets, inspirés sans doute des divertissements préférés de la cour de Catherine de Médicis, son principal mécène27.
Désormais moins focalisées sur les sujets mythologiques ou allégoriques, inspirés de l’Antiquité, la Seconde école de Fontainebleau se tourne plus volontiers vers les thèmes romanesques et littéraires issus des chansons du Tasse et de l’Arioste : Les sujets tirés de la Jérusalem délivrée ou de la Franciade connaissent alors un succès retentissant. Pour autant, les thèmes religieux restent toujours aussi prisés, car souvent liés à des commandes prestigieuses, parfaitement illustrées dans le décor déjà baroque de la chapelle de la Trinité réalisée par Fréminet, comme une nouvelle « Sixtine française » du xviie siècle25.
Par la somptuosité de ses décors, le château de Fontainebleau, redevient pour un temps un centre artistique majeur ajoutant au rayonnement de la nouvelle dynastie, les échanges entre l’art proprement parisien et l’art bellifontain semblant alors s’intensifier24.
Pour autant, les liens qui unissent la France d’Henri IV et de Marie de Médicis aux grands centres artistiques européens, permet à cette nouvelle équipe bellifontaine de se placer dans un cadre plus large, en connexion avec Florence, Anvers ou encore Nancy, dont le centre artistique brillant est dominé par Jacques Bellange (mort en 1616) mais dont le style s’alourdit inoxorablement sous l’influence de Jean de Hoey et de Jérôme Franck25.
Si de nombreuses œuvres d’artistes de la Seconde école de Fontainebleau ont malheureusement disparu, la conservation au château d’Ancy-le-Franc, d’un vaste ensemble de décors, se rattachant à la fois à la première et à la seconde école de Fontainebleau, en fait aujourd’hui l’un des témoins majeurs de la production picturale française de la Renaissance30.
En conclusion, le célèbre tableau représentant Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs, résume parfaitement les caractéristiques de la peinture française de la cour royale de l’époque, mélant sensualité, fraîcheur des couleurs et influence de la peinture italienne de la Renaissance. En se dintingant des maîtres de la première école, par une couleur plus chaude et plus contrastée, l’art de ces peintres encore pétri des modèles du premier maniérisme italien, a joué un rôle indéniable de transition avec l’art parisien du début du xviie siècle, en exprimant autant les tendances nouvelles du Classicisme que celles du Baroque24.
Malgré tout, l’éclat des œuvres de la Première école est tel que des maîtres comme Primatice et Nicolò dell’Abbate, continuent d’exercer une influence déterminante durant toute la période : ils resteront d’ailleurs une référence majeure au xviie siècle pour des classiques comme Laurent de La Hyre, Jacques Blanchard, Lubin Baugin et même les frères Le Nain.
Les jardins de la Renaissance
Les jardins de la Renaissance française sont un style de jardin inspiré à l’origine par les jardins de la Renaissance italienne, qui a évolué par la suite pour donner naissance au style plus grandiose et plus formel du jardin à la française sous le règne de Louis XIV, à partir du milieu du xviie siècle15.
En 1495, le roi Charles VIII et ses nobles rapportèrent le style Renaissance en France à la suite de leur campagne guerrière en Italie15. Les jardins de la Renaissance française connurent leur apogée dans les jardins du château royal de Fontainebleau et des châteaux de Blois et Chenonceau.
Esthétique
Les jardins de la Renaissance française sont caractérisés par des plates-bandes ou parterres symétriques et géométriques, des plantes en pots, des allées de sable et gravier, des terrasses, des escaliers et des rampes, des eaux courantes sous forme de canaux, de cascades et de fontaines monumentales, et par l’usage extensif de grottes artificielles, de labyrinthes et des statues de personnages mythologiques31. Ils devinrent une extension des châteaux qu’ils entouraient, et furent conçus pour illustrer les idéaux de mesure et de proportion de la Renaissance et pour rappeler les vertus de la Rome antique31.
Les jardins de la Renaissance passent de l’enclos utilitaire, tout chargé de symbolique chrétienne, à de larges perspectives utilisant le vocabulaire païen et dont le but principal est la seule délectation, le plaisir. Les considérations esthétiques et personnelles deviennent alors primordiales32. L’espace du jardin subit de moins en moins l’influence des préceptes religieux (nonobstant les visions d’Érasme, de Palissy). Les références iconologiques ne sont plus qu’exclusivement classiques : elle appartiennent à la mythologie par l’emploi de sa symbolique, des thèmes illustrés, de la statuaire… Les jardins ont aussi une dimension politique (les grands jardins sont dessinés à la gloire du maître des lieux), et l’évolution de l’art de vivre en fait le cadre de fêtes et de fastueux banquets. Leur histoire est aussi le reflet de celle, parallèle, de la botanique (introductions de nouvelles espèces, approche de plus en plus scientifique) et de l’évolution des théories et pratiques culturales32.
Une influence italienne
Au xiiie siècle, l’architecte paysagiste italien, Pietro de’ Crescenzi publia un traité, intitulé Opus Ruralium Commodium, qui présentait un plan formel pour les jardins, ornés de sculptures topiaires, d’arbres et arbustes taillés en formes architecturales, suivant une tradition commencée par les Romains. Le roi Charles V de France le fit traduire en français en 1373, et le nouveau style italien commença à apparaître en France15.
Un autre écrivain de grande influence fut Leon Battista Alberti (1404–1472), qui écrivit en 1450 un livret, De re aedificatoria, pour Laurent de Médicis. Il appliquait les principes géométrique de Vitruve pour dessiner les façades de bâtiments et les jardins. Il suggéra que les habitations devaient avoir une vue sur les jardins, et que les jardins devaient avoir des « portiques pour donner de l’ombre, des berceaux où les plantes grimpantes pousseraient sur des colonnes de marbre, et qu’il devait y avoir des vases et même des statues amusantes, pourvu qu’elles ne soient pas obscènes »33.
Dans son dessin des jardins du Belvédère à Rome, l’architecte Bramante (1444–1544) introduisit l’idée de perspective, utilisant un axe longitudinal perpendiculaire au palais, le long duquel il disposait des parterres et des fontaines34. Cela devint une caractéristique centrale des jardins de la Renaissance.
Un roman populaire du moine Francesco Colonna, publié à Venise en 1499, intitulé Le Songe de Poliphile, voyage allégorique de Poliphile dans des contrées imaginaires à la recherche de son amour, Polia, eut une énorme influence sur les jardins de l’époque. Des idées, comme celle d’une « île-jardin » dans un lac, telle celle du jardin de Boboli à Florence, de statues de géants sortant de terre dans le parc de la villa de Pratolino, et le thème du labyrinthe, firent toutes reprises des voyages imaginaires de Poliphile34. Tous ces éléments devaient apparaître dans les jardins de la Renaissance française.
Le château de Blois
En 1499, Louis XII confia la réalisation des jardins du château de Blois à la même équipe qui fut engagée par la suite par Georges d’Amboise pour réaliser des parterres sur différents niveaux à son château de Gaillon : le jardin y était planté de parterres de fleurs et d’arbres fruitiers35.
Lorsque Louis XII décède en 1515, François Ier fait réaliser des jardins dans le nouveau style sur trois terrasses à des niveaux différents entourées par les vieux murs de son château de Blois34.
Après lui son fils Henri II lance des travaux d’embellissement du jardin36. Le jardin du Roi se trouve orné de berceaux de verdure qui font échos à ceux du jardin de la Reine. Vers 1554, on y trouve aussi des allées en croix avec quatre cabinets à l’intersection des quatre allées. Un étang artificiel est également construit au lieu-dit des Bornaz vers 155636.
À sa suite, François II entreprend de faciliter la liaison entre les jardins de Blois et la forêt toute proche, il crée des allées, les marques de petits pavillons de charpente, les soulignent par la plantation d’ormes et la création de fossés36.
Les jardins de Blois marquent dans l’histoire du jardin français un pas important. En effet, avec Blois les jardins s’agrandissent et terrasse haute fait son apparition dans le jardin français. La composition française reste cependant très morcelée, en comparaison de son cousin italien dans lequel l’unité règne déjà36. Pour autant l’effort fait à Blois dans l’introduction des éléments décoratifs transalpins est clairement visible, par l’importation de larges parterres, de fontaines ornées et italianisées et surtout par la tentative de créer un jeu d’eau jaillissante dans les jardins34.
Blois ne marquent cependant pas un tournant dans l’art des jardins de laPpremière Renaissance, il constitue un jalon, un laboratoire de recherche comme il y en eut de nombreux autres en Val de Loire, à Bury, Azay-le-Rideau ou Chenonceau.
Outre les parterres de fleurs, les jardins produisaient une grande variété de légumes et de fruits, y compris des orangers et citronniers dans des bacs, qui étaient rentrés en hiver16. Le bâtiment qui les abritait, qui existe toujours, fut la première orangerie de France36.
Les jardins du château de Blois disparaissent progressivement au cours du xviie siècle, faute d’entretien et laissent place au xixe siècle à l’Avenue de l’Embarcadère, aujourd’hui Avenue du docteur Jean laigret, afin de faciliter les travaux de la gare ferroviaire (1847). Les derniers vestiges du jardin sont détruits en 1890 lors de la création de la place Victor-Hugo34.
Le château de Chenonceau
Le château de Chenonceau avait deux jardins distincts, le premier créé en 1551 pour Diane de Poitiers, favorite du roi Henri II, avec un grand parterre et un jet d’eau, et le second, plus petit, créé pour Catherine de Médicis en 1560 sur une terrasse construite au-dessus du Cher, divisé en compartiments, avec un bassin au centre16.
En guise d’introduction, une Grande allée d’honneur mène au château sur près d’un km. De chaque côté de cette allée : la ferme du xvie siècle à droite, le Labyrinthe et les Cariatides à gauche.
On compte deux jardins principaux : celui de Diane de Poitiers et celui de Catherine de Médicis, situés de part et d’autre de la Tour des Marques, vestige des fortifications précédant l’édification du château actuel.
En 1565 les jardins de la rive gauche du Cher sont « nouvellement construits », comme le décrit Sonia Lesot dans son ouvrage37 :
« La fontaine du rocher de Chenonceau construite par Bernard (Palissy) pour Catherine (de Médicis); elle était déjà existante du temps de Diane de Poitiers, et avait servi à alimenter les bassins de son parterre […] (dans) le parc de Francueil, sur la rive gauche du Cher […] fut aménagé un jardin bas en bordure du fleuve, composé de deux vastes carrés séparés d’une allée tracée dans le prolongement de la galerie, accentuant l’axe Nord-Sud déjà si fort. Le coteau était percé de grottes. »
Le jardin de Diane de Poitiers, dont l’entrée est commandée par la maison du Régisseur : la chancellerie, construite au xvie siècle ; au pied de laquelle se trouve un embarcadère, agrémenté d’une vigne, accès indispensable à toute promenade sur le Cher.
En son centre se trouve un jet d’eau, décrit par Jacques Androuet du Cerceau dans son livre, Les plus excellents bastiments de France (1576). D’une conception surprenante pour l’époque, le jet d’eau jaillit d’un gros caillou taillé en conséquence et retombe « en gerbe » vers un réceptacle pentagonal de pierre blanche16. Ce jardin est protégé des crues du Cher par des terrasses surélevées depuis lesquelles on a de beaupoints de vue sur les parterres de fleurs et le château.
Le jardin de Catherine de Médicis est plus intime, avec un bassin central, et fait face au côté Ouest du château.
La décoration florale des jardins, renouvelée au printemps et en été, nécessite la mise en place de 130 000 plants de fleurs cultivés sur le domaine37.
Le château de Fontainebleau
Les jardins du château de Fontainebleau, situés dans une forêt qui a été la réserve de chasse des rois capétiens, ont été créés par François Ier à partir de 1528. Les jardins comprennent des fontaines, des parterres, un forêt de pins apportés de Provence et la première grotte artificielle de France en 1541. Catherine de Médicis commanda des copies en bronze des statues qui ornaient le Belvédère à Rome. Une statue d’Hercule au repos de Michel-Ange orne le jardin du lac. En 1594, Henri IV ajouta une petite île dans le lac, reliée à la cour des fontaines par un pont38.
Le parc de Fontainebleau s’étend sur 115 hectares. Celui qui s’élevait sous François Ier nous est connu grâce aux dessins de Jacques Ier Androuet du Cerceau, et à ses planches gravées dans son ouvrage Les plus excellents bastiments de France.
Le jardin de Diane, au Nord du château, fut élevé par Catherine de Médicis sur un espace déjà aménagé par François Ier et portait à l’époque le nom de Jardin de la Reine. Tracé en parterres réguliers, le jardin fut réaménagé sous Henri IV et cloisonné au nord par une orangerie mais il est à nouveau remanié sous Louis XIV avant d’être transformé en jardin anglais au xixe siècle, sous Napoléon Ier puis Louis-Philippe, où l’orangerie est détruite. Ce jardin doit son nom à la Fontaine de Diane élaborée par Francini en 1603 et surmontée de la Diane à la biche réalisée par le bronzier Barthélemy Prieur.
La Grotte du jardin des Pins située au rez-de-chaussée du pavillon sud-ouest de la Cour du Cheval Blanc et caractéristique du goût pour les nymphées au xvie siècle, présente des arcades à bossages rustiques soutenues par des atlantes se présentant sous la forme de satyres monstrueux ouvrant sur un intérieur orné de fresques (animaux en reliefs, cailloux, coquillages, etc.). Son architecture due à Serlio ou à Primatice (les avis sont divergents) dénote une influence certaine des réalisations contemporaines de Jules Romain39, fut très vraisemblablement réalisée en 154540, tandis que le décor intérieur ne fut terminé que sous Henri II. Grâce à deux dessins préparatoires conservés au musée du Louvre, on sait que Primatice est le concepteur des compartiments peints à fresques. La Grotte des Pins a fait l’objet d’importantes restaurations, en 1984-1986 puis en 2007, qui ont permis de rétablir la composition initiale du décor de la voûte et de replacer le sol à son niveau ancien.
Située au milieu du jardin, au creux d’un bosquet41, la fontaine Bliaud ou Blaut, appelée Belle-Eau dès le xvie siècle et qui donna son nom au château, s’écoule dans un petit bassin carré à pans coupés.
Le « Parterre », ou « Grand Jardin », ou encore « jardin du Roi » a été créé sous François Ier, et retracé sous Henri IV puis redessiné par André Le Nôtre. Les bassins du Tibre et de Romulus puisent leur nom dans un groupe sculptural qui les orna successivement aux xvie – xviie siècles. Fondu pendant la Révolution, le Tibre, moulé à nouveau d’après l’original conservé au musée du Louvre, a aujourd’hui retrouvé sa place. Le bassin central fut orné en 1817 d’une vasque succédant à une fontaine en forme de rocher dite le « pot bouillant » qui existait à cet emplacement au xviie siècle. Clos de murs entre 1528 et 1533, Serlio avait imaginé pour ce jardin un pavillon d’agrément. Aménagé entre 1660 et 1664, il comportait des rinceaux formant les chiffres du roi Louis XIV et de la reine-mère Anne d’Autriche, qui disparurent au xviiie siècle. Les terrasses furent plantées de tilleuls sous Napoléon Ier.
Le bassin des cascades a été édifié en 1661–1662 à l’extrémité du Parterre, mais depuis le xviiie siècle, ne présente plus qu’un bassin aux niches ornées de marbre. Le bassin est orné en son centre depuis 1866 d’un Aigle défendant sa proie en bronze, par Cain (fonte par Vittoz)42.
Le parc de près de 80 hectares a été créé sous Henri IV, qui y fait creuser le Grand canal de 1,2 km de long entre 1606 et 1609, et y fait planter plusieurs essences d’arbres, notamment des sapins, des ormes et des arbres fruitiers. Précédemment François Ier avait vers 1530 établi la « treille du roi », longue elle aussi de 1,2 km, où était cultivé sur la face sud du mur le chasselas doré de Fontainebleau43. Le canal, précédant de près de 60 ans celui des jardins de Versailles, devient vite un lieu d’attraction. On pouvait s’y promener en bateau et Louis XIII y fit naviguer une galère. Il est alimenté par plusieurs aqueducs établis au xvie siècle.
Le château de Saint-Germain-en-Laye
Les jardins du château de Saint-Germain-en-Laye marquent le début de la transition vers un nouveau style, qui sera appelé par la suite « jardin à la française ». Ces jardins ont été tracés en 1595 par le jardinier royal Claude Mollet, pour le roi Henri IV16.
Les dessins faits par Alessandro Francini en 1614 montrent qu’à cette date les escaliers en hémicycles partant de la première terrasse réalisée devant le château en 1563 et entourant la Fontaine de Mercure sont réalisés, probablement dès 1594, ainsi que les escaliers menant à la troisième terrasse.
En 1599, Henri IV a décidé de changer le plan du jardin et décide de construire sur la troisième terrasse une galerie dorique contre le mur de soutènement s’ouvrant sur le jardin et contenant des grottes aménagées sous la deuxième terrasse. Thomas Platter indique dans son récit de voyage qu’en novembre 1599, Tommaso Francini avait terminé la Fontaine du Dragon, au centre de la galerie, et le Grotte de Neptune ou du Triomphe marin, sous la rampe sud, il était en train de construire la Grotte des Orgues (ou de la Demoiselle) sous la rampe nord. Des grottes sont aménagées sous la troisième terrasse : la Grotte de Persée, la Grotte d’Orphée et la Grotte des Flambeaux. L’histoire de la réalisation de cette partie du jardin est mieux comprise à partir des archives retrouvées à Florence16.
Les travaux se poursuivant avec l’aménagement des grottes avec leurs automates mus par des jets d’eau, dus aux frères Thomas et Alexandre Francini. Les parterres du jardin à la française, qui s’étalent jusqu’à la Seine sur cinq terrasses, ont été conçus par le paysagiste Étienne Dupérac et le jardinier Claude Mollet. Celui-ci écrit dans son livre Théâtre des plans et jardinages qui a reçu l’ordre du roi de planter le jardin du château neuf en 159544.
Charles Normand indique avoir trouvé dans les archives nationales un contrat d’échange avec le seigneur de Bréhant daté du 1er septembre 1605 permettant au roi d’acquérir les terres et seigneuries du Pec et du Vézinay. Par lettres patentes du 17 février 1623, le roi accorde à Tommaso Francini, sieur des Grands-Maisons (commune de Villepreux), « la charge d’intendant des eaux et fontaines des maisons, chasteaux et jardins de Paris, Saint-Germain-en-Laye, Fontainebleau et autres généralement quelconques, pour en jouir aux honneurs et pouvoirs y mentionnez, et aux gages de douze cens livres par an, pour y faire avec dix-huit cens livres dont il jouissait la somme de trois mil livres ». En 1625, Tommaso Francini est cité dans un acte comme ingénieur en artifice d’eaux reçoit « pour l’entretenement des grottes dud. chasteau de Sainct-Germain, la somme de douze cens livres ». En 1636, il reçoit 900 livres pour les grottes du château de Saint-Germain.
André Du Chesne décrit le jardin avec ses grottes en 1630 dans Les Antiquitez et recherches des villes, chasteaux et places plus remarquables de toute la France45.
À partir de 1649, les jardins ne sont plus entretenus à cause des guerres de la Fronde.
Vers 1660, la terrasse supérieure s’effondre en détériorant l’escalier en hémicycle et les grottes de la galerie dorique. Un nouvel escalier à rampes droites est construit en 1662 et les grottes sont restaurées mais pas les mécanismes hydrauliques.
Lorsque la Révolution arrive, le château Neuf de Saint-Germain-en-Laye est saisi comme bien national. Il est alors vendu à l’ancien régisseur du comte d’Artois qui le démolit afin de lotir le terrain et de vendre les matériaux. Il n’en reste aujourd’hui que le Pavillon Henri IV, le Pavillon du jardiner, une terrasse et ses deux rampes au bout de la Rue Thiers qui surplombe l’Avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny et quelques vestiges dans les caves du quartier (au 3 rue des Arcades, par exemple).
Le château de Villandry
Les jardins du château de Villandry, dans le département d’Indre-et-Loire, sont la reconstitution à partir de textes anciens d’un jardin de la Renaissance typique du xvie siècle.
Ces jardins sont divisés en quatre terrasses : une terrasse supérieure comportant le jardin du soleil (création 2008), une avec le jardin d’eau entouré d’un cloître de tilleuls, puis une terrasse accueillant le jardin d’ornement ou jardin de broderies de buis taillés et d’ifs en topiaire et enfin une terrasse inférieure avec le potager décoratif, lui aussi formant un dessin de broderie.
Le jardin d’ornement situé au-dessus du potager prolonge les salons du château. Monter jusqu’au belvédère permet d’avoir une vue magnifique sur l’ensemble. Il est constitué des jardins d’amour divisés en 4 ensembles :
- L’amour tendre symbolisé par des cœurs séparés de petites flammes.
- L’amour passionné avec des cœurs brisés par la passion, gravés dans un mouvement rappelant la danse.
- L’amour volage avec 4 éventails dans les angles pour représenter la légèreté des sentiments.
- L’amour tragique avec des poignards et des glaives pour représenter la rivalité amoureuse.
Le jardin d’eau à l’extrémité sud de l’ensemble est de création classique autour d’une large pièce d’eau représentant un miroir Louis XV et entouré d’un cloître végétal de tilleuls.
L’ensemble comprend aussi un labyrinthe planté de charmilles, dont le but est de s’élever spirituellement jusqu’à la plateforme centrale, un jardin des simples, c’est-à-dire des plantes aromatiques et médicinales, traditionnel au Moyen Âge, la Forêt avec des terrasses fleuries autour d’une serre et d’un beau pavillon du xviiie siècle, le Pavillon de l’Audience, enfin le jardin du soleil, le dernier-né, avec 3 espaces de verdure, la chambre des nuages aux tons bleus et blancs, la chambre du soleil où dominent les jaune-orangé et la chambre des enfants avec ses pommiers.
Les fontaines et tonnelles du jardin ont été restaurées à partir de 199446. Les jardins forment un ensemble limité au nord par la route de Tours, au sud par le chemin rural de la Bergerie, à l’ouest par le mur de clôture longeant le labyrinthe végétal.
Ils ont obtenu le label de Jardin remarquable47
Chronologie du jardin de la Renaissance française48
- Château-Gaillard (Amboise) (1496)
- Château d’Amboise (1498)
- Château de Blois (1499) – (jardins détruits au xixe siècle.)
- Château de Gaillon (1502 à 1550)
- Château de Bury (1511–1520)
- Château de Chenonceau, (1515–1589) jardins de Diane de Poitiers (1551) et de Catherine de Médicis (1560)
- Château de Chantilly (1524)
- Château de Fontainebleau (1528-1447)
- Château de Saint-Maur (1536)
- Château d’Anet (1536)
- Château de Saint-Germain-en-Laye (1539–1547) – château vieux et jardins
- Château de Villandry (1536)
- Château d’Anet (1546–1559)
- Château de Montceaux (1549–1560)
- Château de Vallery (1550)
- Château de la Bastie d’Urfé (1551)
- Château de Dampierre-sur-Boutonne (1552–1600)
- Château de Saint-Germain-en-Laye (1539–1547) – château neuf et terrasses
- Château de Charleval (1560)
- Jardins et palais des Tuileries (1564–1593)
- Château de Verneuil (1565)
- Château d’Anet (1582) nouveaux jardins.
- Château de Fontainebleau (1594–1609) nouveaux jardins de Claude Mollet
- Jardin des Tuileries à Paris (1599) par Claude Mollet, Delorme, Duperac
- Jardin du Luxembourg à Paris (1612–1630)
- Jardin du château d’Ambleville (Reconstitution moderne commencée vers 1928)
La Peinture
Voir : Peintres français du xvie siècle
La peinture française est, en France davantage qu’en Italie, portée par le mouvement d’édification des châteaux lancé par les princes. Ainsi le Connétable de France Anne de Montmorency, lorsqu’il fit bâtir sa plus grande demeure, le château d’Écouen, engagea un grand nombre d’artistes, célèbres ou inconnus, pour créer des décorations intérieures Certains d’entre eux vinrent depuis l’Italie et furent rendus célèbres par leurs créations à Écouen. Ainsi, toutes les cheminées du château sont peintes dans un style très italien, les murs comportent de larges frises et les sols sont en faïences colorées.
De nombreux peintres italiens puis flamands sont engagés à la cour de François Ier et de ses successeurs et participent à la décoration des demeures royales et des châteaux de la noblesse. Ces artistes créent une école de peinture inspirée du maniérisme italien tempéré appelée école de Fontainebleau, rappelant le rôle décisif de ce chantier des rois François Ier, Henri II et Henri IV dans l’implantation et la diffusion du style Renaissance en France. Ses représentants les plus célèbres sont Rosso Fiorentino, Le Primatice et Nicolò dell’Abbate sous François Ier, puis, sous Henri IV, Ambroise Dubois et Toussaint Dubreuil.
En France, l’art du portrait peint était déjà connu et répandu depuis le milieu du xve siècle, notamment grâce à Jean Fouquet puis Jean Perréal, mais il prend véritablement de l’ampleur au cours de la Renaissance, au xvie siècle, grâce à Pierre et Daniel Dumonstier. Les portraitistes attitrés du roi Jean Clouet et son fils François, au style d’une grande précision et d’une grande finesse (dessins préparatoires réalisés avant l’exécution des portraits peints), perpétue le style du Rosso. Ils influencent des portraitistes plus tardifs tels que Corneille de Lyon et François Quesnel alors qu’Antoine Caron, ancien collaborateur du Primatice, évoque aussi bien les fêtes de la Cour des Valois que les violences des guerres civiles dites « de religion », marquées par le massacre de la Saint-Barthélemy10.
Les Italiens
Fiorentino Rosso (1494-1540)
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Portrait posthume du Rosso Fiorentino par Giorgio Vasari (vers 1572, Casa Vasari, Florence).
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Décor de peintures, de frises, de fresques et de modèles de cuirs découpés et de stucs de la Galerie François Ier.
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Stuc représentant un jeune homme de la galerie François Ier.
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Le Sacrifice de la galerie François Ier du Rosso à Fontainebleau (1534-1539).
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Eléphant à fleurs de lys de la galerie François Ier du Rosso à Fontainebleau (1534-1539).
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Bacchus, Vénus et l’Amour (vers 1531, musée du Luxembourg).
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Le Christ mort ou La Pietà (entre 1537 et 1540, musée du Louvre).
Giovanni Battista di Iacopo (1495-1540) fut surnommé Rosso Fiorentino, « le rouquin florentin », en raison de sa couleur de cheveux et de sa ville d’origine. Formé à Florence dans l’atelier d’Andrea del Sarto, et très influencé par l’art de Michel- Ange, il exerça une activité à Florence, puis à Rome de 1524 à 1527, avant de revenir en Toscane. En 1530, alors qu’il se trouve à Venise, invité par le dramaturge italien Pierre l’Arétin, il a la chance d’être présenté à François Ier qui, charmé, ne tarde pas à l’appeler en France49. Son arrivée à Paris, en octobre 1530 va marquer un véritable tournant dans l’art français, par la pleine acceptation de la Renaissance dans tous les domaines artistiques. Il est avec le Primatice le créateur de l’école de Fontainebleau50.
En pleine Renaissance française, le roi Valois est un admirateur de l’art italien. La cour de France va alors donner les moyens au Rosso de développer réellement tous ses talents d’artiste de cour : peintre, dessinateur, concepteur de décors fixes et éphémères, et d’objets d’art49… Sa Majesté est conquise par cet artiste cultivé et musicien. Elle le comble alors de largesses et lui confie la décoration du château de Fontainebleau. C’est ainsi que le Rosso réunit autour de lui une équipe d’artistes italiens pour l’aider à la réalisation de décors.
Pendant près d’une décennie, Le Rosso tout en créant des œuvres indépendantes dirige la décoration de Fontainebleau. Plusieurs des ensembles et des œuvres qu’il a conçus ont disparu. On peut citer le pavillon de Pomone, le pavillon des Poesles, la galerie basse. Mais c’est surtout la grande galerie François Ier reliant l’ancien et le nouveau château de Fontainebleau, réalisée principalement entre 1533 et 1537, qui demeure son chef-d’œuvre fait d’un décor orné de peintures, de frises, de fresques et de modèles de Cuirs découpés et de stucs49 Un motif récurrent de la galerie est l’emblème animal du roi, la salamandre. Le Rosso est récompensé par sa nomination de premier peintre du roi et de chanoine de la Sainte-Chapelle. L’artiste participe alors à la création d’une vaisselle somptuaire et crée pour le roi un baton cantoral (sceptre) avec hampe fleurdelysée, surmontée d’un édicule à colonne portant en son centre une statuette de la Vierge. De la dernière période de sa vie, mis à part les dessins préparatoires à l’attention des graveurs Antonio Fantuzzi, Boyvin ou l’inconnu maître L.D, il ne reste que de rares peintures à caractère religieux qui nous soit conservée de sa période française, à l’exemple du Christ mort une Pietà visible au musée du Louvre51.
La fin de l’artiste est obscure. L’artiste avare aurait accusé son ami fidèle, Francisco di Pellegrino d’avoir volé ses économies. Ce dernier soumis à la torture sauve son innocence. Le Rosso, désespéré d’avoir perdu son ami, se serait supprimé par empoisonnement à la fin de l’année 1540. La biographie rédigée par Giorgio Vasari qui s’appesantit sur cette fin tragique est aujourd’hui mise en doute.
Le Primatice, son adjoint bellifontain depuis 1532 et de plus en plus son rival autoritaire et affiché, supprime après 1540 sous prétexte d’agrandissement ou de sa prédilection pour la sculpture en piédestal nombre d’œuvres décoratives du maître roux.
C’est l’Arétin, écrivain célèbre et influent, qui avait recommandé le Rosso à François Ier. À Paris, où on l’appelait le maître Roux, l’ascension sociale de l’artiste florentin, à la fois peintre sculpteur et architecte, fut extrêmement rapide. Le roi lui assurait un salaire très élevé et, en 1532, le fit chanoine de la Sainte-Chapelle. À ce titre s’ajouta, cinq ans plus tard, le canonicat à Notre-Dame. Mais Rosso souffrait chroniquement d’une humeur instable; elle lui fut fatale le 14 novembre 1540, quand il mit fin à ses jours49.
Par son influence, le Rosso est le fondateur de la première école de Fontainebleau qui lance la Renaissance française dans l’art de la peinture52. Ce décorateur érudit, attiré par le bizarre et le spectaculaire, tout en racontant une histoire à plusieurs niveaux de lecture ou d’émotion, bouscule les genres établis et demeure une source d’évolution durable de l’art d’ornementation des cours princières du Nord de l’Europe.
Francesco Primatice (1504-1570)
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L’Enlèvement d’Hélène (1530-1539, musée Bowes, Angleterre).
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La Charité, 1550-1560, musée Bonnefanten, Maastricht
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La Ronde des heures, 1548, galerie d’Ulysse (Städel, Francfort-sur-le-Main).
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La Sainte Famille avec Ste Elisabeth et St Jean-Baptiste, musée de l’Ermitage.
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Alexandre domptant Bucéphale du Primatice, ancienne Chambre de la duchesse d’Étampes (Fontainebleau, 1552).
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Annonciation, vers 1544, contre-façade de l’Abbaye de Chaalis.
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L’ange de l’Annonciation de l’Abbaye de Chaalis vers 1544.
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Les apôtres, vers 1544, voûte de la nef de l’abbaye de Chaalis.
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Les instruments de la passion, voûtains du chœur, abbaye de Chaalis vers 1544.
Francesco Primaticcio dit Primatice commence son apprentissage à Bologne, sa ville natale, et c’est auprès d’un élève de Raphaël, Bagnacavallo, qu’il reçoit sa première formation, puis à Mantoue, près d’un disciple de Raphaël, Jules Romain, qui réalise pour Frédéric Gonzague l’un des édifices majeurs de l’époque, le palais du Té. Dans un décor qui envahit les murs et les voûtes, toutes les ressources du maniérisme sont mises en œuvre pour célébrer l’Amour en évoquant les amours des dieux ou pour suggérer la terreur par la représentation d’affrontements titanesques.
Le Primatice acquiert près de lui l’aptitude aux transpositions fabuleuses et le sens d’un art décoratif complet où les ornements de stuc prennent une importance nouvelle. Il devient expert en ce domaine, mais c’est en France, au château de Fontainebleau, qu’il pourra donner sa mesure.
Il y arrive en 1532, appelé par François Ier qui veut faire de sa demeure favorite un centre d’art vivant et prestigieux. Jusqu’à sa mort, Primatice consacrera l’essentiel de son activité à cette ambitieuse entreprise. Dans un premier temps, il collabore avec un autre maître italien, le Rosso fiorentino, qui assure la direction des travaux et impose son style : une version exacerbée du maniérisme florentin.
L’œuvre du Rosso à Fontainebleau, comme celle du Primatice, a été en grande partie détruite ou défigurée. Pourtant, la restauration de la Galerie François Ier, au xxe permet d’apprécier la cohérence d’un style ornemental où le caprice de l’invention, l’acuité des formes et des rythmes s’expriment également dans les zones peintes et dans les stucs, aux reliefs accentués, aux profils élégants, aux motifs étonnamment diversifiés53.
Le Primatice remplace le Rosso en 1540, à la mort de ce dernier, à la tête des entreprises royales. Il règne en maître sur la pléiade d’artistes et d’ouvriers travaillant aux décors intérieurs du château, aux constructions nouvelles, à l’aménagement des jardins. Il surveille les ateliers de tapisserie et ceux des fondeurs qui exécutent en bronze les statues54.
Les deux missions en Italie que lui avait confiées le roi sont pour lui l’occasion de reprendre contact avec l’art de la péninsule et d’en connaître les plus récentes formulations, qu’il adapte avec aisance à sa manière personnelle. En 1541, Hippolyte d’Este lui commande la réalisation de fresques pour les murs de sa chapelle à l’Abbaye de Chaalis55,56. À Fontainebleau, dans la galerie d’Ulysse (aujourd’hui détruite), le poème d’Homère y était illustré en cinquante-huit panneaux répartis entre les fenêtres, et le plafond comportait quatre-vingt-treize sujets mythologiques sur un fond de grotesques53.
En même temps qu’il réalise la galerie d’Ulysse, le Primatice donne les projets des compositions exaltant l’Amour, l’Harmonie et la Concorde, destinées à la salle de bal, exécutées par Nicolò dell’Abbate53. L’ordonnance de la pièce est de Philibert Delorme qui, sous la règne de Henri II, assume la direction des Bâtiments du roi.
L’avènement de François II (1559) rend au Primatice toutes ses prérogatives: il s’y ajoute le monument du cœur de Henri II, le tombeau du roi, l’ensemble des sculptures destinées à la rotonde des Valois (aujourd’hui détruite) que Catherine de Médicis fait élever à Saint-Denis sur les plans du Primatice.
Le génie multiforme du Primatice a réalisé le rêve de François Ier en donnant à l’école de Fontainebleau, non l’éclat éphémère d’un chantier royal temporairement privilégié, mais le rayonnement d’un mouvement novateur qui a marqué en France de façon décisive l’évolution de la peinture et des arts décoratifs.
Primatice redevient grand maitre des œuvres du roi après la mort de Henri II. À Dampierre, à l’origine manoir devenu princier au xvie siècle, il fera construire dans le pavillon d’angle qui jouxte la tour un véritable sauna, exemple typique de ce goût à l’époque pour un retour à un mode de vie à l’antique.
Nicolò dell’Abbate (1509/1512 – 1571)
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Apollon et le Parnasse, 1552/1556, salle de bal de Fontainebleau.
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La guerre de Troie sur la tribune des musiciens, 1552/1556, Salle de Bal de Fontainebleau.
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Le Rapt de Proserpine, 1552-1570, huile sur toile, musée du Louvre.
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Orphée et Eurydice, 1552-1571, National Gallery, Londres.
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Moïse sauvé des eaux, vers 1560, huile sur toile, musée du Louvre.
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Le vannage du grain, peut-être dû à Giulio Camillo dell’Abbate, fils de Nicolò, 1560-1570, musée du Louvre.
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Cheminée de la Victoire, 1558-1560, château d’Écouen.
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Esaü chassant, vers 1552, château d’Écouen.
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Gravure du projet pour la Galerie d’Ulysse, 1560, musée d’art du comté de Los Angeles.
Nicolò dell’Abbate était un artiste né à Modène, près de Bologne, et qui devint très célèbre en France, jouant un rôle fondamental dans la première école de Fontainebleau. Cette école fut créée par des artistes italiens actifs dans le château de Fontainebleau, où ils ont élaboré un style qui a réverbéré son influence dans l’art français et de l’Europe du Nord également.
Toute la famille dell’Abbate, de père en fils, fut vouée aux arts. On cite avec honneur parmi les peintres modénois, son père Jean, son frère Pierre-Paul, son fils Jules-Camille, son petit-fils Hercule, et son arrière-petit-fils Pierre-Paul. Formé à Modène, il fit son apprentissage dans l’atelier d’Alberto Fontana et fut un des élèves d’Antonio Begarelli.
En 1540 il entre au service des seigneurs de Scandiano, à 27 km de Modène. Entre 1540 et 1543, il décora également la Rocca des princes Meli Lupi à Soragna au nord-ouest de Parme. Il travailla ensuite à Bologne entre 1548 et 1552, au service d’une clientèle fortunée d’ecclésiastiques et de banquiers57.
À Bologne, son style subit l’influence du Corrège et du Parmesan. Ses nombreux portraits évoquent ceux de Pontormo.
En 1552, Niccolò dell’ Abate est invité en France au service d’Henri II58 (on l’appelle alors souvent Nicolas Labbé). Au château de Fontainebleau, il collabore à la décoration de l’édifice royal, sous la supervision du Primatice (1504-1570), un autre artiste fondamental de l’École de Fontainebleau, ainsi que le peintre florentin Rosso (1494-1540). Deux ans plus tard, il donne le dessin du projet de décor en l’honneur du Connétable Anne de Montmorency.
À Paris, il exécute des fresques aux plafond de l’Hôtel de Guise (maintenant disparues), d’après les dessins du Primatice. L’artiste reçoit alors beaucoup de commandes de caractère privé, telles que de petits tableaux portables de sujets mythologiques insérés dans des paysages. Une bonne partie de sa production artistique est ainsi consacrée au genre des apparats décoratifs éphémères, réalisés à l’occasion de moments importants qui marquaient la vie de la cour royale. Le principal exemple reste le cycle de décorations réalisées pour l’entrée triomphale à Paris de Charles IX et de sa femme Élisabeth d’Autriche en 1571, l’année de la mort de Nicolò dell’Abbate en France.
L’héritage du peintre émilien est constitué surtout par ses paysages qui forment le décor de scènes mythologiques, motifs qui inspireront les artistes français comme Claude Lorrain (1600 – 1682) et Nicolas Poussin (1594-1665).
Les Flamands
Jean Clouet (dit Janet; 1475/85-1540)
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Guillaume Budé (vers 1536), The Metropolitan Museum of Art.
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Marguerite d’Angoulême (vers 1530), Walker Art Gallery.
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Portrait d’un banquier (1522), Art Museum de Saint-Louis
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Renée de France, duchesse de Ferrare (vers 1520, musée Condé de Chantilly).
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Charles de Lorraine (1555, musée Condé de Chantilly).
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Guillaume Gouffier de Bonnivet (1516, musée Condé de Chantilly).
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Anne de Montmorency (1530, musée Condé de Chantilly).
Jean Clouet le jeune (né en 1480 à Bruxelles, mort en 1541 à Paris) est un peintre portraitiste originaire des Pays-Bas bourguignons du xvie siècle. Ses débuts sont mal connus.
Peintre officiel de François Ier, Jean Clouet figure parmi les valets de chambre du roi à partir de 1516, sous les ordres de ses confrères Jean Perréal et Jean Bourdichon. D’origine flamande, il apporta un nouveau style à la peinture de portraits d’apparat en pratiquant, outre la miniature traditionnelle (commentaires de la Guerre gallique), le tableau de chevalet exécuté d’après un dessin au crayon, selon le goût des peintres du Nord.
Il est devenu populaire très tôt au point qu’on lui a attribué presque tous les portraits français du début du xvie siècle. Des deux seuls tableaux de lui attestés par des textes, l’un n’est connu que par une gravure (Oronce Finé), l’autre par une réplique conservée au musée de Versailles (Guillaume Budé).
Mais la célébrité de Jean Clouet vient du groupe de 130 dessins du musée Condé à Chantilly. Les portraits de la famille royale sont généralement attribués au peintre en titre, et par conséquent les tableaux eux-mêmes, comme le célèbre portrait de François Ier au musée du Louvre (vers 1527), dont l’attribution à Jean Clouet remonte à une tradition ancienne et sûre.
La réputation de Jean Clouet n’est sans doute pas usurpée et fut reconnue de tout temps quoiqu’on ait vite confondu son œuvre et celle de son fils François. Jean Clouet a réellement introduit dans l’art du portrait français une finesse nouvelle et fondé en fait une école de portraitistes officiels qui, par Robert Nanteuil et Hyacinthe Rigaud, devait assurer la suprématie française dans ce domaine pendant plus de deux siècles.
Corneille de Lyon (1510-1575)
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René de Batarnay, Comte du Bouchage, DdG no 80, Houston, musée des beaux-arts, Inv. 44.538.
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Portrait d’Antoine de Bourbon, 1548, château royal de Varsovie
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Marie de Guise, vers 1537, Scottish National Portrait Gallery
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Jacqueline de Rohan, DdG no 25, Berlin, Gemäldegalerie, Inv. 2165.
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La comtesse du Bouchage, DdG no 140, Houston, musée des beaux-arts
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Marie de Batarnay, DdG no 141, Houston, musée des beaux-arts
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Inconnue, DdG no 14, Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage.
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Portrait d’une inconnue, 1536 ?, Lyon, musée des arts décoratifs.
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Anne de Pisseleu, duchesse d’Étampes, DdG no 28, 1535-1540, New York, Metropolitan Museum of Art.
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Béatrix Pacheco, comtesse d’Entremont (1533, château de Versailles).
Corneille de Lyon ou Corneille de la Haye (né entre 1500 et 1510 à La Haye et mort en 1575 à Lyon) est un peintre royal de portrait franco–hollandais du xvie siècle.
Quoiqu’il soit connu à son époque sous le nom de Corneille de la Haye, on ne sait rien de sa jeunesse hollandaise et il arrive à Lyon au plus tard en 1533. Réalisant dès 1536 les portraits de plusieurs membres de la famille royale, il obtient le titre de peintre royal en 1541. Malgré cette fonction, il reste dans la cité rhodanienne tout au long de sa vie. En épousant la fille d’un imprimeur de renom, il s’insère dans la notabilité de la ville, et acquiert une solide position sociale, vivant dans le quartier des imprimeurs, près de Notre-Dame-de-Confort.
Il vit de son métier de peintre, et semble coopérer avec d’autres artistes du quartier (peintres ou graveurs). Son atelier conserve une galerie des copies des tableaux des personnages les plus célèbres dont il a fait le portrait. Cela permet aux clients d’en acquérir une nouvelle copie, ou les incite à se faire faire le portrait par un peintre renommé. Ses affaires semblent prospères jusqu’aux guerres de religion, durant lesquelles, malgré son attachement à la religion réformée, il ne semble pas victime d’agression ou de spoliation. Il se convertit sous la contrainte à la religion catholique en 1569.
L’art de Corneille du petit portrait sans décor est novateur pour l’époque. Il acquiert un grand prestige au point que les tableaux de ce style finissent par être désigné comme des « Corneilles ». Travaillant à l’huile sur du bois, il concentre son travail sur le visage et le buste. Corneille est très précis dans la composition des pilosités, cheveux, barbes, qu’il trace quelquefois presque poil à poil. Ses modèles portent rarement de lourds habits décorés, son style reste très sobre. Le fond de ses tableaux est toujours uni, sans décor et il semble travailler sans dessin préparatoire.
Après la Renaissance, la renommée de Corneille s’efface, sa descendance ne prenant pas le relais pour la réalisation de petits portraits. Il est redécouvert au xviie siècle par François Roger de Gaignières. Tombant ensuite encore dans l’oubli, son nom ressurgit au xixe siècle, à partir de citations dans les textes de l’époque. L’extrême difficulté pour trouver des œuvres de références entraînent de sérieux problèmes d’attribution et de reconstitution de son corpus artistique. Plusieurs méprises et confusions sont faites par les historiens de l’art et les amateurs. La première œuvre attribuable sans ambiguïté est découverte en 1962. Plusieurs travaux reprennent les conclusions antérieures et la première synthèse sur l’artiste est réalisée par Anne Dubois de Groër en 1996.
Noël Bellemare (actif entre 1512 et 1546)[modifier | modifier le code]
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Le 14 septembre 1515 : François Ier chargeant contre les Suisses à Marignan (vers 1529-1530, BnF, fol. 1 v°).
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Allégorie de la régence de Louise de Savoie (vers 1520-1522, BnF, Fr5715).
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Histoire universelle de Diodore de Sicile : Antoine Macaut devant François Ier (1534, musée Condé de Chantilly).
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Épîtres du Getty, Saint Paul (1520-1530, Getty Center).
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Saint Jérome (1520-1530, Getty Center).
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Vitrail de la Pentecôte de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois de Paris, Jean Chastellain, début xvie s.
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L’incrédulité de Saaint Thomas, début du xvie s., Jean Chastellain, église Saint-Germain-l’Auxerrois de Paris.
Noël Bellemare est un peintre et enlumineur français d’origine flamande, actif entre 1512 et 1546, à Anvers puis à Paris. On lui attribue des cartons de vitraux ainsi que des miniatures. Une partie de ses enluminures ont été regroupées sous le nom de convention de Maître des Épîtres Getty, sans doute à la tête d’un atelier désigné par ailleurs sous le nom d’Atelier des années 1520.
Noël Bellemare est le fils d’un Anversois et d’une Parisienne. Sa présence est attestée à Anvers en 1512, mais on retrouve sa trace dès 1515 à Paris où il termine et achève sa carrière. Il est installé dans la ville en tant que peintre et enlumineur sur le pont Notre-Dame, aux côtés d’autres artistes et libraires59.
Les archives documentent plusieurs commandes officielles à Paris : il peint le plafond de l’hôtel-Dieu en 1515, il décore l’entrée du pont Notre-Dame en 1531 pour l’entrée d’Éléonore d’Autriche en 1531, un décor du palais du Louvre en collaboration avec Matteo del Nassaro pour la venue de Charles Quint en 1540. Il réalise aussi des dorures au château de Fontainebleau59. Il est mentionné en 1536 comme peintre-enlumineur juré60.
Les premières œuvres du peintre sont influencées par le maniérisme anversois ainsi que par la gravure d’Albrecht Dürer. Par la suite, s’y substitue une influence des peintures de Raphaël ainsi que de Giulio Romano. Cette influence lui vient sans doute de la fréquentation de l’École de Fontainebleau qu’il côtoie en participant aux décors du château61.
Une seule œuvre est réellement attestée par les sources de la main de Noël Bellemare : il s’agit du carton d’un vitrail de la Pentecôte de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois de Paris. Par analogie et comparaison stylistique, un ensemble d’enluminures et de cartons de vitraux lui sont attribués par l’historien de l’art Guy-Michel Leproux.
Le corpus des enluminures qui lui sont attribuées a longtemps été désigné sous le nom de convention de Maître des Épîtres Getty. Ces œuvres ont aussi été regroupées un temps par l’historienne de l’art américaine Myra Orth dans un ensemble plus large de 25 manuscrits et sous le nom d’Atelier des années 152062. Noël Bellemare pourrait en avoir été le chef. Parmi elles, les miniatures attribuées au Maître des Heures Doheny pourraient correspondre à une période plus ancienne du même peintre.
Enfin, certaines des miniatures du Maître des Épîtres Getty sont postérieures à sa mort : il semble que ce même atelier a perduré quelque temps après sa disparition59.
Grégoire Guérard (actif vers 1518-1530)
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Vie de saint Jérôme (1512-1530, musée municipal de Bourg-en-Bresse).
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L’arrestation du Christ (vers 1520, musée des beaux-arts de Dijon).
Grégoire Guérard est un peintre originaire des Pays-Bas, établi à Tournus et actif en Bourgogne entre 1512 et 1530, dans la région d’Autun, de Chalon-sur-Saône et de Bourg-en-Bresse.
C’est un artiste formé dans les Pays-Bas septentrionaux et dont la manière semble redevable d’un séjour en Italie dans les années 1515 et 1518
Selon les sources, il a fourni un triptyque pour l’église des Carmes de Chalon, un autre pour l’église de Saint-Laurent-lès-Chalon, travaillé au château de Brancion et à celui de Balleure pour Claude de Saint-Julien de Balleure, dont le fils Pierre loue les « beaux tableaux, de singuliers et exquis ouvrage, faicts de la divinement docte main de l’excellent peintre Guererd Gregoire Hollandois compatriote et parent d’Érasme de Rotterdam ».
On a récemment attribué à Grégoire Guérard une douzaine de panneaux datés entre 1512 et 1530, conservés, à quelques exceptions près, en Bourgogne du Sud, Bresse ou Franche-Comté. L’élément majeur de cet ensemble est le Triptyque de l’Eucharistie à Autun (1515), et au musée de Dijon, L’Arrestation du Christ et La Présentation au Temple de Dijon (1521) en font partie.
Bartholomeus Pons
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Moïse et Aaron devant le Pharaon (1537, Metropolitan Museum of Art).
Originaire de Haarlem, Bartholomeus Pons est documenté précisément en 1518 dans l’atelier de Grégoire Guérard à Tournus. On peut aujourd’hui l’identifier au Maître de Dinteville (auteur du retable de la Légende de sainte Eugénie à Varzy).
Godefroy le Batave (1515—1526)
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Brutus dirige sa flotte contre Vannes (vers 1520, musée Condé de Chantilly).
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César chez les Vénètes (vers 1520, musée Condé de Chantilly).
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Les otages des Vénètes (vers 1520, musée Condé de Chantilly).
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La Vengeance de César contre le Sénat de Vannes (vers 1520, musée Condé de Chantilly).
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Portraits de François Ier et de Jules César (1519-1520, British Library à Londres).
Godefroy le Batave est un peintre/enlumineur originaire des Pays-Bas septentrionaux actif en France. On le connaît seulement par son activité à la cour de François Ier.
Son nom vient d’une inscription latine l’identifiant comme pictoris batavi dans le 3e volume de son travail le mieux connu, les Commentaires de la Guerre française (1520, musée Condé, Chantilly). Il s’y est également signé Godefroy, signature que l’on retrouve dans les Triomphes de Petrarque (vers 1524, Bibliothèque de l’Arsenal, Paris). Les Commentaires de la Guerre française (1520, musée Condé, Chantilly), le Dominus illuminatio mea (1516, musée Condé, Chantilly) et la Vie de Magdalena (1517, musée Condé, Chantilly) ont été illuminés sous la surveillance directe de leur auteur Franciscain, François Du Moulin ou Demoulins (fl 1502-24), en vue de leur présentation au Roi et à sa mère Louise de Savoie, Comtesse d’Angoulême (1476-1531).
Les manuscrits vernaculaires, minuscules et personnalisés fournissent un aperçu de l’art de cour et du goût français dans les premières années de la Renaissance.
Les Français
Jean Cousin : le père (1490 env.-env. 1560) et le fils (1522 env.-env. 1594)
Jean Cousin l’Ancien (Soucy, près de Sens, vers 1490 ou 1500 – Paris, après 1560), est appelé également le Père, ou le Vieux pour le distinguer de son fils également appelé Jean Cousin. Cet artiste est non seulement peintre, dessinateur et décorateur mais il est également graveur. Jean Cousin l’Ancien représente avec Jean Clouet, le principal peintre français du xvie siècle. Surnommé le « Michel-Ange français »63, son tableau Eva prima Pandora conservé au Louvre reste son œuvre la plus célèbre.
Sa vie est assez peu connue, et de nombreuses œuvres ne lui sont qu’attribuées, parfois exécutées plus probablement par son fils Jean Cousin le Jeune avec qui il est souvent confondu. Un autre sculpteur, non apparenté, porte également le même nom.
C’est dans sa ville natale de Sens, en 1526, que Jean Cousin le Père commence sa carrière en tant que géomètre, y poursuivant son activité jusqu’en 1540. Après avoir réalisé des cartons pour les vitraux de la cathédrale de Sens et un retable pour l’abbaye de Vauluisant en 1530, Jean Cousin le Père s’installe vers 1540 à Paris où il exécute des œuvres importantes64.
En 1541, on lui commande les cartons pour les tapisseries de la Vie de sainte Geneviève et en 1543, il réalise pour le cardinal de Givry les huit cartons de l’Histoire de saint Mammès. Ces tapisseries, qui devaient décorer le chœur de la cathédrale de Langres, ont été exécutées par des lissiers parisiens. C’est alors qu’en 1549, il collabore à l’entrée triomphale du roi Henri II à Paris64.
Il travaille également pour des verriers, et exécute les cartons des vitraux de la chapelle de l’hôpital des Orfèvres, un Calvaire pour l’église des Jacobins de Paris, divers vitraux pour l’église Saint-Gervais (Le Jugement de Salomon, Le martyre de Saint Laurent, La samaritaine conversant avec le Christ, et La guérison du paralytique), l’église de Moret, celles de Saint-Patrice et de Saint-Godard à Rouen65 ainsi que pour le château de Vincennes (L’Approche du Jugement dernier, D’après l’Apocalypse, L’Annonciation de la Sainte Vierge) où il exécute également les portraits en pied de François 1er et Henri II. On attribue également à Jean Cousin des vitraux en grisaille exécutés pour le château d’Anet (dont Abraham rendant à Agar son fils Ismaël, Les Israélites vainqueurs des Amalécites sous la conduite de Moïse et Jésus-Christ prêchant dans le désert).
On ne possède qu’un petit nombre de tableaux de Jean Cousin l’Ancien : l’Eva Prima Pandora, aujourd’hui conservé au Louvre, et La Charité. Ces œuvres attestent, comme les tapisseries de l’Histoire de saint Mammès, l’influence du Rosso, mais Jean Cousin l’Ancien sut interpréter dans un style très personnel l’art de l’école de Fontainebleau64.
Quelques dessins Pénélope, Martyre d’un saint et Jeux d’enfants, sont attribués aujourd’hui à Jean Cousin le Père dont on possède également deux gravures signées : l’Annonciation et la Mise au tombeau .
Théoricien, l’artiste a publié deux traités illustrés de gravures sur bois, le Livre de perspective daté de 1560 ainsi que le Livre de pourtraicture achevé par son fils en 157164. Réimprimé en 1589, aucun exemplaire n’a été retrouvé à ce jour. Il est en revanche probable que ce dernier ouvrage soit celui publié juste après la mort de Cousin le Jeune à Paris en 1595 par David Leclerc, avec des planches gravées de Jean Le Clerc. Ce traité qui constitue d’ailleurs un chef-d’œuvre d’illustration anatomique, fut réimprimé à plusieurs reprises au xviie siècle.
Jean Cousin le Jeune (1522-1594) dit aussi le Fils fut longtemps confondu avec son père dont il fut l’élève66. Jean Cousin le Jeune étudia d’abord à l’université de Paris au moins jusqu’en 154267, puis collabora aux travaux de son père. À la mort de celui-ci, il prit sa suite64.
Sa production semble avoir été importante. En 1563, il collabore aux préparatifs de l’entrée triomphale de Charles IX. Vers 1565, la contribution de Cousin le Père et de Cousin le Fils au monument funéraire de Philippe Chabot, amiral de France, est controversée ; on attribue au fils le cadre ornemental du monument et les quatre génies ailés traités dans un style maniériste très brillant64.
Le seul tableau qu’on attribue a Jean Cousin fils est le Jugement dernier daté de 1585 et conservé au musée du Louvre. Cette œuvre reflète à la fois l’influence du maniérisme florentin et celle de l’art flamand. Un certain nombre de dessins, les illustrations du Livre de Fortune (1568), des Métamorphoses d’Ovide (1570) et des Fables d’Ésope (1582) révèlent un artiste habile influencé par son père, le milieu bellifontain et l’art des pays nordiques64.
Antoine Caron (1521-1599)
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Henri Lerambert, Les Funérailles de l’Amour (1560-1570, musée du Louvre).
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Auguste et la Sibylle de Tibur (vers 1578, musée du Louvre).
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Les Massacres du Triumvirat (1566, musée du Louvre).
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Henri Lerambert, Le Christ et la Femme adultère (vers 1570, musée d’Arts de Nantes).
Antoine Caron, né en 1521 à Beauvais et mort en 1599 à Paris, est un maître verrier, illustrateur et peintre français maniériste de l’école de Fontainebleau.
À la charnière entre les deux écoles de Fontainebleau, Antoine Caron est une des personnalités majeures du maniérisme français. L’un des rares peintres français de son époque à posséder une personnalité artistique prononcée68. Son œuvre reflète l’ambiance raffinée, bien que très instable de la cour de la maison de Valois, pendant les guerres de Religion de 1560 à 1598.
Quittant Beauvais où il peignait depuis l’adolescence des tableaux religieux perdus depuis, Antoine Caron travaille à l’atelier des vitraux de Leprince, puis fait sa formation dans les ateliers du Primatice et de Nicolò dell’Abbate à l’École de Fontainebleau de 1540 à 1550. En 1561, il est nommé peintre de la cour de Henri II et Catherine de Médicis et deviendra plus tard le peintre attitré de celle-ci.
Sa fonction de peintre de la cour incluaient la responsabilité de l’organisation des représentations officielles. Il a, en tant que tel, participé à l’organisation de la cérémonie et de l’entrée royale à Paris pour le sacre de Charles IX et le mariage d’Henri IV avec Marguerite de Valois. Certaines de ses illustrations des festivités à la cour de Charles IX demeurent et constituent vraisemblablement des sources possibles pour la représentation de la cour dans les tapisseries Valois.
Le peu d’œuvres survivantes de Caron comprennent des sujets historiques et allégoriques, des cérémonies de cour et scènes astrologiques. C’est un lettré, et ses scènes savantes et sophistiquées reflètent la brillante culture qui s’est développé à Paris sous le règne des derniers Valois69.
Ses massacres sont réalisées au milieu des années 1560, comme son seul tableau signé et daté, Les Massacres du Triumvirat (1566), conservé au Louvre. Il évoque les masscres perpétrés pendant les guerres civiles romaines, en 43 avant J-C par les triumvirs Antoine, Octave et Lépide. Il s’agirait d’une allusion aux massacres dont les protestants furent victimes, pendant la guerre de religion, principalement à partir de 1561, lorsque trois défenseurs du catholicisme, Anne de Montmorency, Jacques d’Albon de Saint-André et François de Guise se constituèrent en triumvirat pour s’opposer à la politique d’apaisement de Catherine de Médicis69
La composante essentielle de son style est la reprise de la figure très allongée des artistes italiens, même dans les portraits comme Portrait de femme (1577), une gestuelle éloquente, beaucoup de mouvement et de dynamisme. Il donne un aspect très étrange à ses compositions. Ainsi que la vivacité de ses coloris qui participent à ce caractère souvent fantastique donné à ses œuvres.
L’autre aspect emblématique de son œuvre est l’incorporation d’architectures fantaisistes, qui se mêlent parfois à des ruines romaines70. Comme son maitre Nicolò dell’Abbate, il a souvent placé des figures humaines presque insignifiantes au milieu de scènes immenses.
Stylistiquement, son adhésion au maniérisme du Nord se réfère à la typologie de ses personnages. La critique moderne l’appelle « le grand-père du maniérisme »69.
Le peu de documentation de la peinture française de cette époque fait que beaucoup d’œuvres qui lui sont attribuées le sont également à d’autres artistes tels que Henri Lerambert. La relative notoriété d’Antoine Caron contribue à l’association de son nom à des œuvres comparables aux plus connues des siennes71. Dans certains cas, ces toiles, par exemple, la Soumission de Milan à François Ier en 1515 (v. 1570)72 sont désormais attribuées « à l’atelier d’Antoine Caron ».
La Sculpture
Pour la sculpture, François Ier s’est notamment procuré les services de Benvenuto Cellini dont l’art a influencé toute la statuaire française du xvie siècle. Ses autres principaux représentants ont été Jean Goujon et Germain Pilon.
La 2e partie du xvie siècle voit le style Maniériste tempéré dominer, malgré une forte tendance au réalisme : on rémarque le Tombeau d’Henri II et de Catherine de médicis ainsi que le tombeau du Cardinal René de Birague de Germain Pilon, dont l’intensité dramatique rappelle parfois Michel-Ange et annonce le style Baroque10.
La Famille Juste (ou di Giusto di Betti)[modifier | modifier le code]
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Le tombeau de Louis XI (vers 1517, basilique Saint-Denis).
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Transi de Louis XII, exécuté d’après le masque mortuaire du roi (vers 1517, basilique Saint-Denis).
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Transi d’Anne de Bretagne (vers 1517, basilique Saint-Denis).
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Orants de Louis XII et d’Anne de Bretagne (vers 1517, basilique Saint-Denis).
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La Justice (vers 1517, basilique Saint-Denis).
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La Prudence (vers 1517, basilique Saint-Denis).
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Tombeau d’Artus Gouffier (1532-1537, Collégiale Saint-Maurice d’Oiron).
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Tombeau de Thomas James (1507, Dol-de-Bretagne).
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Les Apôtres, soubassement du tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne (vers 1517, basilique Saint-Denis).
Dynastie de sculpteurs, originaires de la région de San Martino a Mensola73, près de Florence, les trois frères Giusto di Betti émigrent dès 1504 en France, à la suite de l’intervention de Louis XII en Italie. Ils finissent par être naturalisés en 1513, sous le nom francisé de « Juste » avant de devenir sculpteurs du roi.
Ils ont été avec Francesco Laurana les représentants les plus brillants et les plus actifs de la sculpture de la Renaissance italienne en France.
Antonio di Giusto di Betti ou Antoine Juste (1479-1er septembre 1519), travaille dès 1507 au tombeau de Thomas James, évêque de Dol-de-Bretagne, réalisation achevée en collaboration avec son frère Jean Juste74. Très vite, il se voit appelé par le cardinal Georges d’Amboise sur le chantier de son château de Gaillon (détruit en grande partie à la révolution) ; Tout en réalisant pour la chapelle75 une série de douze apôtres en terre cuite76,77, il exécute un buste du cardinal ainsi qu’un bas-relief représentant la bataille de Gênes pour la galerie du palais ; En collaboration avec l’atelier de Michel Colombe, il poursuit le chantier avant-gardiste de la chapelle haute78 devenue véritable manifeste d’un nouveau style Renaissance en sculpture. Antoine Juste s’installe alors à Tours, où il fait venir des marbres de Carrare pour le tombeau de Louis XII (1516)79. On lui doit sans doute les bas-reliefs de ce monument. La collaboration de Guido Mazzoni, est probable car cet artiste arrivé en France dès 1494 et était déjà actif sur le tombeau de Charles VIII.
Andrea di Giusto di Betti, André Juste (né vers 1483), le second des frères, collabore sans doute avec ses frères pour l’établissement du tombeau de Louis XII, de la basilique Saint-Denis, bien qu’il ne soit pas certain aujourd’hui qu’il ait quitté l’Italie73.
Giovanni di Giusto di Betti ou Jean Juste Ier (1485-1549) est le dernier des frères. Dès son arrivée en France, il s’installe à Tours et passe plusieurs années dans l’atelier de Michel Colombe. Il collabore ainsi à la Mise au tombeau de l’abbaye de Solesmes. Découvrant à cette occasion, le travail de Claus Sluter et le réalisme flamand. Jean Juste Ier devient alors l’un des acteurs principaux d’un nouveau style en sculpture, mélangeant le réalisme flamand et la douceur française appelé style Louis XII. Après avoir achevé seul le tombeau de Thomas James, il se rend à la basilique Saint-Denis pour y installer le mausolée de Louis XII. C’est là qu’il aurait exécuté les gisants du roi et de la reine, surmontés de leurs orants, grâce aux indications de Jean Perréal, déjà actif au tombeau du duc de Bretagne François II et aux tombeaux du monastère de Brou : « Ces statues couchées, les plus dramatiques, représentent les cadavres saisis dans les affres de la mort, pris par les derniers spasmes, le ventre recousu par l’embaumement, les bouches entr’ouvertes par le dernier râle, la peau collée au squelette, les seins affaissés, la tête renversée pour la reine »80. Les statues des vertus cardinales sont plutôt attribuées aujourd’hui à son neveu Juste de Juste, qu’il élève d’ailleurs comme son fils81. Jean Juste exécute par la suite le tombeau de Jean IV de Rieulx, maréchal de Bretagne, à Ancenis, puis le tombeau de Thomas Bohier, fondateur du château de Chenonceau, dans l’église Saint-Saturnin de Tours, et enfin le tombeau de Louis de Crevent, abbé de la Trinité de Vendôme. De 1532 à 1539, il réalise pour la chapelle du château d’Oiron, le tombeau de Artus Gouffier, réalisé à la demande de sa veuve Hélène de Hangest, ainsi que celui de sa belle-mère, dame de Montmorency82,83.
Jean Juste II (1510-1577), fils de Jean Juste Ier, exécute en 1558, pour l’église d’Oiron, le tombeau de Claude Gouffier, grand écuyer de France, et de sa première femme, Jacqueline de La Trémoille (détruit en 1793) dont il ne reste malheureusement aujourd’hui que la statue de Claude Gouffier ; ses réalisations postérieures à 1558, étant d’ailleurs en grande partie détruites. Par la suite, Jean II Juste aurait réalisé le tombeau de Guillaume Gouffier, amiral de Bonnivet, tué à Pavie en 1525, puis une fontaine en marbre blanc, pour les jardins du château d’Oiron, en grande partie disparue, n’en restant qu’une vasque84. C’est en collaboration avec le peintre François Valence, qu’il participe à la réalisation de trois arcs de triomphe et coordonne les appareils de fête créés à Tours à l’occasion de l’entrée du jeune roi François II et de son épouse Marie Stuart (1560). Ce succès lui permet de passer un marché le 24 avril 1561 concernant la création une fontaine, place de la Foire-le-Roi achevée en 1562 et aujourd’hui disparue85.
Philibert Delorme (1514-1570)
Né à Lyon, Philibert Delorme meurt à Paris en 1570. Issu d’une famille de maîtres-maçons, il est formé par son père, notamment sur les travaux de construction des remparts de la Lyon86. De 1533 à 1536, le futur architecte séjourne à Rome où il acquiert un solide savoir technique et une bonne connaissance archéologique. L’artiste côtoie ainsi le milieu érudit de la ville et se lie d’amitié avec le cardinal Jean du Bellay (ambassadeur de France à Rome)86.
Dès son retour, commencent alors près de trente ans d’une vie professionnelle intense. En 1536, revenu à Lyon, un ami du cardinal du Bellay, le marchand Antoine Bullioud, lui confie la tâche de réunir trois corps de bâtiment indépendants entourant une petite cour, rue Juiverie. Le jeune architecte y réalise une galerie à trois baies en anse de panier voûtées d’arêtes reposant sur deux trompes. On attribue également quelques autres réalisations lyonnaises mineures, mais il ne reste pas longtemps dans sa ville natale86.
C’est alors que son ami le cardinal lui confie entre 1541 et 1544 la conception de son château de Saint-Maur-des-Fossés. Manifeste de la Renaissance française, il s’agit d’un quadrilatère inspiré des villas italiennes.
Sa nomination en tant qu’« architecte du roi » par Henri II, en 1548, lui permet de garder, onze ans durant, la mainmise absolue sur l’architecture royale, le palais du Louvre excepté confié à Pierre Lescot86.
Philibert Delorme assure ainsi la construction et l’entretien des châteaux, des édifices utilitaires, des fortifications de la Bretagne, l’ordonnance des fêtes et des entrées ainsi que l’administration et le contrôle financier des travaux. La surintendance exercée par l’artiste est un événement considérable dans l’histoire de l’architecture française.
L’architecte intervient également sur les chantiers du château d’Anet réalisé pour Diane de Poitiers et du château royal de Saint-Léger-en-Yvelines. C’est pour son plus grand tourment qu’il doit ponctuellement intervenir à Fontainebleau en collaboration avec Le Primatice, Nicolò dell’Abbate et Scibec de Carpi87. Il réalise également quelques travaux au château de Madrid, au bois de Boulogne, à Vincennes, à Paris, à Villers-Cotterêts, à Coucy-le-Château, à Chenonceaux, à Limours et à Boncourt…
Ses prétentions et sa vanité lui attirent pourtant de lourdes inimitiés, dont celles de Pierre de Ronsard ou Bernard Palissy. Au cours de sa carrière, Philibert Delorme ne cessera d’accumuler des bénéfices (entre 1547 et 1558, il reçoit cinq abbayes et n’en a jamais détenu moins de trois en même temps jusqu’à sa mort), n’hésitant pas à solliciter constamment du roi l’attribution de charges et d’offices, pour compenser peut-être le manque à gagner de chantiers difficiles dont il se plaint régulièrement.
Alors qu’il est accusé de malversations, la mort du roi Henri II, en juillet 1559, amène sa disgrâce, laissant le champ libre aux ennemis de l’architecte. C’est ainsi qu’il se voit destitué de ses fonctions au profit du Primatice. La clientèle princière lui restera pourtant fidèle dans l’adversité dont Diane de Poitiers qui lui commande l’exécution de travaux pour son château de Beynes. Le reste de son existence est consacré à la rédaction de traités théoriques dont la rédaction d’une somme de l’architecture. Il a publie notamment un Traité complet de l’art de bâtir [archive] (1567), suivi des Nouvelles inventions pour bien bâtir et à petits frais [archive] (Paris, 1561). Delorme n’ira pas au-delà. Sur la fin de sa vie, il retrouve pourtant le chemin de la cour, la régente Catherine de Médicis lui confiant la tâche de tracer le Palais des Tuileries86.
L’essentiel de ses œuvres ont malheureusement été presque détruite au fil du temps. Seuls subsistent l’hôtel Bullioud (1536) à Lyon, certaines parties du château d’Anet qu’il exécuta pour Diane de Poitiers (1545-1555) et le tombeau de François Ier à la basilique Saint-Denis.
Pierre Bontemps (vers 1505-1568)
Sculpteur français, Pierre Bontemps est surtout connu pour les nombreux monuments funéraires qu’il a sculptés et décorés88.
Arrivé à Fontainebleau à partir de 1536, il se forme au contact des œuvres antiques apportées par Primatice. Il exécute notamment une fonte du Laocoon et une autre de l’Apollon du Belvédère . En 1548, il fait partie de l’équipe de sculpteurs que dirige Philibert Delorme pour le tombeau de François Ier à la basilique Saint-Denis88.
Les gisants du roi et de la reine Claude sont le résultat de sa collaboration avec François Marchand. De 1549 à 1551, il taille seul les statues orantes du dauphin François de France et de son frère Charles II d’Orléans. Il est par ailleurs entièrement responsable des bas-reliefs ornant le soubassement du tombeau de François Ier, représentant avec une précision remarquable les batailles qui ont eu lieu sous son règne, telles les victoires de Marignan et de Cérisoles. Les préparatifs de chaque bataille sont détaillés (passage des Alpes) et les personnages principaux individualisés : on reconnaît François Ier à son monogramme ou encore le chevalier Bayard.
En 1556, Pierre Bontemps est à nouveau à Fontainebleau où il donne pour la cheminée de la chambre du roi un bas-relief des Quatre Saisons . Il exécute ensuite, pour le couvent des Hautes-Bruyères (Yvelines), le monument en marbre destiné à contenir le cœur de François Ier. L’urne est décorée de bas-reliefs allégoriques à la gloire des arts et des sciences, qui ont repris, grâce au souverain, une place importante dans le royaume10.
On lui doit encore la statue funéraire de Charles de Maigny (vers 1557), conservé au musée du Louvre et le tombeau de Guillaume du Bellay à la cathédrale du Mans.
Pierre Bontemps semble avoir été plutôt un spécialiste du bas-relief décoratif, très en vogue à l’époque de l’épanouissement de la Première école de Fontainebleau (2e quart du xvie siècle), qu’un grand créateur de ronde-bosse. La sensualité et la délicatesse des figures féminines rappelle le style maniériste que Primatice applique aux stucs de Fontainebleau (petites têtes et cous allongés, gestes esquissés et harmonieux). Si l’art gracieux et délicat de Bontemps est tout imprégné d’esprit italien, il est tempéré par le souci de la précision dans l’agencement du décor et par le pittoresque des costumes10.
Jean Goujon (1510-vers 1567)
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Les quatre Saisons, Jean Goujon ou son atelier, 1548 à 1550, hôtel de Jacques de Ligneris – aujourd’hui musée Carnavalet, Paris.
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Relief au triton et à la nymphe, Fontaine des Innocents, 1549, musée du Louvre.
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La Déposition du Christ, achevée pour Noël 1545, musée du Louvre.
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Mars (entre 1548 et 1556).
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Bellone (entre 1548 et 1556).
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Archimède (entre 1548 et 1556).
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Naïade, Fontaine des Innocents, 1549, Paris.
Jean Goujon est probablement né en Normandie vers 1510 et mort selon toute vraisemblance à Bologne, vers 156789.
Surnommé le « Phidias français » ou « le Corrège de la sculpture », Jean Goujon est avec Germain Pilon le sculpteur le plus important de la Renaissance française90.
Tout autant sculpteur qu’architecte, il est l’un des premiers artistes dont l’œuvre s’inspire directement de l’art antique et de la Renaissance italienne qu’il a étudiés personnellement en Italie90. Il sut soumettre son œuvre sculpturale, surtout ses bas-reliefs, au cadre architectural dans lequel elle devait s’inscrire90.
Malgré la richesse de sa production artistique, la carrière de Jean Goujon ne peut être suivie que durant une vingtaine d’années seulement, de 1540 à 1562 environ90. Présent à Rouen, entre 1540 et 1542, il exécute ses premières œuvres conservées. Pour la tribune d’orgues de l’église Saint-Maclou, il sculpte deux colonnes qui sont actuellement encore en place. Premier exemple en France d’un ordre corinthien très pur, elles révèlent la connaissance parfaite qu’avait jean Goujon de l’art antique. On lui attribue aussi le dessin du tombeau de Louis de Brézé (1531) dans la cathédrale de Rouen, et l’architecture de la chapelle Saint-Romain, appelée populairement la Fierte (1543)90.
Arrivé à Paris vers 1542, il travaille probablement sous la direction de l’architecte Pierre Lescot, en tant qu’« imagier-façonnier » au jubé de Saint-Germain-l’Auxerrois (1544 à Noël 1545)91. L’ensemble architectural a disparu dès 1750 mais les bas-reliefs des Quatre Évangélistes et la Déposition du Christ, connue généralement sous le nom de la Vierge de pitié, sculptés par l’artiste ont survécu et sont conservés aujourd’hui au Louvre90. Une estampe du Parmesan représentant la Mise au tombeau a inspiré Jean Goujon pour la composition de la Déposition du Christ. C’est la preuve que l’art italien l’a influencé directement, sans l’intermédiaire de l’art de Fontainebleau. La « draperie mouillée » et les plis parallèles des reliefs du jubé révèlent le style d’un artiste attaché à l’art antique, et plus exactement à l’art hellénistique90.
En 1545, Jean Goujon travaille pour le connétable Anne de Montmorency et réalise Les Quatre Saisons (1548 à 1550) pour l’hôtel de Jacques de Ligneris, cousin de Pierre Lescot91, devenu aujourd’hui musée Carnavalet.
À partir de 1547, l’artiste entre au service du nouveau roi Henri II. Il travaillera avec d’autres scupteurs à la décoration de l’entrée du roi à Paris en 1549, en créant la seule œuvre permanente : la célèbre fontaine des Innocents. Ses bas-reliefs, représentant des nymphes et des naïades, se trouvent aujourd’hui au musée du Louvre.
À la même époque, Jean Goujon travaille en tant que « maître sculpteur » sous « les dessins de Pierre Lescot, seigneur de Clagny »91 aux décorations du Palais du Louvre. Entre 1548 et le début de 1549, il achève ses allégories de La Guerre et de La Paix avant d’être chargé d’exécuter les allégories de L’Histoire, de La Victoire puis de La Renommée et de La Gloire du roi. Peu après, il réalise les Cariatides de la plateforme des musiciens, achevées en 1551, dans la salle homonyme du Palais du Louvre. En 1552, il sculpte des statues pour la cheminée du cabinet de l’Attique situé dans l’aile occidentale et enfin, en 1555-1556, certains bas-reliefs de l’escalier d’Henri II91.
On lui attribue généralement les gravures de la version française du Songe de Poliphile de Francesco Colonna (1546), d’après les gravures de l’édition originale (peut-être dues au studio d’Andrea Mantegna). On lui devrait également des gravures sur bois illustrant la première édition française des Dix Livres d’architecture de Vitruve, traduits en 1547 par Jean Martin. Il aurait fabriqué aussi des médailles précieuses pour Catherine de Médicis.
La Diane appuyée sur un cerf (vers 1549) dite aussi Fontaine de Diane réalisée pour Diane de Poitiers au château d’Anet a été successivement attribuée à Benvenuto Cellini, Jean Goujon et Germain Pilon. Toutes ces attributions ont été contestées ou réfutées. Il est difficile de juger de l’œuvre qui a été largement complétée par Pierre-Nicolas Beauvallet avant son installation au musée du Louvre en 1799-1800. Alexandre Lenoir, directeur du musée à cette époque, est l’auteur de l’attribution à Jean Goujon92.
On ignore la date précise de la mort de l’artiste. De religion protestante, son emploi à la cour de France et même sa présence à Paris devinrent difficiles alors que les tensions religieuses augmentaient. Une légende tenace veut que Jean Goujon ait été assassiné lors de la Saint-Barthélemy. Si tel avait été le cas, il aurait été cité a posteriori comme faisant partie des célèbres martyrs du drame, ce qui ne fut pas le cas. L’histoire de sa mort tragique fut cependant reprise dans de nombreux ouvrages de critique d’art et de vulgarisation aux xviiie et xixe siècles93. Des recherches plus récentes ont trouvé sa trace dans le milieu des réfugiés huguenots de Bologne en 1562. Il serait mort en Italie entre cette date et 156989.
Jean Goujon avait certainement un atelier et des élèves qui l’aidaient. Ses figures sont ovales, sensuelles et fluides. Ses drapés révèlent une connaissance de la sculpture grecque. Répandues dans l’ensemble de la France par des gravures réalisées par des artistes de l’école de Fontainebleau, la pureté et la grâce de son modèle ont influencé les arts décoratifs. Sa réputation connaît, à la fin du xvie siècle, une légère éclipse au profit de tendances plus maniérées, avant de grandir à nouveau à l’époque du baroque et du classicisme français.
Germain Pilon (1525/30-1590)
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Mascarons du Pont Neuf (vers 1588, les six derniers originaux sont au musée Carnavalet).
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Gisants de Catherine de Médicis et Henri II (1583, basilique Saint-Denis).
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Annothomies (transis) du Monument funéraire d’Henri II (basilique Saint-Denis).
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La Vierge de douleur (1586, église Saint-Paul-Saint-Louis)
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Christ de la Résurrection, vers 1572, Louvre).
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Médaillon du chancelier René de Birague (vers 1577, bronze, Louvre).
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Médaillon d’Henri III (1575, château de Blois).
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Tombeau de Valentine Balbiani du couvent Sainte-Catherine-du-Val-des-Écoliers de Paris (1574, Louvre).
Germain Pilon, né vers 1528 à Paris et mort en 1590 dans la même ville, est avec Jean Goujon, l’un des plus importants sculpteurs de la Renaissance française. Participant notamment à la réalisation des tombeaux des derniers Valois, ces œuvres témoignent de son appartenance au maniérisme94.
Fils du sculpteur André Pilon, il s’initie auprès de ce dernier, et vraisemblablement avec Pierre Bontemps, au modelage de la terre cuite et à la taille de pierre. Aucune des créations d’André Pilon n’a pourtant été conservée, de sorte que l’on ne peut apprécier son style. Certaines commandes révèlent toutefois sa prédilection pour les statues en bois peint et pour la terre cuite. Alors qu’il est nommé contrôleur des Poinçons et Monnaies du roi, Germain Pilon apprend parallèlement l’art de la fonte et du ciselage du bronze95.
En 1558, il est chargé par le surintendant des Bâtiments du roi, Philibert de l’Orme, de sculpter huit « génies funèbres » ou « figures de Fortune », destinés au tombeau de François Ier que Philibert de l’Orme édifie alors à la basilique Saint-Denis. C’est à cette occasion que Germain Pilon, alors jeune, réalise une statuette en marbre blanc qui constitue son premier ouvrage connu. Ce Génie funéraire (photo) rappelle fortement la sculpture de Michel-Ange et témoigne de la virtuosité de Germain Pilon à imprimer le mouvement. Il ne sera pourtant pas retenue pour orner le tombeau royal et se trouve aujourd’hui exposé au musée national de la Renaissance d’Écouen95.
À la mort de Henri II, le Primatice obtint la charge de surintendant des Bâtiments et décide de conserver Germain Pilon parmi ses collaborateurs. Pour le château de Fontainebleau, l’artiste façonne des statues de bois, exécutées sous la direction du maître italien dont le style lui était désormais très familier. Ce n’est qu’avec le Monument du cœur de Henri II (photo) (Louvre) que l’on découvre dans toute sa plénitude l’art du sculpteur. Le monument qu’il conçoit se compose d’un piédestal décoré, supportant trois personnages féminins soutienant une urne funéraire sur leur tête. À Germain Pilon échoit la plus grande partie du travail de sculpture, notamment l’exécution des trois statues allégoriques en lesquelles on peut voir aussi bien les Trois Grâces que les Vertus théologales96.
C’est encore sous le contrôle du Primatice que Germain Pilon crée ses œuvres suivantes. Lorsque Catherine de Médicis fait édifier un mausolée en rotonde à l’église abbatiale de Saint-Denis, Germain Pilon se trouve parmi les artistes responsables de la décoration sculptée. Il participe tout d’abord à la réalisation du tombeau du roi défunt et de la reine, à côté d’autres sculpteurs comme Girolamo della Robbia et Maître Ponce. Cependant, la plus grande partie des travaux finissent par lui incomber95. Il est ainsi l’auteur des gisants, des priants, de deux Vertus de bronze et de deux reliefs de marbre appartenant à l’édicule. C’est dans le gisant de la reine, imitation d’une statue antique appelée aujourd’hui Vénus des Médicis, qu’il se libère le plus de ses attaches, peut-être parce qu’on l’y avait engagé. Les orants révèlent une grande liberté dans le mouvement et une reproduction très personnelle de la physionomie qui permettent de constater que Germain Pilon a abandonné le gothique tardif pour l’art de la Renaissance96.
À partir de 1570, Germain Pilon, désormais très occupé, possédait à Paris un grand atelier. Parmi ses réalisations du moment ont été conservées la Vierge de Notre-Dame-de-la-Couture (Le Mans) et les principales sculptures du tombeau de Valentine Balbiani (morte en 1572)95. Dans ce tombeau, où se mêlent des éléments italiens et français, la défunte est représentée, selon la tradition française, sous deux aspects. Valentine Balbiani, vêtue d’un costume somptueux, à demi étendue, s’appuyant sur un coude et feuilletant un livre, correspond à un type italien déjà bien connu en France avant Germain Pilon94. Pour autant, selon la tradition française, le bas-relief placé au-dessous présente la défunte en gisante avec un réalisme si impressionnant qu’elle place l’œuvre dans la tradition des transis « cadavéreux » de la sculpture médiévale française96. Aujourd’hui, la plupart des tombeaux exécutés par Germain Pilon ne sont plus connue que par des documents de commande ou des esquisses95.
En 1572, l’artiste obtient la charge de « contrôleur général des effigies à la cour des Monnaies ». On lui doit alors la série de médaillons aux effigies des membres de la famille royale ainsi que divers bustes en marbre et en bronze, parmi lesquels se distinguent celui de Charles IX et celui de Jean de Morvilliers. Dans les dix dernières années de sa vie, alors qu’il est apprécié de l’aristocratie française, il dispose d’un vaste atelier : l’abondance des commandes et la réalisation des 380 mascarons du Pont Neuf, l’oblige à s’adjoindre ses fils, ainsi que des collaborateurs tel que Mathieu Jacquet dit Grenoble, lesquels assurent le succès du style de Germain Pilon sur plusieurs décennies95.
Jusqu’à 1585 environ, Germain Pilon est occupé par de nouvelles sculptures en marbre destinées à la chapelle funéraire des Valois de Saint-Denis. Un pathos et un dramatisme nouveau caractérisent alors les dernières années de production du sculpteur94. On retiendra notamment le Christ de la Résurrection avec deux soldats romains (Louvre)96, un Saint François d’Assise (Cathédrale Sainte-Croix de Paris des Arméniens) ainsi que deux nouvelles statues funéraires de Henri II et de Catherine de Médicis, représentés cette fois en gisants (Saint-Denis). La Vierge de Pitié, dernière réalisation de l’énsemble, emprunte à l’iconographie des scènes de dépositions de croix ou de mises au tombeau, son voile retombant en avant du visage ainsi que ses mains croisées sur la poitrine. Dans le tombeau de René de Birague, réalisé vers 1583, Germain Pilon reprend la tradition médiévale en peignant le bronze de l’orant tout en faisant disparaître presque entièrement le corps du défunt sous l’ample manteau aux plis profonds dont la longue traîne est aujourd’hui disparue. Dans les dernières années de sa vie, le relief en bronze de la Déposition du Christ (aujourd’hui conservé au Louvre), s’inspire de la Déposition du Christ exécuté vers 1544 par Jean Goujon (Louvre)95.
Hugues Sambin (1520-1601)
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Maison Maillard à Dijon (1561).
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Porte du Scrin (1580, ancien Parlement de Bourgogne à Dijon).
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Hôtel Bénigne Le Compasseur (1573-1581, Dijon).
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Maison Maillard à Dijon (1561).
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Hôtel Fyot-de-Mimeure (1562).
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La façade de l’ancien Parlement de Besançon (1585).
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Cabinet (xvie s., Metropolitan Museum, New York).
Hugues Sambin (1520-1601) est une figure artistique caractéristique de la Renaissance par la variété de ses centres d’intérêt et par l’étendue de ses talents. Il exerça une influence durable sur le répertoire ornemental de son temps97.
Comme beaucoup d’artistes de son époque, Hugues Sambin réunit de nombreuses qualités : menuisier (ce terme désigne les artisans qui construisent les meubles), sculpteur, ingénieur hydraulique98, architecte, décorateur ainsi que graveur.
Bien qu’il travaille partout en France, il s’est vite imposé dans l’Est de la France98, principalement à Dijon et Besançon pendant la seconde moitié du xvie siècle (où il obtient le titre officiel d’architecte)97. Il apparaît alors comme l’une des rares personnalités de la région capable de proposer des plans pour la réalisation de fortifications (Salins-les-Balins, Dijon) ou de projets pour divers chantiers urbains : on lui attribue notamment certaines maisons de Dijon dont l’hôtel Fyot-de-Mimeure (1562), la maison Maillard (1561) ou encore la porte du Scrin de l’ancien parlement de Bourgogne (1580). Malgré ces engagements, l’artiste parvient à conserver une intense activité dans la confection de meubles dont plusieurs exemples sont encore exposés dans les musées. Pour autant, on dispose d’assez peu d’éléments sur sa vie et un certain nombre d’œuvres lui sont attribuées sans être authentifiés avec certitude97 : une armoire à deux portes aux Arts décoratifs de Paris et au musée du Louvre (vers 1580), la table des Gauthiot d’Ancier au musée du Temps de Besançon et deux autres meubles au musée de la Renaissance d’Écouen et au Metropolitan Museum de New York.
Né à Gray vers 1520 d’un père menuisier, de la Bourgogne d’Empire ou Franche-Comté, il s’initie très tôt à l’art de la menuiserie et de la charpente, ainsi qu’à l’architecture. Durant l’année 1544, l’artiste travaille dans l’équipe des menuisiers du château de Fontainebleau, sous la direction du Primatice, et surtout avec le dessinateur Sebastiano Serlio97, qui utilisent notamment la technique italienne du designo98.
C’est à la suite de cette expérience que le jeune compagnon fait peut-être un voyage en Italie, car il montrera par la suite une parfaite connaissance de la sculpture et de l’architecture ultramontaine.
Revenu à Dijon en 1547, il épouse la fille de Jean Boudrillet, maître menuisier, dont il reprend, quelques années plus tard, en 1564, la direction pratique de l’atelier après avoir été reçu entre-temps maître menuisier en 154898. Il sera par ailleurs juré de la corporation à plusieurs reprises. À l’époque, l’activité la plus prospère de l’atelier Boudrillet reste la fabrication de meubles et d’armoires98 qui, sous l’influence d’Hugues Sambin, seront dès lors conçus suivant les codes graphiques du designo comme une véritable « encyclopédie de l’architecture » de son temps97. Reconnu, l’artiste devient l’un des chef de file de l’art du mobilier bourguignon, surtout actif pour de riches commanditaires de Bourgogne et de Franche-Comté. C’est ainsi qu’en 1550 la ville de Dijon lui commande trois statues pour l’entrée triomphale du duc d’Aumale.
Poursuivant son activité de sculpteur, il termine peu avant 1560, la réalisation d’une œuvre sur le Jugement dernier, conçue pour orner le portique central de l’église Saint-Michel de Dijon, devenant par la suite, en 1564, surintendant et conducteurs des travaux effectués en vue de l’accueil du roi Charles IX à Dijon.
Malgré tout, il semble que la mort de son beau-père en 1565 lui fasse perdre le contrôle technique de l’atelier de menuiserie : Maistre Sambin diversifie alors son activité à titre individuel, s’éloignant probablement de l’atelier Boudrillet, où il ne travaillera plus qu’occasionnellement. Désormais, de plus en plus fréquemment loin de Dijon, il travaille régulièrement, particulier comme dessinateur, ornemaniste, ingénieur et architecte98.
De passage à Lyon en 1572, il fait paraître un important recueil constitué de 36 planches gravées, intitulé Œuvre de la diversité des termes dont on use en architecturenote 1, qui faisant preuve d’une imagination débridée, représente encore aujourd’hui un travail remarquable de classification des ordres d’architecture suivant le modèle antique. Ses activités le mème quelques années vers les Pays-Bas espagnols, se faisant alors engager comme sculpteur et menuisier par le gouverneur de Luxembourg. C’est ainsi son influence touchera non seulement les peintres de Bourgogne et de Lorraine, voire d’Allemagne du Sud, mais également des architectes et des décorateurs, à l’instar de Joseph Boillot ou Wendel Dietterlinnote 2.
En 1571, l’artiste semble retourner momentanément en France-Comté puis en Bourgogne où il recevra le titre d’architecte de la ville de Dijon. En 1581, les gouverneurs de Besançon lui commandent la façade sur cour de l’ancien parlement de Besançon (actuel palais de justice) dont il supervise les tâches entre 1582 et 158798, tout en réalisant en parallèle les plans du toit à l’impériale de la tour de croisée de la collégiale Notre-Dame de Beaune98, réalisé entre 1580 et 1588.
On peut conclure, qu’Hugues Sambin restera fortement influencé, tout au long de sa carrière, par son passage au sein des équipes de Fontainebleau. Le système ornemental élaboré par le Rosso et le Primatice notamment dans la galerie François Ier, explose littéralement dans l’ensemble de son œuvre. Marqué pour toujours par ce court séjour bellifontain97, ses racines bourguignonnes n’en demeurent pas moins présentes, s’exprimant notamment par sa prédilection pour certains ornements régionaux comme le fameux « chou bourguignon » ou encore l’emploi de rinceaux de lierre en lieu et place des traditionnels motifs d’acanthe97.
Parallèlement, les termes (éléments d’architecture sculptés, composés d’un buste humain se terminant en gaine) dessinés et sculptés par Hugues Sambin connaissent un grand succès en France, dans la seconde moitié du xvie siècle, en particulier à l’échelle du mobilier lyonnais, qui vient dès lors très semblable, du point de vue décoratif, au mobilier bourguignon97 : un véritable « style Sambin » est ainsi né, marquant la seconde moitié xvie siècle97.
C’est par des comparaisons effectuées avec son recueil, qu’on a attribué à l’artiste non seulement, tout meuble mélant des termes à une accumulation de motifs ornementaux mais également, par extension, toute architecture au décor exubérant97. Pour autant, il persiste d’assez grandes difficultés à prouver les commandes ou œuvres réalisées par Hugues Sambin et son atelier, car elles ont été imitées ou copiées sans vergogne y compris au xixe siècle sous le nom de « Style Henri II »98.
Le Mobilier[modifier | modifier le code]
Durant toute la Première Renaissance française, le mobilier n’évolue guère et reste dans la continuité du Style Louis XII. Pour autant, l’ornementation abandonne définitivement les derniers éléments gothiques du style précédent tels que les pinacles, les orbes voie flamboyants ou encore les arcs brisés en accolade pour une décoration de purement Renaissance composée principalement de médaillons et d’arabesques99.
Il faut attendre le règne d’Henri II pour constater une réelle évolution100 avec des productions aux formes architecturales marquées101, le plus souvent ornées d’incrustation de marbre et de plaques en camaïeu de bronze. Cette période marque d’ailleurs l’apparition de nouveaux meubles comme le caquetoire (ou caqueteuse), la chaise à bras, la chaise à vertugadin, le siège tenaille101 (également dit savonarole, ou faudesteuil) et le retour en force du siège pliant à piétement en X, apparus dès le viie siècle (Trône en bronze du roi Dagobert)100.
Ces créations de la Renaissance imitées dès le milieu du xixe siècle sous l’appellation style Henri II, fait qu’aujourd’hui les meubles authentiques sont devenus rares et restent extrêmement restaurés et modifiés101.
Techniques et outillage
- Le garnissage : Pour les sièges, les surfaces dures en bois naturel seront progressivement remplacées par une garniture de cuir, de tapisserie ou de tissu fin. Tendu sur des sangles et rembourré de feutre.
- La marqueterie : Au xive siècle, la marqueterie est remise à la mode en Toscane. Le bois de rapport d’une épaisseur de 3 à 5 millimètres est taillé soit au ciseau, soit avec des instruments de sciage, proches des outils du menuisier. Le décor en placage recouvre entièrement un support en bois ordinaire. Les éléments sont découpés, ombrés à la chaleur et ajustés pour être collés sur leur support les uns après les autres. Le xve siècle est une époque importante dans le développement du décor marqueté. À Florence, une école va se créer, spécialisée dans le décor marqueté : les Intarsiatoris. Benedetto da Maiano fut le représentant le plus illustre du procédé à incrustations : l’intarsia. Les incrustations (Le tarsia atoppo et tarsia certosina). Les entrelacs géométriques sont des bandes préparées en bloc et incrustées dans la masse du bois (tarsia atoppo). La représentation d’une ville traitée en perspective, est le sujet préféré des artistes du Nord de l’Italie et est réalisée avant le montage et incrustée ensuite (tarsia certosina).
- Technique dite « mauresque » : Cette technique consiste à faire des incisions profondes que l’on remplit de filets de pâte blanc ivoire dits à « la mauresque » ou « mauresque blanche » ; les motifs préférés sont les enroulements de rinceaux très fins.
Meubles courant[modifier | modifier le code]
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Lit à quenouilles (copie de 1840, château d’Azay-le-Rideau).
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La Chaire (vers 1530, château d’Écouen).
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Coffre dit de Catherine de Médicis (xvie siècle quart du xvie siècle, château d’Écouen).
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Coffre de mariage aux armes des familles Bertholon et Bellièvre (1512, musée des Beaux-Arts de Lyon).
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Dressoir de Joinville (1524, château d’Écouen).
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Buffet à deux corps (fin xvie siècle, château d’Écouen).
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Buffet à deux corps (vers 1560/1570, musée des Beaux-Arts de Lyon).
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Armoire à deux corps aux divinités (fin xvie siècle, musée des Beaux-Arts de Lyon).
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Armoire d’Hugues Sambin (vers 1580, Baltimore).
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Lit de la chambre dite « de la Reine » (milieu xvie siècle, château de Blois).
- Le Coffre (ou arche) : élément incontournable du mobilier, il sert tout à la fois d’armoire, de banc et de bagage. Il pouvait ou non être équipé de pieds et de poignées ou d’une ou plusieurs serrures et n’a souvent en façade qu’un seul panneau sculpté102.
- Le Buffet : Au xvie siècle l’usage du buffet armoire devient plus courant, aux dépens du dressoir plus ostentatoire et conservant moins efficacement les vêtements et les objets précieux. Le buffet, utilitaire continue à être utilisé dans la salle à manger et dans les cuisines. Il est ensuite garni de tiroirs où l’on rangera les couverts et ustensiles utiles à la table ou à la cuisine103. S’il conserve la même composition qu’au Moyen Âge, le corps supérieur est légèrement plus petit et en retrait par rapport au corps inférieur.
- L’armoire : On appelle alors définitivement armoire les meubles à deux corps uniformes, formés de quatre vantaux. L’armoire prend peu à peu la place du dressoir dans les chambres à coucher et les salons. Elle est constituée de deux corps et comporte souvent une décoration abondante.
- Chaire : à cette époque le dossier peut cacher un coffre104.
- Le lit : Élément central de la chambre, le lit est placé sur une estrade. Ainsi surélevé, il est protégé du froid du sol, alors en tomette.toujours surmonté d’un baldaquin, supporté par des colonnes d’angles, généralement tournées (Lit à quenouille).
- le dressoir : Sa fonction est proche de celle du buffet d’apparat : il s’agit de deux meubles ostentatoires liés aux obligations sociales de l’hôte qui doit exhiber ses richesses et faire honneur à ses invités. Le buffet comme la credenza italienne est un assemblage de tablettes disposées en gradins et recouvertes d’une étoffe de grande qualité généralement blanche, destiné à présenter un ensemble de pièces d’apparat ou un service. Si le buffet et la table de banquet étaient de simples œuvres de menuiserie éphémères, le dressoir est plus pérenne et, doté de portes, il demeure dans la grande salle ou dans la chambre une fois le repas achevé105.
Nouveaux meubles
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Chaise à bras (milieu xvie siècle, musée des arts appliqués de Cologne).
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Table « en éventail » (3e quart du xvie siècle, château d’Écouen).
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Table « en éventail » (3e quart du xvie siècle, château d’Écouen).
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Table « en éventail » (3e quart du xvie siècle, Metropolitan Museum of Art).
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Cabinet en Maroquin (Premier quart du xviie siècle, château d’Écouen).
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Chaise à vertugadin (vers 1575–1600, Metropolitan Museum of Art).
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Dossier de chaise à vertugadin (vers 1575–1600, MET).
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Chaise à vertugadin (vers 1575–1600, Baltimore).
- Le cabinet : apparaît durant le dernier quart du xvie siècle105. À l’origine conçu comme une écritoire pourvue de compartiments destinés à abriter des lettres ou des documents, il est muni de poignées latérales permettant de le transporter et de le poser sur une table. L’architecture des années 1580 a fortement influencé ce style de meuble où l’on retrouve le même style puissant et sobre.
- La Caquetoire ou caqueteuse106 : est un petit siège rudimentaire de l’époque Renaissance utilisé pour caqueter (bavarder). Apparu avec les meubles de style Henri II, c’est le premier spécimen de la chaise à bras (non rembourré) munie d’accotoirs au xvie siècle ou aussi du faudesteuil devenu le fauteuil en 1636105. Son dossier est alors incliné d’environ 12 degrés afin d’en augmenter le confort.
- Chaise à bras : est un siège, dérivé de la caquetoire et du fauteuil, munie d’accoudoirs et d’un dossier dont la hauteur est réduite et ne dépasse plus la tête de l’occupant. C’est sur ce type de siège qu’apparaissent les premières garnitures en France (en Italie elles apparaissent plus tôt).
- Chaise à vertugadin : ou vertugale est une réplique du sgabello Italien106.
- Siège à tenaille ou dantesca (réminiscence du faudesteuil ployant des xiie et xiiie siècles)106.
- La Table : est une « invention » de la Renaissance. Le Moyen Âge les ignorait qui dressait un plateau volant sur des tréteaux lorsqu’il en avait besoin. Elles deviennent donc au xvie siècle un meuble construit, réalisé en bois107 ou en pierre108, dont le plateau est fixé à ses extrémités sur des pieds souvent réunis par une traverse en arcature ou en motif ajouré. La table « en éventail », dont le modèle est probablement originaire d’Italie, constitue l’apothéose de cette inventivité. Les pieds disposés de part et d’autre du plateau, s’évasent progressivement depuis la partie basse jusqu’à la partie supérieure, prenant alors la forme d’un éventail, prétexte à présenter un décor richement sculpté de volutes, rinceaux et fruits, souvent rattachés en leur milieu par un pilastre cannelé105.
Les émaux peints de Limoges
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Coffret avec scènes de l’Ancien Testament par Pierre Courteys (1550-1560, Louvre).
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Coupe de la récolte de la Manne, Pierre Courteys (vers 1550, musée national de Varsovie).
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Le Festin de Balthasar par Pierre Reymond (Vers 1550-1575, Louvre).
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Plateau d’aiguière avec Moïse et Jethro par Pierre Reymond (musée des beaux-arts de Lyon).
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Alexandre fait placer l’Iliade d’Homère dans un coffre très précieux par Jean Pénicaud III (fin xvie, musée d’art de Saint-Louis).
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Josué (l’un des neuf preux), Colin Nouailher (vers 1550, Louvre).
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Le mois de Septembre, Pierre Reymond (1562, musée des beaux-arts de Lyon).
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L’adoration de l’enfant Jésus, Jean II Pénicaud (vers 1550, New York).
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Plaque émaillée de l’école de Pierre Courteys (vers 1580, Saint Louis Art Museum).
Surnommé opus lemovicense, « l’œuvre de Limoges » en latin, la technique de l’émail sur cuivre avait fait la fortune de cette ville aux xiie et xiiie siècles, avec ses célèbres émaux champlevés, pseudo-champlevés ou cloisonnés109. Après avoir connu un vif succès en Europe occidentale, la ville est touchée de plein fouet par la guerre de Cent Ans avant d’être mise à sac par les armées d’Édouard de Woodstock au mois de septembre 1370110. La production semble alors avoir cessé pendant plus d’un siècle avant de réapparaître dans le dernier quart du xve siècle, mais selon une technique différente, les émaux sont désormais peints sur des plaques de cuivre. Sans que soit connus les circonstances de sa renaissance ni les liens éventuels avec des expériences réalisées au xve siècle en France, en Flandre ou en Italie, la technique apparait d’emblée parfaitement maîtrisée111. Les émaux peints devinrent, comme en leur temps les émaux champlevés, le monopole des ateliers limousins109.
Les premiers émaux peints sont exécutés au moyen d’émaux de couleur sur un émail qui, étendu sur une plaque de cuivre, sert de support. Ce sont plutôt des peintures sur verre que des émaux translucides. Aussi n’est-il pas étonnant de trouver à l’origine de la peinture en émailles les verriers de Murano, en Italie et les peintres de vitraux de Limoges. Mais, tandis qu’en Italie l’émail peint ne fit pas de progrès, il subit à Limoges de nombreux perfectionnements. Alors que beaucoup d’artistes italiens peignaient leurs émaux sur argent, les émailleurs limousins adoptèrent le cuivre en minces feuilles, moins coûteux et par suite, d’une vente plus facile. Le caractère commercial est en effet, très accentué dans les premiers produits sortis des ateliers de Limoges112.
L’émail peint devient, au xvie siècle, la spécialité presque exclusive des émailleurs de Limoges. Ils sont en effet les seuls à avoir tiré parti de la technique de l’émail peint pour faire de leurs créations les supports de représentations figurées111.
Si l’émail, qui ne résiste pas aux chocs, est adapté pour des objets de dévotion, il ne convient guère pour une vaisselle utilitaire : aiguières, coupes couvertes et assiettes sont donc des objets d’apparat, destinés à être exposés et à manifester, comme les pièces d’orfèvrerie ou les majoliques italiennes, la richesse, le raffinement et la culture de leur propriétaire111.
Les années 1530-1540 sont maquées par de nombreux changements et représente un véritable âge d’or. Le revers des plaques est désormais recouvert d’un contre-émail translucide. Dans la continuité du style Louis XII, les émailleurs perpétuent la production d’objets à caractère religieux mais se mettent à créer également de la vaisselle : coupes, salières ainsi que des objets d’usage personnel, comme des coffrets111.
La grisaille devient un mode privilégié d’expression et les thèmes profanes ou mythologiques font leur apparition. Enfin, le style de la Renaissance, connu par l’intermédiaire des gravures qui inspirent les compositions, est désormais adopté111.
L’étude des pièces, parfois signées, monogrammées ou marquées de poinçons, et les mentions relevées dans les archives limougeaudes, permettent de cerner les principales personnalités artistiques : Les Pénicaud, Colin Nouailher, Pierre Reymond ou Pierre Courteys. Toutefois des congusions demeurent en raison de fréquentes homonymies : Les initiales I.C. pourraient aussi bien recouvrir plusieurs Jean Court dit Vergier. Le rôle des collaborateurs et la production des ateliers secondaires reste assez peu documentés111.
L’émailleur le plus célèbre est Léonard Limosin, par la diversité et la qualité de sa production, en particulier ses remarquables portraits. Introduit par l’évêque de Limoges Jean de Langeac à la cour de France vers 1535, il travaille pour François Ier et Henri II, et pour de grands personnages comme le connétable de Montmorency. À leur imitation, le goût pour l’émail touche une clientèle aristocratique111
Au milieu du xvie siècle, l’émail de Limoges est apprécié dans toute l’Europe. C’est ainsi qu’un service, comportant une aiguière, un plateau et plusieurs coupes, réalisé pour la famille Tucher de Nuremberg, fut envoyé à Limoges entre 1558 et 1562 pour être émaillé dans l’atelier de Pierre Reymond, avant d’être monté par l’orfèvre Wenzel Jamnitzer.
Au début du xviie siècle, la production reste importante quantitativement, mais elle n’atteint plus qu’exceptionnellement les niveaux de qualité et d’inventivité du siècle précédent : Elle s’adresse alors à une clientèle moins aristocratique111.
Bijoux et orfévrerie
En orfévrerie le maitre Pierre Mongo exécute des coffrets recouverts de nacre sur âme de bois. Les montures en argent doré soutiennent de petits portraits en tondo répartis sur le pourtour.
Sous l’impulsion d’Henri II puis de Charles IX l’orfévrerie devient un art très abouti et recherché car il résume en peu de place un art raffiné et dont les œuvres sont faciles à transporter.
François Briot est considéré, avec sa fameuse aiguière et son bassin, comme le chef de file de l’école lyonnaise de la poterie d’étain. Il a vraisemblablement quitté Lyon vers 1572 et se retrouve à Damblain, où il est signalé en 1576 et 1578. Outre les monnaies du comté de Montbéliard, il a gravé quelques médailles, tant à Montbéliard qu’à Stuttgart, une pierre précieuse pour la couronne d’Angleterre. Comme potier d’étain, outre le bassin et l’aiguière de la « tempérance », qui appartiennent respectivement au musée du Louvre et au musée d’Écouen, nous lui devons l’aiguière dite « de mars », dont un exemplaire est conservé au musée de Nuremberg, et son bassin, dont le musée de Montbéliard possède un exemplaire. Nous connaissons l’existence d’un moule pour vase et d’un autre pour salière.
Art du vitrail
Noel Bellemard : modéles et cartons pour le Jugement de Salomon et son vitrail à Saint Gervais-Saint Protais de Paris.
Engrand Leprince : Vitrail Charles V, à l’Isle Adam.
Langue et littérature
Le roi François Ier s’installe à Fontainebleau, où il transfère la bibliothèque royale. François Ier œuvre beaucoup pour la langue française : en 1539, il signe l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui donne à la langue française son statut de langue du droit et de l’administration. L’un des traits les plus caractéristiques de la renaissance en France, et des plus durables, est l’apparition du français comme langue officielle unique, statut accordé par le souverain. Pourtant, l’immense majorité de la population – surtout dans les provinces – continue de parler des dialectes (picard, normand, etc.) et des langues différentes du français (tel est le cas par exemple des territoires de langue d’oc où l’on parle l’occitan). Parallèlemeent, Du Bellay dénonçait l’italianisation de la langue française.
Parmi les écrivains les plus célèbres de la Renaissance française peuvent être cités François Rabelais, Marguerite de Navarre, Clément Marot, Maurice Scève, Louise Labbé, Pierre de Ronsard, Joachim du Bellay, Étienne de La Boétie et Michel de Montaigne.
Voir :
- Histoire du français
- Littérature française du xvie siècle
- Écrivains français nés au xve siècle
- Écrivains français nés au xvie siècle
Éducation
L’université de Paris, bien que préservant le prestige acquis au xiiie siècle (Thomas d’Aquin), est en retard par rapport au mouvement de renaissance d’autres universités européennes notamment Salamanque, Louvain. Le renouveau devient effectif dans les années 1530, lorsqu’on sent alors l’effervescence intellectuelle se manifester. Paris est alors la principale ville universitaire d’Europe, avec de nombreux collèges (environ 80). Ignace de Loyola décide de se former à l’université de Paris, essentiellement en raison du prestige que cette université conserve en Europe, mais aussi en raison d’une plus grande tolérance. François Xavier, disciple d’Ignace de Loyola, reçoit également sa formation à l’université de Paris.
Les Jésuites reprennent cette tradition de l’éducation, en respectant le legs de Thomas d’Aquin : Pierre Favre est un helléniste, et connaît très bien la philosophie scolastique, ainsi que la philosophie d’Aristote.
Voir :
Grandes découvertes : Les expéditions françaises
La participation de la France aux grandes découvertes s’est faite, pour les raisons déjà évoquées, avec un retard par rapport aux pays du sud de l’Europe.
Alors que le Portugal a implanté une première colonie en Afrique du Nord dès 1415, et s’est lancé dans des explorations autour de l’Afrique, alors que les navigateurs espagnols ont atteint l’Amérique du centre et du sud avant la fin du xve siècle, la France attend la fin 1523, pour envoyer Giovanni da Verrazzano, en français Jean de Verrazane113 explorer la zone comprise entre la Floride et Terre-Neuve. Cette expédition fut missionnée par le roi François Ier dans le but d’y découvrir un accès donnant sur l’océan Pacifique.
L’armement du navire de Jean de Verazzane, La Dauphine a lieu au Havre. Il appareille de Dieppe en juin 1523, contourne la Bretagne, puis fait route au sud vers le golfe de Gascogne. Il longe la côte nord de l’Espagne et met le cap sur Madère où il fait escale pour se ravitailler. Après avoir reporté son départ à deux reprises, le 17 janvier 1524, à bord de La Dauphine, il entreprend alors la traversée de l’Atlantique, à la tête d’un équipage d’une cinquantaine de marins, qu’il complète près de Cape Fear le 1er mars 1524.
Après un bref mouillage, il longe la côte de ce qui est maintenant la Caroline du Nord en direction du nord et croit apercevoir l’océan Pacifique derrière une étroite bande de terre. Il ne s’agissait en réalité que du lagon de la baie de Pamlico, long de cent trente kilomètres et dont la largeur atteint par endroits 48 kilomètres, séparé de l’Atlantique par les Outer Banks, une barrière d’îles sablonneuses. Cette erreur conduisit les dessinateurs de cartes, à commencer par Vesconte Maggiolo, en 1527, et le frère de Giovanni, Girolamo da Verrazzano, en 1529, à représenter l’Amérique du Nord quasiment coupée en deux parties reliées par un isthme. Cette interprétation erronée mit un siècle à être corrigée.
Plus loin, au nord, Verrazzano découvre, le 17 avril 1524, la baie de New York, qu’il nomme « Nouvelle-Angoulême »8 (de nos jours, le pont Verrazano-Narrows rappelle cette visite). Il prolonge son voyage vers l’est, en direction du Maine, puis de Terre-Neuve et rentre en France.
De retour après six mois de voyage, Verrazzano prépare un nouveau départ pour trouver un passage vers l’Asie. Cependant, ses navires sont réquisitionnés pour faire la guerre et la capture de François Ier à la bataille de Pavie met fin à ce projet[réf. non conforme]118.
En 1525, Girolamo – le frère de Giovanni Verrazzano – dessine, à Lyon, une carte nautique de la Méditerranée.
Pendant la captivité du roi de France, Verrazzano fréquente les cours de João III du Portugal et Henri VIII d’Angleterre. Alors que l’Europe apprend le récit de la circumnavigation de Magellan et la découverte des Moluques, l’Espagne envoie, en avril 1526, Sébastien Cabot trouver un chemin vers le Pacifique. Au printemps de 1526, Verrazzano est de retour en France où un nouveau projet se dessine sous les auspices de l’amiral Philippe Chabot et de l’armateur Jean Ango119.[réf. non conforme]
En juin 1526, Verrazzano quitte de nouveau les mers d’Europe avec son frère Girolamo et trois navires pour tenter de passer le cap de Bonne-Espérance. Une tempête et une mutinerie empêchent les frères Verrazzano de progresser, mais le troisième navire atteint l’océan Indien. Voulant gagner Madagascar, celui-ci pique vers l’est et le nord jusqu’à Sumatra avant de rebrousser chemin vers les Maldives. L’équipage fait naufrage à Madagascar d’où quelques survivants gagnent le Mozambique. Pendant ce temps, les frères Verrazzano remontent la côte d’Afrique pour se rendre au Brésil, où ils font cargaison de pernambouc. En septembre 1527, ils rentrent en France120.[réf. non conforme]
Un dernier voyage en 1528, raconté par Girolamo da Verrazzano, les mène aux Antilles (peut-être en Guadeloupe)121 où Giovanni aurait été tué par des indigènes anthropophages.
En 1532, alors qu’une guerre éclate entre la couronne du Portugal et les armateurs normands au large du Brésil, un certain Jacques Cartier, fils de pêcheur malouin morutier, est présenté à François Ier par Jean Le Veneur, évêque de Saint-Malo et abbé du Mont-Saint-Michel. Celui-ci évoque des voyages que Cartier aurait déjà faits « en Brésil et en Terre-Neuve », pour affirmer qu’il était à même « de conduire des navires à la découverte de terres nouvelles dans le nouveau monde »123. Recevant une commission du roi de France, et devenant en ce sens le successeur de Giovanni da Verrazano, Cartier dirigera, aux frais du roi, trois voyages vers l’Amérique du Nord entre 1534 et 1542, espérant y trouver un passage pour l’Asie, sinon des richesses.
En 1534 lors de sa première expédition vers l’Amérique : Jacques Cartier découvre le Canada, que l’on appellera alors la nouvelle France. Après seulement vingt jours de traversée (du 20 avril au 10 mai), Cartier atteint Terre-Neuve, avec ses deux navires et un équipage de 61 hommes. Il explore minutieusement le golfe du Saint-Laurent à partir du 10 juin124. Le vendredi 24 juillet, il met pied à terre à Gaspé, y plante une croix de trente pieds, revendiquant la région pour le roi de France. La troupe des Français y rencontre des Iroquoiens du Saint-Laurent, venus pour la pêche, qui les accueillent sans grand plaisir. Le chef amérindien, Donnacona, après protestations, finit par permettre à Cartier d’amener deux de ses « fils » en France. La rentrée à Saint-Malo se fait le 5 septembre après une autre courte traversée de 21 jours125.
Un deuxième voyage a lieu en 1535–1536 et débute le 19 mai. Cette expédition compte trois navires, La Petite Hermine (60 tonneaux), L’Émérillon (40 tonneaux) et la nef qui transporte Cartier, la Grande Hermine (120 tonneaux). Cartier remonte alors le cours du Saint-Laurent, découvrant qu’il navigue sur un fleuve lorsque l’eau devient douce. Le 3 septembre il signale dans son journal de bord avoir aperçu des bélugas dans le fleuve126.
À l’île d’Orléans, le 7 septembre, devant Stadaconé, on retrouve Donnacona.Une partie des hommes restent et construisent un fortin, préparant le premier hivernage connu de Français au Canada127. Cartier continue à remonter le fleuve sur l’Émérillon, dont bientôt le tirant d’eau interdit de poursuivre au-delà du lac Saint-Pierre : il y ancre l’Émérillon et l’équipage poursuit en barques.
Le 2 octobre 1535, Jacques Cartier et ses compagnons arrivent dans la région de l’établissement nommé Hochelaga. La nuit venue, ils se retirent tous à bord des barques. Tôt le lendemain matin, avec ses gentilshommes et vingt mariniers armés, Cartier entreprend à pied le chemin vers ce village, sur une voie bien aménagée. Marchant ainsi deux lieues (environ 8 km), ils peuvent enfin apercevoir cette bourgade palissadée de tronc d’arbres, sur une colline et entourée de terres cultivées, pleines de maïs (dit blé d’Inde), ainsi qu’il décrira le paysage entourant Hochelaga. Il nommera Mont Royal, cette montagne de l’île et de la ville qui est aujourd’hui nommée Montréal.
La bourgade n’a dans son rempart circulaire qu’une seule porte d’entrée (sortie). On y compte une cinquantaine de « maisons longues », communautaires. Le chef du village affirme que l’on peut continuer à remonter le fleuve vers l’ouest durant trois lunes et, de la rivière des Outaouais, se diriger vers le nord et pénétrer dans un pays où l’on trouve de l’or (qui est l’actuelle grande région de l’Abitibi).
Les rapports avec les Iroquoiens du Saint-Laurent sont bons, malgré quelques disputes sans gravité, qui ne dégénèrent jamais en violence. Cartier découvre cependant les premiers scalps dans la maison de Donnacona. Il y goûte aussi le tabac, qu’il n’apprécie guère. L’hiver de l’Amérique du Nord arrive et surprend les Français, le fleuve gèle et emprisonne les navires.
Cartier et ses hommes hivernent près de la rivière Sainte-Croix (maintenant dite rivière Saint-Charles, à Québec). Les hommes souffrent du scorbut, les Iroquoiens en sont aussi frappés, des Français meurent tandis que les Amérindiens s’en tirent beaucoup mieux. Cartier, épargné, découvre que les Micmacs se soignent avec une infusion d’aiguilles et d’écorce de pin128,129. Il applique le traitement à ses hommes et, bientôt, les guérisons se multiplient. En avril, Cartier emmène Donnacona de force pour le présenter à François Ier avec ses deux « fils » (neveux ?) et sept autres Iroquoiens ; puis, profitant du dégel, il met le cap sur la France, abandonnant La Petite Hermine, « faute d’un équipage assez nombreux »130 (25 des 110 équipiers étaient décédés du scorbut131). Après un passage par Saint-Pierre-et-Miquelon, il retourne à Saint-Malo en juillet 1536, croyant avoir exploré une partie de la côte orientale de l’Asie.
Le Lieu historique national Cartier-Brébeuf commémore cet hivernage de Jacques Cartier. Le troisième voyage a lieu entre 1541-1542. L’organisation de l’expédition est confiée à Jean-François de La Rocque de Roberval, un homme de cour, ce que Cartier n’est pas. Il ne sera cette fois que le second de Roberval. La colonisation et la propagation de la foi catholique deviennent les deux objectifs. Donnacona meurt en France vers 1539, comme d’autres Iroquoiens du Saint-Laurent, d’autres s’y sont mariés, aucun ne reviendra de France. On prépare l’expédition, arme cinq navires, embarque du bétail, libère des prisonniers pour en faire des colons. Roberval prend du retard dans l’organisation et Cartier s’impatiente puis décide de s’engager sur l’océan sans l’attendre. Après une traversée calamiteuse, il arrive enfin sur le site de Stadaconé en août 1541, après trois ans d’absence. Les retrouvailles sont chaleureuses malgré l’annonce du décès de Donnacona, puis les rapports se dégradent et Cartier décide de s’installer ailleurs.
Il fait édifier le fort de Charlesbourg-Royal au confluent du Saint-Laurent et la rivière du Cap Rouge, pour préparer la colonisation. Bientôt, l’hiver arrive et Roberval est toujours invisible, avec le reste de l’expédition. En attendant, Cartier accumule « l’or et les diamants », qu’il négocie avec les Iroquoiens du Saint-Laurent, qui disent les avoir ramassés près du camp. En 1542, Cartier lève le camp, rencontre Roberval à Terre-Neuve. Malgré l’ordre que ce dernier lui donne de rebrousser chemin et de retourner sur le Saint-Laurent, Cartier met le cap vers la France.
Aussitôt arrivé en France, il fait expertiser le minerai, apprenant qu’il ne rapporte que de la pyrite et du quartz, sans valeur. Sa mésaventure est à l’origine de l’expression « faux comme des diamants du Canada »… et du toponyme actuel, « Cap Diamant », pour désigner l’extrémité est du promontoire de Québec.
Cartier se retire alors dans son manoir de Limoëlou à Rothéneuf, près de Saint-Malo. On présume qu’il fut anobli, car il est qualifié de Sieur de Limoilou, dans un acte du chapitre de Saint-Malo, en date du ; dans un autre acte, en date du , il porte le titre de noble homme132.
Il succombe le 1er septembre133 1557, probablement de la peste qui frappe la ville cette année-là. Ses restes supposés, retrouvés en 1944, reposent aujourd’hui dans la cathédrale de Saint-Malo. D’après un extrait des papiers de famille des Garnier de Fougeray, il est écrit que son corps a été inhumé le jour même de son décès, dans la cathédrale, par son parent et compère Michel Audiepvre134.
Art de vivre
L’époque de la Renaissance correspond à un renouvellement profond de la manière de vivre. On voit apparaître dans toute l’Europe de nouveaux fruits et légumes. La gastronomie et les arts de la table évoluent progressivement. Les habitudes vestimentaires changent également.
Économie
Les aménagements urbains dans Paris durant cette époque (rues plus grandes, maisons bourgeoises, hôtels de ville), favorisent le développement des commerces (boulangers, bouchers, tenanciers)135. La bourgeoisie se tourne de moins en moins vers le commerce et de plus en plus vers le droit.
Notes et références
Notes
- Le mot terme désigne dans l’art de la sculpture classique les divers éléments d’architecture sculptés, à l’origine composés d’un buste humain, à défaut du dieu Hermès ou d’être mythologique sans bras, se terminant en gaine (formant parfois un piedestal).
- Au début des années 1590, les termes proposés Sambin sont devenues des références célèbres. D’autres figures de termes sont proposées par Boillot en 1592, ainsi que des variations bestiales par Dietterlin.
Références
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- « http://lionel.mesnard.free.fr/le%20site/4-1-paris-renaissance-1.html »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
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- Mission Val de Loire – Unesco, « Charles VII et Louis XI – Le val de Loire siège du pouvoir royal » [archive], sur valdeloire.org, (consulté le )
- Jean-Pierre Babelon, Châteaux de France au siècle de la Renaissance, Paris, Flammarion / Picard, 1989/1991, 840 p., 32 cm (ISBN 978-2-08-012062-5).
- Léon Palustre (dir.), L’architecture de la Renaissance, Paris, 7 rue Saint-Benoît, ancienne maison Quentin, Libraires-Imprimerie réunies, (ISBN 978-1-5087-0118-7)..
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- Alain Erlande-Brandenburg, Architecture romane, Architecture gothique, Jean-Paul Gisserot, 2002, (ISBN 978-2-87747-682-9)
- La ville révélée – Autour de la Ville Neuve de Charles III [archive] sur renaissancenancy2013.com
- Robert Muchembled et Michel Cassan, Histoire moderne. Les xvie et xviie siècles, t. 1, Paris, Bréal, coll. « Grand Amphi », , 416 p., 24 × 18 × 2,1 cm (ISBN 978-2-85394-730-5, lire en ligne [archive]).
- La colonne torse en Périgord à la Renaissance. Entre tradition ornementale et influence espagnole, Mélanie Lebeaux, LOCVS AMŒNVS, 2009-2010.
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Voir aussi
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- Atlas de la civilisation occidentale, généalogie de l’Europe, sous la direction de Pierre Lamaison, mai 1995, (ISBN 2-7242-8528-X)
- Le Grand Livre des explorateurs et des explorations, sous la direction de Michel Gavet-Imbert et Perrine Cambounac, préface de Paul-Émile Victor, France Loisirs, 1991,
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- La Civilisation de l’Europe et la Renaissance, John Hale, Perrin, 1998 pour la traduction française. (ISBN 2-262-01471-X)
- Atlas historique Nathan
- Les Sources d’idées au xvie siècle, Pierre Villey, Plon, Paris, 1912
- Didier Le Fur, Une autre histoire de la Renaissance, Paris, Éditions Perrin, , 250 p. (ISBN 978-2-262-07059-5, présentation en ligne [archive]).
Articles connexes
- Culture française
- Histoire de la langue française
- Jean Delumeau
- Centre d’études supérieures de la Renaissance
- La guerre au xvie siècle
- Jardins de la Renaissance française
- Renaissance italienne
- Renaissance flamande
- Renaissance anglaise
- Style Louis XII
- Seconde Renaissance française
Liens externes
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